Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1704685 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 juin 2021, 23 février et 8 juin 2022 M. et Mme B..., représentés par Me Gavet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que l'application " Sagace " ne comportait, avant l'audience, aucune information sur le sens des conclusions du rapporteur public ; il méconnaît les dispositions des articles L. 732-1 et R. 711-3 du code de justice administrative ;
- ils sont fiscalement domiciliés aux Seychelles et non en France ;
- ils se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative référencée BOI-IR-CHAMP-10 du 31 janvier 2013 n° 100 ;
- ils se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position formelle de l'administration par laquelle elle a considéré qu'ils n'étaient pas domiciliés en France et de l'instruction administrative référencée BOI-SJ-RES-10-20-10 du 12 septembre 2012 ;
- la somme de 18 096 euros correspondant aux intérêts perçus du Crédit Agricole de Touraine et du CIC Ouest en 2011 ne devait pas être imposée dès lors qu'elle a fait l'objet d'un prélèvement forfaitaire libératoire ; il en est de même pour les produits d'assurance-vie d'un montant de 41 908,78 euros perçus en 2012 ;
- c'est à tort que l'administration française a imposé des plus-values de cessions de biens immobiliers ;
- la vérification de comptabilité de la D... méconnaît les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales dès lors que les opérations de contrôle ont duré plus de trois mois.
Par des mémoires en défense enregistrés les 1er octobre 2021, 8 mars et 9 novembre 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont fait l'objet de deux examens contradictoires de situation fiscale personnelle portant sur les années 2010 à 2012. Si l'administration n'a procédé à aucun rehaussement d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, elle a estimé que M. et Mme B... étaient fiscalement domiciliés en France et non aux Seychelles tant en 2011 qu'en 2012 et a imposé les revenus fonciers, les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values de cessions mobilières au titre de ces deux années. M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles ils ont en conséquence été assujettis. Par un jugement du 9 avril 2021, le tribunal a rejeté leur demande. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. / Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 711-2 du même code : " L'avis d'audience (...) mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leur mandataire peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 ou, si l'affaire relève des dispositions de l'article R. 732-1-1, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public, en application du second alinéa de l'article R. 711-3 ".
3. M. et Mme B..., qui ont été informés par l'avis d'audience de la possibilité de prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public auprès du greffe du tribunal administratif, à défaut de pouvoir y accéder par le biais de l'application " Sagace ", n'établissent, ni même n'allèguent, avoir présenté une demande au greffe de la juridiction après avoir constaté l'impossibilité d'obtenir cette information au moyen de l'application " Sagace ". Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.
Sur la domiciliation fiscale de M. et Mme B... :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale française :
4. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". Le 1 de l'article 4 B du même code dispose dans la version alors applicable : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : (...) / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; (...) ".
5. En 2011 et 2012, M. et Mme B... ont disposé de la jouissance permanente d'une habitation appartenant à une SCI dont ils étaient associés et située sur le territoire de la commune de Brem-sur-Mer. Les investigations menées par l'administration fiscale ont permis de relever que cette habitation enregistrait une consommation régulière et importante d'électricité, équivalente à celle d'un domicile principal, que plusieurs abonnements dont celui d'un journal quotidien étaient adressés aux intéressés à Brem-sur-Mer par voie postale et que M. et Mme B... ont fréquemment bénéficié de soins en France, dont les coûts leur ont été remboursés par une assurance complémentaire de santé qui ne prévoit une couverture de santé qu'en France, outre le fait que leur abonnement télépéage faisait apparaître des déplacements réguliers en France. Compte tenu, notamment, de ces éléments, c'est à bon droit que l'administration a estimé que M. et Mme B... avaient leur foyer en France au sens des dispositions précitées du a) du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, alors même que les intéressés avaient pu se rendre pendant la période litigieuse aux Seychelles, où sont ouverts des comptes bancaires à leur nom.
En ce qui concerne l'application d'une convention fiscale internationale :
6. Aucune convention fiscale bilatérale n'a été conclue entre la France et les Seychelles.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale française :
7. L'instruction administrative référencée BOI-IR-CHAMP-10 du 31 janvier 2013
n° 100, qui précise que la résidence est considérée comme habituelle " à condition que cette résidence en France ait un caractère permanent ", ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et ne peut, par suite, être valablement invoquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les prises de position formelles de l'administration :
8. Les requérants se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'un précédent contrôle au cours duquel l'administration fiscale aurait estimé qu'ils n'étaient pas domiciliés en France, et notamment de la proposition de rectification du 27 novembre 2009 qui constituerait une prise de position formelle. Toutefois, l'administration, par cette proposition de rectification qui fait suite à un contrôle de la D... au titre des années 2006 à 2008, a seulement repris les éléments alors déclarés au titre de l'impôt sur le revenu par les requérants eux-mêmes. Le fait que l'administration n'a pas remis en cause l'indication donnée par M. et Mme B... sur leur domiciliation fiscale aux Seychelles ne constitue pas en elle-même une prise de position formelle, au sens de l'article L. 80 B, sur leur domiciliation.
9. M. et Mme B... ne peuvent invoquer, en tout état de cause, l'instruction administrative référencée BOI-SJ-RES-10-20-10 du 12 septembre 2012 relative à la garantie contre les changements de position de l'administration fiscale, à celle contre les changements de doctrine, à la procédure de rescrit fiscal, à la garantie contre les changements d'interprétation d'un texte fiscal et à celle apportée par une prise de position formelle au profit d'un contribuable sur l'interprétation d'un texte fiscal, qui ne fait que commenter l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
10. Il n'est pas sérieusement contesté que la somme de 18 096 euros correspondant aux intérêts perçus du Crédit Agricole de Touraine et du CIC Ouest en 2011, qui a fait l'objet d'un prélèvement forfaitaire libératoire au titre de l'impôt sur le revenu, n'a pas été soumise une seconde fois à l'impôt dans le cadre du recouvrement des impositions supplémentaires contestées.
11. Les produits d'assurance-vie d'un montant de 41 908,78 euros perçus en 2012, qui ont été soumis au prélèvement forfaitaire libératoire au titre de l'impôt sur le revenu, n'ont pas été déclarés sur la ligne 2DH de la déclaration d'ensemble des revenus n°2042. Faute pour M. et Mme B... de l'avoir fait, ces produits devaient être assujettis aux prélèvements sociaux comme l'a fait à bon droit l'administration.
12. Les requérants, qui ont été imposés au titre d'intérêts de comptes courants versés par les SCI en raison d'une absence de déclaration fiscale, demandent la prise en compte de déductions de charges, soit 35 952 euros, résultant du fait que M B... a lui-même mis des sommes à la disposition de ces sociétés par le biais de découverts qui ont généré pour lui des intérêts devant venir en déduction des sommes imposées. Toutefois, ils n'apportent aucun justificatif à l'appui de ces arguments.
En ce qui concerne les cessions des valeurs mobilières :
13. M. et Mme B... n'ont pas déclaré une plus-value nette de cession de valeurs mobilières de 10 443 euros en 2012, résultant de la différence entre une moins-value de 51 138 euros réalisée en 2011 et une plus-value de 61 581 euros réalisée en 2012. C'est donc à bon droit que l'administration a imposé cette plus-value nette.
En ce qui concerne les revenus fonciers :
14. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) ".
15. Les sociétés civiles immobilières concernées, qui exercent une activité civile de location immobilière de locaux nus, n'entrent dans le champ d'aucune des dispositions de cet article. Dès lors, le moyen tiré de ce que les opérations de contrôle de la D... ont duré plus de trois mois, en méconnaissance de ces dispositions, doit être, en tout état de cause, écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2023.
Le rapporteur
J.E. C...La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01505