Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 7 juillet 2020 de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant de délivrer aux jeunes M'Bamakan C... et B... C... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfants de ressortissant français.
Par un jugement n° 2012171 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision implicite de rejet et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux enfants M'Bamakan C... et B... C... les visas d'entrée et de long séjour sollicités, dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 juin 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes.
Le ministre de l'intérieur soutient que :
- M. C... ne justifiant pas avoir demandé la communication des motifs de la décision implicite de rejet de la commission de recours, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait insuffisamment motivée ;
- le lien de filiation entre les jeunes M'Bamakan et B... et M. C... n'est pas établi par les actes d'état civil produits en ce qu'ils ont été établis sans acte de reconnaissance, alors que les enfants sont nées hors mariage ;
- le caractère apocryphe des actes de naissance des jeunes M'Bamakan et
B... ne peut qu'être confirmé par l'absence de réponse des autorités locales à la demande de l'autorité consulaire de vérifier in situ la régularité des actes de naissance ;
- la filiation n'est pas davantage établie par des éléments de la possession d'état ;
- en l'absence de tout établissement du lien de filiation, la décision contestée ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2021, M. C..., représenté par Me de Clerck Duhayon, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux jeunes M'Bamakan et B... C... un visa long séjour en leur qualité d'enfant mineur d'un ressortissant français, dans un délai de 20 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé ;
- la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'est pas motivée et méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant français né le 31 décembre 1970 à Djinagué Kita (Mali), a sollicité la délivrance de visas de long séjour pour les jeunes M'Bamakan C... née le 6 janvier 2013 et B... C..., née le 3 novembre 2015 qu'il présente comme ses enfants. Par des décisions du 7 juillet 2020, les autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) ont rejeté les demandes de visas sollicités. Le recours formé le 18 août 2020 contre ces décisions a été implicitement rejeté du fait du silence gardé pendant plus de deux mois par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par un jugement du 1er juin 2021, dont le ministre de l'intérieur et de l'outre-mer relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision implicite et a enjoint au ministre de délivrer les visas sollicités en faveur des enfants M'Bamakan et B... C....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Il ressort du mémoire en défense produit en appel par le ministre de l'intérieur que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. C... au motif que n'était pas établi le lien de filiation des enfants M'Bamakan et B... à l'égard de M. C....
5. Pour justifier du lien de filiation avec les enfants M'Bamakan née le 6 janvier 2013 et B... née le 3 novembre 2015, M. C... a produit, s'agissant de l'enfant M'Bamakan, une copie du volet n° 3 de l'acte de naissance n° 78/CRT dressé le 16 janvier 2013 par le centre principal de Tambaga et, s'agissant de l'enfant B..., une copie du volet n°3 de l'acte de naissance n°323/CRT, dressé le 20 novembre 2015, par le même centre, faisant état tous deux de la filiation paternelle avec M. A... C.... Il est constant que les enfants M'Bamakan et B... sont nées avant le mariage de M. C... avec Mme E... C..., célébré le 28 septembre 2017. Si le ministre de l'intérieur soutient que cet acte n'est pas conforme aux dispositions de l'article 55 de la loi du 30 décembre 2011 prévoyant que " sont mentionnés en marge de l'acte précédemment dressé ou transcrit : - l'acte de reconnaissance d'un enfant né hors mariage en marge de l'acte de naissance de l'enfant ", les actes de naissance produits ont été dressés sur les déclarations mêmes de M. C... en sa qualité de père, faites le 15 janvier 2013 pour l'enfant M'Bamakan et le 16 novembre 2015 pour l'enfant B.... Par ailleurs, l'absence de réponse des autorités locales à la demande de l'autorité consulaire de vérifier la régularité des actes de naissance n'est pas de nature à établir le caractère frauduleux des actes de naissance en cause.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer aux jeunes M'Bamakan C... et à B... C... les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, présentées par M. C... :
7. Par le jugement du 1er janvier 2021, dont le dispositif est confirmé par le présent arrêt, le tribunal administratif de Nantes a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux enfants M'Bamakan C... et B... C... les visas d'entrée et de long séjour sollicités, dans un délai de deux mois à compter de sa notification. L'exécution du présent arrêt n'appellent pas le prononcé d'une autre mesure d'injonction. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte l'injonction prononcée par le tribunal.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... C....
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.
La rapporteure,
I. D...La présidente,
C. BUFFET
La greffière,
Karine BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01619