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06/01/2023 | FRANCE | N°22NT03065

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 janvier 2023, 22NT03065


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2209145 du 2 août 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 septembre et 6 décembre 2022

, Mme C..., représentée par Me Bearnais, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la magi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2209145 du 2 août 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 septembre et 6 décembre 2022, Mme C..., représentée par Me Bearnais, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes du 2 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas examiné sa vulnérabilité, ni l'impact de la mesure de transfert sur sa situation et celle de son nourrisson ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le convention internationale des droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante camerounaise née le 13 septembre 1991, est entrée sur le territoire français, le 12 mai 2022 selon ses déclarations. Le 2 juin 2022, sa demande d'asile a été enregistrée par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé des empreintes digitales de l'intéressée a révélé que celles-ci avaient déjà été enregistrées en Espagne le 27 janvier 2022 en raison du franchissement irrégulier de la frontière espagnole dans la période de douze mois précédant sa demande d'asile. Saisies par les autorités françaises le 15 juin 2022, les autorités espagnoles ont explicitement accepté son transfert, le 23 juin 2022. Par un arrêté du 4 juillet 2022, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles. Par un jugement du 2 août 2022, dont Mme C... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier, alors notamment que l'arrêté contesté mentionne que Mme C... a déclaré être célibataire, avoir deux enfants résidant au Cameroun et être enceinte de trois mois sans apporter de justificatif médical, que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation et des conséquences de son transfert en Espagne au regard en particulier de son état de santé et de celui de son enfant à naître. A cet égard, si Mme C... établit qu'elle était enceinte d'environ trois mois à la date de l'arrêté litigieux, cette seule circonstance, en l'absence d'élément permettant de considérer qu'elle ne pourrait pas bénéficier en Espagne d'un suivi médical adapté à son état ou que celui-ci lui interdisait tout déplacement à raison des risques encourus pour sa santé et celle de l'enfant à naître, la production de certificats médicaux relatifs à sa capacité à voyager au mois d'octobre 2022 n'étant pas probante à cet égard, ne suffit pas à établir qu'elle se trouvait, à la date de la décision, en situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par ailleurs, il n'est pas démontré que les autorités espagnoles ne seraient pas en capacité d'examiner la demande d'asile en tenant compte de sa situation et dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, Mme C... ne peut utilement se prévaloir des persécutions et violences qu'elle aurait subies au Cameroun ainsi qu'au cours de son parcours migratoire, alors que l'arrêté contesté n'a pas pour objet de la reconduire dans son pays d'origine. En conséquence, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités espagnoles, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Par ailleurs, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. D'une part, la seule circonstance que Mme C..., entrée très récemment en France, serait enceinte et isolée ne saurait caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

6. D'autre part, s'il résulte des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, Mme C... ne peut pas, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ces stipulations à l'encontre de la mesure de transfert litigieuse prise avant la naissance de son enfant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou de réexaminer sa situation doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Bearnais et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2023.

Le rapporteur,

S. A...

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03065


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03065
Date de la décision : 06/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BEARNAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-06;22nt03065 ?
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