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06/01/2023 | FRANCE | N°22NT01661

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 janvier 2023, 22NT01661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable.

Par un jugement n° 2205355 du 4 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.>
Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mai 2022 et l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable.

Par un jugement n° 2205355 du 4 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mai 2022 et le 6 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Bearnais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2022 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté du 21 avril 2022 portant transfert aux autorités italiennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer un récépissé de demande d'asile en procédure normale, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle sera exposée à de mauvais traitements en Italie contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 20 juillet 2022 et le 8 décembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Le délai de transfert de Mme B... a été reporté au 4 novembre 2023.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante guinéenne née le 2 octobre 1997 à Conakry (Guinée), déclare être entrée en France le 3 février 2022. Elle a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique qui a été enregistrée le 9 février 2022. La consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé de ses empreintes digitales a révélé qu'elle avait été identifiée en Italie le 14 novembre 2021 pour franchissement irrégulier de la frontière italienne. Saisie par les autorités françaises le 15 février 2022, les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par décision explicite du 19 avril 2022. Mme B... relève appel du jugement du 4 mai 2022 en tant que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

3. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

4. Mme B... fait tout d'abord état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie. Toutefois, en dépit de ces allégations, aucun élément ne permet de tenir pour établi que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Par ailleurs, si la requérante invoque également des troubles psychologiques et gynécologiques, le compte-rendu médical du 23 mars 2022 qui relève qu'elle a déclaré être essoufflée à l'effort et subir des périodes de dysménorrhée d'intensité difficilement supportable ainsi qu'une ordonnance du 15 avril 2022 prescrivant du fer, des produits Econazole, du paracétamol et des bains de bouche, ne permettent pas de démontrer que son état de santé la placerait à la date de la décision contestée dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Si elle fait état de troubles anxio-dépressifs et de souffrance psychique et produit, dans le dernier état de ses écritures, de documents médicaux d'octobre et novembre 2022 et notamment une ordonnance prescrivant des antidépresseurs et une attestation d'hospitalisation pour la période du 19 au 25 octobre 2022, il en ressort que ce n'est qu'à l'annonce de l'exécution de la décision de transfert prévue initialement le 21 octobre 2022 que son état de santé s'est dégradé et qu'il s'aggrave à la faveur des échéances administratives. Elle ne peut dès lors se prévaloir de ces éléments postérieurs à la décision en litige. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage en appel qu'en première instance des pièces du dossier qu'elle ne pourrait pas être suivie médicalement en Italie et y bénéficier des soins adéquats. La requérante ne démontre pas non plus qu'elle serait exposée au risque de subir en Italie des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Au surplus, Mme B... ne peut utilement invoquer les risques encourus dans son pays d'origine ou lors de son parcours d'exil hors de l'Europe à l'encontre d'une décision de transfert.

6. Dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément de vulnérabilité, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ni que le préfet de Maine-et-Loire, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

7. En second lieu, Mme B... est célibataire et sans charge de famille en France. Elle ne justifie pas ni même n'allègue y avoir des attaches familiales. Dans ces conditions, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bearnais et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2023.

La rapporteure,

L. C...

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01661
Date de la décision : 06/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BEARNAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-06;22nt01661 ?
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