Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 7 avril 2021 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2100953 du 23 juillet 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 12 avril 2022, le 26 avril 2022 et le 7 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Tsaranazy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 juillet 2021 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 7 avril 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de renouveler son titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut du contradictoire ; il demande à ce que le préfet du Calvados produise l'entièreté du dossier de demande de titre de séjour qu'il a déposé en 2017 et ayant donné lieu à la délivrance de son premier titre de séjour ainsi que l'attestation de témoignage de son ex-concubine en date du 20 mars 2021 et la copie du rapport transmis par la conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation dont l'arrêté en litige fait mention, comme auraient dû l'exiger les premiers juges dans le souci du contradictoire ;
- la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'est pas soumis à la condition alternative de devoir prouver sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant dès lors qu'il a reconnu la paternité de sa fille ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles 3 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 25 mai 1985 à Conakry (Guinée), déclare être entré en France en octobre 2009. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 avril 2010, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 décembre 2011. Il a fait l'objet de deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire français les 14 mars 2012 et 5 juillet 2013 qu'il n'a pas exécutés. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français à compter du 22 juin 2017, régulièrement renouvelé et dont le dernier expirait au 20 décembre 2020. Il relève appel du jugement du 23 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2021 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 611-10 du code de justice administrative : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige. / (...) ".
3. Si le tribunal peut demander aux parties toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige, une telle demande constitue une simple faculté pour le juge. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges n'auraient pas été suffisamment éclairés par les éléments et pièces versées au dossier par les parties à l'instance et qu'en conséquence le rapporteur aurait dû exercer son pouvoir d'instruction pour compléter le dossier avant de statuer sur le litige, comme le soutient le requérant. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de respect du principe du contradictoire et serait irrégulier pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père d'une enfant de nationalité française, née le 16 janvier 2014, qu'il a eu avec une ressortissante de nationalité française et qu'il a reconnu dès sa naissance. A la date de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, il est constant que le requérant ne vivait plus effectivement avec la mère de cette enfant. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait participé de manière effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis au moins deux ans et notamment qu'il exercerait effectivement un droit de visite à son domicile tous les week-ends des semaines impaires, la seule production d'attestations non circonstanciées du 17 janvier 2019, 20 mars 2021 et 7 juin 2021 de la mère de l'enfant et de factures de cantine libellées à son nom pour la période de 2017 à 2021, d'un relevé de situation de la régie périscolaire ainsi que d'attestations d'assurance scolaire pour la même période, n'étant pas suffisamment probant pour l'établir, en l'absence notamment de tout justificatif de paiement par M. A... lui-même tels que des relevés bancaires. De même, si un livret d'épargne a été ouvert au nom de l'enfant le 22 avril 2015, il ressort des pièces du dossier que ce livret a été contractuellement ouvert au nom du titulaire du compte bancaire qui effectue un virement programmé de 50 euros mensuels, soit la mère de l'enfant et non M. A..., et ce dernier ne justifie là encore pas, de manière suffisamment probante, de l'effectivité des virements sur ce compte épargne dont il se prévaut, à défaut notamment de produire ses relevés bancaires. Il résulte d'ailleurs d'un accord parental entre le requérant et la mère de l'enfant en date du 7 juin 2021, postérieurement à la date de l'arrêté contesté, homologué par le juge aux affaires familiales le 25 mai 2022, que ce n'est qu'à compter de cette date que M. A... s'est engagé à verser une somme mensuelle de 50 euros puis de 100 euros pour contribuer à l'entretien et l'éducation de l'enfant. Dans ces conditions, en refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet n'a méconnu ni les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles du 6° de l'article L. 511-4 du même code, alors même que M. A... fait état de ce qu'il a accompagné trois fois son enfant chez le médecin, le 23 avril 2018, le 4 décembre 2018 et le 13 janvier 2020.
6. En outre, pour refuser le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'obliger à quitter le territoire français, le préfet du Calvados a estimé que la présence en France de M. A... constitue une menace pour l'ordre public, dès lors que l'intéressé a été condamné à huit mois d'emprisonnement par jugement du 19 octobre 2020 par le tribunal judicaire de Caen pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours en présence d'un mineur pour une personne étant ou ayant été concubin, conjoint ou partenaire dans le cadre d'une récidive, qu'il a été également condamné à 90 jours d'emprisonnement et à une amende par le tribunal correctionnel de Caen le 17 janvier 2019 pour des faits de violence commise en réunion, enfin à deux mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Caen le 15 mai 2019 pour des faits de conduite sans permis et qu'il est écroué sous le régime de la surveillance électronique depuis le 2 mars 2021. Le requérant ne conteste pas les faits pour lesquels il a été condamné et soutient qu'il convient de prendre en compte sa vie privée et familiale. Toutefois, les faits pour lesquels il a été condamné sont particulièrement graves, notamment en raison de l'atteinte aux personnes qu'ils ont comporté. Par ailleurs, il ne justifie pas non plus être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a déclaré avoir ses frères et sœurs. Dans ces conditions, et compte-tenu de ce qui a été dit au point 5, en estimant que le requérant constituait une menace à l'ordre public, le préfet du Calvados pouvait sans erreur d'appréciation, également pour ce seul motif, lui refuser le renouvellement de son titre de séjour et l'obliger à quitter le territoire français.
7. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, pour les mêmes motifs, les décisions refusant le renouvellement du titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ne violent pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle du requérant.
8. En troisième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant, qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux particuliers.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. M. A... n'établissant pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France au titre du 6° de l'article
L. 313-11 du code, comme il a été dit aux points 4 à 6, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.
10. En cinquième lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondée à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
11. En dernier lieu, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et de la décision fixant le pays de destination.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 7 avril 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Tsaranazy et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2023.
La rapporteure,
L. B...
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01121