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28/12/2022 | FRANCE | N°21NT02424

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 décembre 2022, 21NT02424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement no 1904076 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 août et 5 septembre 2021 et le 14 février 2022, M. B..., représenté par Me Renault, demande à la cour :

1°) d'

annuler le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décisio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement no 1904076 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 août et 5 septembre 2021 et le 14 février 2022, M. B..., représenté par Me Renault, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 16 janvier 2019 du ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée du ministre de l'intérieur est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Renault, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a sollicité l'acquisition de la nationalité française par voie de naturalisation auprès du préfet du Val-de-Marne, qui a rejeté sa demande par une décision du 19 mai 2015. Le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique par une décision implicite qui a été annulée, en raison de son insuffisante motivation, par l'arrêt no 18NT00599 du 9 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes. En exécution de cet arrêt qui lui a enjoint de réexaminer la demande de M. B..., le ministre de l'intérieur a pris une nouvelle décision, le 16 janvier 2019, par laquelle il a confirmé le rejet de la demande de naturalisation de M. B.... Ce dernier relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 16 janvier 2019 du ministre de l'intérieur.

2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté par adoption des motifs retenus au point 2 du jugement attaqué.

3. En second lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.

4. Pour rejeter la demande de naturalisation de M. B..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'eu égard au manque de sincérité et de clarté dans ses déclarations et à l'environnement dans lequel il évoluait, il ne lui paraissait pas opportun de lui accorder la faveur de l'octroi de la nationalité française. Il a relevé en particulier que lors de ses entretiens avec les services spécialisés de sécurité dans le cadre de sa demande de naturalisation, le postulant avait tenté de dissimuler ses liens avec des individus ou associations défavorablement connus de ces services.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'une note des services de la direction générale de la sécurité intérieure du 5 septembre 2019, que M. B... a été reçu à deux reprises par cette direction, le premier entretien ayant fait apparaître des incohérences dans ses déclarations et une volonté de dissimuler ses liens avec des associations ou des individus connus de cette direction. En particulier, cette note relève qu'en dépit des nombreuses questions qui lui ont été posées, M. B... n'a cité spontanément aucun des individus apparus au cours de l'enquête réalisée dans son environnement et connus pour des faits relevant de la direction générale de la sécurité intérieure. Elle précise notamment que M. B... n'a pas mentionné " l'un de ses principaux contacts dont le frère a été interpellé il y a quelques années dans le cadre d'un projet d'attentat à l'étranger ", et qu'il a déclaré ne pas connaître les identités des gérants de deux restaurants libanais qu'il fréquentait depuis plusieurs années, avant d'admettre les connaître lors du second entretien. À supposer même qu'ainsi que le soutient M. B..., celui-ci aurait involontairement oublié, lors du premier entretien, de citer, parmi les personnes de son entourage, l'ami auquel la note fait référence, rencontré lors de ses études de master en France en 2009, et qu'il aurait ignoré l'existence du frère de cet ami, dont l'interpellation n'aurait donné lieu à aucune suite judiciaire, ses allégations selon lesquelles il aurait, dès son premier entretien, spontanément cité le nom des frères gérant un restaurant libanais, en précisant qu'il ne les connaissait qu'en tant que client, ne suffisent pas à remettre en cause les énonciations sur ce point de la note précitée. En outre, si M. B... soutient que tous les individus évoqués lors de ses entretiens avec les services de la direction générale de la sécurité intérieure ont depuis lors acquis la nationalité française, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations. Les faits énoncés dans la note du 5 septembre 2019 quant au manque de clarté et de sincérité de ses déclarations, suffisamment précis et circonstanciés, sont ainsi de nature à créer un doute sur la loyauté de M. B... envers la France. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur a pu, sans entacher sa décision d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation, rejeter la demande de naturalisation du requérant pour les motifs énoncés au point 4 ci-dessus.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 décembre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. C...La présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT02424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02424
Date de la décision : 28/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : RENAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-28;21nt02424 ?
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