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23/12/2022 | FRANCE | N°22NT01217

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 23 décembre 2022, 22NT01217


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 15 mars 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français, l'assignant à résidence et portant interdiction de circulation en France pendant deux ans.

Par un jugement n° 2203436 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 15 mars 2022 portant assignation à résidence de M. B... dans le département de Loire-Atlantique et a rejeté le surplus

de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 avri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 15 mars 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français, l'assignant à résidence et portant interdiction de circulation en France pendant deux ans.

Par un jugement n° 2203436 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 15 mars 2022 portant assignation à résidence de M. B... dans le département de Loire-Atlantique et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2022 M. B..., représenté par Me Thoumine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 du préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire et qu'il porte interdiction de circulation en France pendant deux ans ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au profit de son avocat en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

sur l'obligation de quitter le territoire français :

- il disposait d'un droit au séjour en vertu du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 251-2 du même code ;

- le principe de libre circulation des citoyens de l'Union européenne a été méconnu ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

sur l'interdiction de circuler en France pendant deux ans :

- la décision de quitter le territoire étant illégale, la décision d'interdiction de circulation devra être annulée.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que s'agissant du délai de départ volontaire de 30 jours mentionné dans le jugement du tribunal administratif de Nantes qui a annulé l'arrêté portant assignation à résidence, il s'agit d'une erreur de plume et que M. B... ne dispose plus d'un droit au séjour.

Par une décision du 4 mai 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant roumain né le 17 avril 2002, a été, le 26 décembre 2020, interpellé par les services de police et placé en garde à vue pour vol en réunion. Par un arrêté du 27 décembre 2020, le préfet de Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et l'a interdit de circulation sur le territoire français pour deux ans. Par un arrêté du 11 mars 2021 et à la suite de son interpellation le même jour, le même préfet l'a assigné à résidence dans le département de Loire-Atlantique pour une durée de trois mois. Le 15 mars 2022, M. B... a été interpellé et placé en garde à vue pour refus d'obtempérer, défaut de permis de conduire et détention de produit stupéfiant. Par des arrêtés du 15 mars 2022, notifiés le même jour, le préfet de Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, l'a interdit de circulation sur le territoire français pour deux ans et l'a assigné à résidence dans le département de Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 15 mars 2022 portant assignation à résidence de M. B... dans le département de Loire-Atlantique et a rejeté le surplus de sa demande. M. B... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant l'ancien article L. 121-1 du même code : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) ". S'il ressort des pièces du dossier que le père de M. B... a travaillé en tant qu'agent d'entretien, ne sont produits que deux bulletins de salaire, datés des mois de janvier et février 2022, ce qui ne suffit pas à justifier d'une activité professionnelle au sens des dispositions précitées, à la date de l'arrêté contesté du 15 mars 2022. Au surplus, le père de M. B... a perçu, pour ces deux mois, un salaire d'un peu moins de 1 300 euros nets, ce qui ne permet pas de subvenir aux besoins d'une famille de cinq personnes. Par conséquent, M. B... ne remplissait aucune des conditions fixées à l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'autorisant à séjourner en France plus de trois mois.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 251-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 251-1 les citoyens de l'Union européenne ainsi que les membres de leur famille qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 234-1 ". Aux termes de l'article L. 234-1 du même code : " Les citoyens de l'Union européenne mentionnés à l'article L. 233-1 qui ont résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquièrent un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. (...) ". Si le requérant soutient être arrivé en France en 2014, à l'âge de douze ans, soit depuis sept ans à la date de l'arrêté contesté, et qu'il y vit avec ses parents et son frère et sa sœur, cette durée de présence ininterrompue en France pendant au moins cinq ans avant la décision contestée n'est pas établie par les pièces du dossier, l'intéressé ayant vécu en Roumanie pendant sept mois en 2020-2021.

4. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile inséré au titre V " Décision d'éloignement " du livre II " Dispositions applicables aux citoyens de l'Union européenne et aux membres de leur famille " : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. (...) L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ; (...) ". Il appartient à l'autorité administrative d'un État membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre État membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

5. Si le requérant soutient être arrivé en France en 2014, à l'âge de douze ans, soit depuis sept ans à la date de l'arrêté contesté, et qu'il y vit avec ses parents et son frère et sa sœur, cette durée de présence continue en France n'est pas établie, alors qu'il est par ailleurs constant qu'il a vécu en Roumanie pendant sept mois en 2020-2021. Il ne travaillait pas et ne poursuivait plus d'études à la date de la décision contestée. Il n'est pas établi par les pièces du dossier qu'il aurait noué des relations en France. En outre, M. B... est défavorablement connu des services de police pour des faits de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et de vol de véhicule le 13 février 2017, de conduite d'un véhicule sans permis le 1er mars 2017, de recel de bien provenant d'un vol le 4 mai 2017, de conduite d'un véhicule sans permis le 19 novembre 2017, de recel de bien provenant d'un vol le 19 septembre 2018, de vol en réunion le 22 septembre 2018, de conduite d'un véhicule sans permis le 6 novembre 2019, de circulation avec un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants le 6 novembre 2019 ainsi que de conduite d'un véhicule sans permis, sans assurance et en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants le 13 octobre 2020. M. B... a également été interpelé le 11 mars 2021 après avoir fui en voiture lors d'un contrôle des services de police et le 15 mars 2022 pour des faits de conduite sans permis et refus d'obtempérer. Ces faits n'ont pas donné lieu à des condamnations pénales mais ne sont pas contestés par l'intéressé. Eu égard à la répétition, la nature et au caractère récent de ces faits et alors même que ces derniers ne sont pas ceux listés aux articles 411-1 et 412-1 du code pénal, et au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet a pu, par une exacte application de la loi, considérer que la présence en France de l'intéressé constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, au sens des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe de libre circulation des citoyens de l'Union européenne doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur l'interdiction de circuler en France pendant deux ans :

6. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 5, le moyen tiré de ce que, la décision de quitter le territoire étant illégale, la décision d'interdiction de circulation devra être annulée par voie de conséquence doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 15 mars 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français et portant interdiction de circulation en France pendant deux ans. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2022.

La rapporteure

P. C...

La présidente

I. PerrotLa greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01217
Date de la décision : 23/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : THOUMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-23;22nt01217 ?
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