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23/12/2022 | FRANCE | N°22NT01176

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 décembre 2022, 22NT01176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 20 avril 2018 par laquelle la ministre des armées a décidé de présenter son dossier devant la commission de réforme des militaires et la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre à la ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie liée aux évènements du 19 février 2018.

Par une deuxième requête, M. A... a de

mandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 13 juin 2018 par lequel la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 20 avril 2018 par laquelle la ministre des armées a décidé de présenter son dossier devant la commission de réforme des militaires et la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre à la ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie liée aux évènements du 19 février 2018.

Par une deuxième requête, M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 13 juin 2018 par lequel la ministre des armées l'a radié des contrôles d'office à compter du 20 juin 2018 pour inaptitude physique et la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire.

Par une troisième requête, M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 4 juin 2019 par lequel la ministre des armées a expressément rejeté ses recours administratifs préalables obligatoires.

Par un jugement n° 1802916, 1900040, 1901587 du 24 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces trois requêtes.

Par un arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021, la cour a annulé ce jugement du tribunal administratif de Caen ainsi que la décision du 4 juin 2019 de la ministre des armées portant radiation des contrôles de M. A... pour inaptitude définitive. Par un article 2, il a été enjoint à la ministre des armées de prononcer, dans un délai d'un mois, la réintégration juridique de M. A... à la date de prise d'effet de la décision de radiation des contrôles pour inaptitude jusqu'à ce que, après une nouvelle saisine de la commission de réforme, l'autorité compétente prenne une nouvelle décision statuant sur son éventuelle inaptitude à l'exercice de toute fonction dans les armées. Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. A... a été rejeté et la somme de 1 800 euros a été mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Procédure en exécution devant la cour :

Par une lettre, enregistrée le 10 février 2022, M. A... a présenté une demande tendant à obtenir l'exécution de cet arrêt.

Par une ordonnance n° 22NT01176 du 21 avril 2022, le président de la cour a ouvert une phase juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de l'arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021.

Par des mémoires, enregistrés les 3 mai et 9 août 2022, M. A..., représenté par Me Maumont, demande à la cour d'assortir l'injonction prononcée dans l'arrêt du 9 novembre 2021 d'une astreinte et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- rien ne justifie que sa réintégration juridique se limite à la période du 20 juin au 9 octobre 2018 ; il aurait dû être réintégré juridiquement jusqu'à ce que la commission de réforme se prononce sur son aptitude à l'exercice de toute fonction dans l'armée et non jusqu'au terme de son contrat d'engagement, lequel au demeurant a été prorogé ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Caen dans un jugement n° 1900271, 1901588 du 24 mars 2020 ; en exécution de ce jugement il doit être placé en position d'affection présumée imputable au service (APIAS) ; sa reconstitution de carrière devra tenir compte des possibilités de prolongation de contrat ou de concours internes auxquelles il aurait pu prétendre et de la perte de chance qu'il a subie ;

- rien ne justifie qu'il ne perçoive pas sa solde ainsi que les primes et indemnités y afférentes depuis le 20 juin 2018, ainsi que le prévoit les articles L. 4138-2 et R. 4138-52 du code de la défense ;

- il reste en attente d'une décision de rétablissement dans ses droits à pension et dans ses droits sociaux ;

- il n'est pas précisé si la commission de réforme va se réunir ; son avis du 4 février 2020 est illégal et inexistant compte tenu de l'arrêt du 9 novembre 2021 qui entraîne de facto l'annulation de tous les actes préparatoires à la décision du 4 juin 2019 ; cet avis est contraire aux dispositions des articles 5 et 12 de l'arrêté du 20 septembre 2006 pris en application de l'article 6 du décret du 20 septembre 2006 ; seule la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité est compétente pour statuer sur sa situation afin que puisse être clos son dossier " APIAS " ;

- la décision du 18 juillet 2022 prise par le ministre des armées après recours administratif obligatoire préalable, qui considère à tort qu'il " a été rayé des contrôles au terme de son contrat le 10 octobre 2018 " et " qu'il n'y a plus lieu de se prononcer sur son aptitude médicale à servir ", procède à une exécution irrégulière de l'arrêt du 9 novembre 2021 ; elle ne peut se fonder sur l'avis de la commission de réforme du 4 février 2020.

Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet des conclusions présentées par M. A....

Il soutient que :

- la somme de 1 812,06 euros a été versée à M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens mis à la charge de l'Etat par l'arrêt du 9 novembre 2021 ;

- la contestation des mesures prises en exécution de l'arrêt relève d'un litige distinct ;

- après avoir réintégré juridiquement un agent bénéficiant d'un contrat à durée déterminée, l'administration peut décider de ne pas renouveler son contrat au-delà de la date à laquelle il serait normalement parvenu à expiration ; de ce fait M. A... a été replacé juridiquement en position d'activité à compter du 20 juin 2018 jusqu'au 9 octobre 2018, date du terme de son contrat de volontaire ;

- un agent irrégulièrement évincé ne peut en l'absence de service fait prétendre à un rappel de traitement ; M. A... ne peut donc prétendre à sa rémunération ; en outre, la contestation de l'absence de versement de sa solde constitue un litige distinct de celui jugé par la cour dans l'arrêt du 9 novembre 2021 ;

- les règles relatives à la reconstitution de carrière ne sont pas applicables aux agents contractuels puisqu'ils n'ont pas de " carrière " ;

- la régularisation de ses droits à pension est en cours ; M. A... perçoit depuis le mois de juin 2018 une pension de retraite au titre de son invalidité d'un montant brut mensuel de 84,85 euros qui devrait faire l'objet d'un trop-versé au titre de la période concernée par sa réintégration juridique.

Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2022, M. A... demande à la cour d'assortir l'injonction prononcée le 9 novembre 2021 d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et de porter la somme sollicitée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à 4 000 euros.

Il ajoute que :

- il appartient à l'administration de déterminer le statut de sa DAPIAS, ouvert à compter du 19 février 2018, avant de saisir la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité ;

- rien ne permet d'affirmer que son contrat n'aurait pas été prolongé au regard de son évaluation de décembre 2017, de ses capacités sportives et de son aptitude médicale en vue d'occuper un emploi d'officier de conduite des opérations ;

- l'exécution du jugement du tribunal administratif de Caen impose l'application de l'article L. 4138-2 du code de la défense ; en ayant ouvert la DAPIAS à compter du 19 février 2018 sans l'avoir clôturée, la ministre a prorogé de fait la durée de son contrat.

Par un courrier du 11 octobre 2022, resté sans réponse, il a été demandé au ministre des armées de justifier des mesures prises en ce qui concerne le calcul des droits à pension de M. A....

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a intégré la marine nationale le 10 octobre 2016 en qualité de volontaire aspirant. Son contrat d'un an, prenant fin le 9 octobre 2017, a été renouvelé une fois. A compter du 18 janvier 2018, l'intéressé a été placé en arrêt de travail. Le 20 avril 2018, la ministre des armées a saisi la commission de réforme des militaires afin qu'elle se prononce sur l'aptitude de M. A.... L'avis de cette instance a été rendu le 18 mai 2018. Par un arrêté du 13 juin 2018, la ministre des armées a radié des contrôles M. A... avec effet au 20 juin 2018. Par un arrêté du 4 juin 2019, elle a rejeté les recours administratifs préalables obligatoires présentées par l'intéressé. Par un jugement n° 1802916, 1900040, 1901587 du 24 mars 2020 le tribunal administratif de Caen a rejeté les requêtes déposées par M. A... tendant à l'annulation de ces trois " décisions ". Ce jugement a été annulé par un arrêt de la cour n° 20NT01535 en date du 9 novembre 2021. Aux termes de l'article 1er de cet arrêt, la décision du 4 juin 2019 a été annulée. Aux termes de l'article 2, il a été enjoint à la ministre des armées de prononcer, dans un délai d'un mois, la réintégration juridique de M. A... à la date de prise d'effet de la décision de radiation des contrôles pour inaptitude jusqu'à ce que, après une nouvelle saisine de la commission de réforme, l'autorité compétente prenne une nouvelle décision statuant sur son éventuelle inaptitude à l'exercice de toute fonction dans les armées. L'article 3 a rejeté le surplus de la requête et l'article 4 a mis la somme de 1 800 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le 10 février 2022, M. A... a présenté une demande d'exécution de cet arrêt. Par une ordonnance du 21 avril 2022, le président de la cour a ouvert la phase juridictionnelle de cette instance.

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...). Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...). ". Il résulte articles L. 911-4, R. 921-5 et R. 921-6 du code de justice administrative qu'il appartient au juge de l'exécution de prescrire les mesures qu'implique nécessairement la décision dont l'exécution lui est demandée par la partie intéressée, alors même que ces mesures ne figuraient pas expressément dans la demande présentée au président de la juridiction ou dans les mémoires produits après l'ouverture de la procédure juridictionnelle, sauf lorsque la partie qui a saisi la juridiction d'une demande d'exécution a indiqué, sans équivoque, qu'elle renonçait au bénéfice d'une partie de ces mesures.

Sur la réintégration de M. A... :

3. Par une décision du 22 décembre 2021, la ministre des armées a réintégré juridiquement M. A... en position d'activité du 20 juin 2018 au 9 octobre 2018 sans le bénéfice de sa solde. Cette décision a été prise au vu de l'avis de la commission de réforme du 4 février 2020 qui a confirmé son inaptitude au service dans les armées. Par suite, en se fondant sur un avis de la commission de réforme postérieur à la décision du 4 juin 2019, la ministre doit être regardée comme ayant exécuté l'injonction qui lui était faite. Si M. A... soutient qu'il aurait dû être réintégré jusqu'à ce que la commission de réforme se réunisse, et ne pouvait être privé de sa solde et des indemnités prévues à l'article R. 4138-52 du code de la défense, cette question qui nécessite de se prononcer notamment sur la reconduction de son contrat de travail au-delà du 9 octobre 2018, n'a pas été jugée dans l'arrêt de la cour du 9 novembre 2021 dont il sollicite l'exécution. Elle relève par suite, ainsi que le soutient le ministre, d'un litige distinct. Pour le même motif l'intéressé n'est pas fondé à soutenir dans le cadre de la présente instance que l'avis de la commission de réforme du 4 juin 2019 ainsi que la décision du 22 décembre 2021 et celle du 18 juillet 2022 prise après saisine de la commission des recours des militaires, seraient entachés d'illégalité. M. A... se prévaut, par ailleurs, de ce que, par un jugement n° 1900271-1901588 du 24 mars 2020 devenu définitif, le tribunal administratif de Caen a ordonné à la ministre des armées d'ouvrir une déclaration d'affectation présumée imputable au service (DAPIAS) dans un délai de deux mois. Cette injonction ne présente toutefois pas le même objet que celle prononcée par la cour dans son arrêt du 9 novembre 2021. Il n'appartient dès lors pas au juge de l'exécution d'en connaître.

Sur la reconstitution de la carrière et des droits à pension de M. A... :

4. La reconstitution de carrière d'un agent irrégulièrement évincé implique nécessairement la régularisation de son affiliation à la caisse de retraite ou au régime de pension dont il aurait relevé en l'absence d'intervention de la décision d'éviction illégale et, par suite, le versement par l'employeur des cotisations correspondantes. Cette obligation procède directement de l'annulation de la décision d'éviction illégale et n'a pas un caractère distinct de la reconstitution de carrière à laquelle l'employeur est tenu dans son ensemble.

5. M. A... ne bénéficiait que d'un contrat de travail d'un an, qui a été renouvelé une fois. Par suite, il ne pouvait prétendre à un déroulement de carrière. Dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le ministre des armées n'aurait pas procédé à la reconstitution de sa carrière en exécution de l'arrêt de la cour du 9 novembre 2021.

6. En revanche, les conclusions présentées M. A... en vue de la reconstitution de ses droits à pension de retraite tendent à l'exécution de l'une des conséquences juridiques de l'arrêt du 9 novembre 2021 et n'en constituent pas un litige distinct. Il appartient dès lors au juge de l'exécution d'en connaître. Dans son mémoire du 21 septembre 2022, le ministre des armées indique que M. A... perçoit depuis le mois de juin 2018 " une pension de retraite au titre de son invalidité ", d'un montant brut mensuel de 84,85 euros, qui devrait faire l'objet d'un trop-versé au titre de la période concernée par sa réintégration juridique et que la régularisation de ses droits à pension est en cours. Il n'a cependant apporté aucune réponse à la mesure d'instruction diligentée par la cour le 11 octobre 2022, lui demandant de justifier des mesures prises en ce qui concerne le calcul des droits à pension de M. A.... Dans ces conditions, l'intéressé est fondé à soutenir qu'il n'a pas été procédé à l'exécution intégrale de l'arrêt du 9 novembre 2021. Il y a donc lieu d'enjoindre, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, au ministre des armées de rétablir M. A... dans ses droits à pension de retraite dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, les conclusions à fin d'exécution de l'arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021 présentées par M. A... doivent être accueillies dans la limite mentionnée ci-dessus.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, au ministre des armées de rétablir M. A... dans ses droits à pension de retraite dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : L'Etat communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises en exécution de l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 décembre 2022.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01176
Date de la décision : 23/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : CABINET MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-23;22nt01176 ?
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