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09/12/2022 | FRANCE | N°22NT01175

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 09 décembre 2022, 22NT01175


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 du préfet de la Sarthe portant à son encontre refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 2101838 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te et des pièces enregistrées les 15 avril et 16 septembre 2022 M. A..., représenté par Me Ces...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 du préfet de la Sarthe portant à son encontre refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 2101838 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 15 avril et 16 septembre 2022 M. A..., représenté par Me Cesse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 du préfet de la Sarthe ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse aux moyens tirés de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- il n'est pas établi qu'elle a été signée par une autorité compétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 313-11 2°, L. 313-14 et R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- il n'est pas établi qu'elle a été signée par une autorité compétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle

- elle est entachée d'un vice de procédure, compte tenu du non-respect de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et de son droit d'être entendu ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, la mesure d'éloignement n'étant ni justifiée par un risque de fuite ni par une menace actuelle à l'ordre public ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- il n'est pas fait mention de la Guinée, ce qui révèle que le préfet n'a pas examiné la question des risques encourus en cas de retour dans ce pays ;

- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, partant, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2022 le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 10 août 2022 la présidente du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Penhoat, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né selon ses dires le 1er mai 2002 à Conakry (Guinée), déclare être entré irrégulièrement en France au cours du mois de mai 2017. Le requérant a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du conseil départemental de la Sarthe à compter du 1er septembre 2017 par une ordonnance de placement provisoire, puis à compter du 12 septembre 2017 par une mesure de tutelle d'Etat. Par un courrier en date du 24 avril 2020, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 15 janvier 2021, le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois. M. A... relève appel du jugement du 22 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Eu égard aux arguments invoqués à l'appui des moyens tirés de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, le jugement, dans sa réponse à ces moyens, est suffisamment motivé.

Sur les moyens communs :

3. M. A... reprend en appel, sans aucun élément nouveau en fait et en droit, les moyens invoqués en première instance tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté et de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté dans son ensemble. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Sarthe n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant, notamment au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en ce qu'il a mentionné comme pays de destination celui dont il a la nationalité.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ".

6. Lorsqu'il examine une demande d'admission au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

7. Par ailleurs, lorsqu'elles sont amenées à vérifier si l'étranger justifie de son état-civil et de sa nationalité conformément aux prescriptions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, les autorités administratives françaises ne peuvent mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère que dans le cas où le jugement produit a un caractère frauduleux.

8. Pour justifier de son identité et de son âge, M. A... a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un jugement supplétif et sa transcription dans les registres d'état civil guinéens. La consultation du fichier Visabio a toutefois permis au préfet de la Sarthe de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que l'intéressé avait obtenu un visa de court de séjour le 19 avril 2017 auprès des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée), démarche à l'occasion de laquelle il avait déclaré être né le 1er janvier 1990 et avait produit un passeport auprès de ces autorités. Ni la production d'attestations de deux avocats guinéens selon lesquelles l'acte de naissance du requérant pris en transcription du jugement supplétif du 8 mai 2017 serait authentique, ni celle d'un radiologue en date du 26 février 2021 indiquant que son âge osseux est égal à l'âge civil de 18 ans, ne suffisent à démontrer l'inexactitude des informations contenues dans le fichier Visabio.

9. Dans ces conditions, le préfet de la Sarthe a pu légalement se fonder sur le motif tiré de ce que le jugement supplétif produit lui apparaissait frauduleux et ne permettait pas en conséquence d'établir l'âge et l'identité de l'intéressé pour refuser de délivrer à celui-ci un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens, que M. A... reprend en appel sans apporter de précisions nouvelles, tirés de ce que la décision de refus de séjour méconnaîtrait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En troisième et dernier lieu, M. A..., sans enfant à charge, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens, que M. A... reprend en appel sans apporter de précisions nouvelles, tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure, compte tenu du non-respect de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et de son droit d'être entendu.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ". M. A... s'étant légalement vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, ainsi qu'il a été dit précédemment, il entrait ainsi dans le champ d'application du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Sarthe a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

14. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 10 que le préfet de la Sarthe n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

15. En dernier lieu, la décision l'obligeant à quitter le territoire français se bornant à décider l'éloignement de l'intéressé, sans désigner le pays de destination, qui fait l'objet d'une décision distincte, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance par la première décision de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

n ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

16. Il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, moyen que M. A... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.

17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2022.

Le rapporteur

A. PenhoatLa présidente

I. Perrot

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT011752

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01175
Date de la décision : 09/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-09;22nt01175 ?
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