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09/12/2022 | FRANCE | N°21NT02533

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 décembre 2022, 21NT02533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Comité pour la protection de la nature et des sites a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée du 28 mai 2018 accordant à M. A..., représentant de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Serres les Trois Moulins, une autorisation de destruction, altération et dégradation de sites de reproduction ou d'aires de repos d'espèces animales protégées et de capture ou d'enlèvement et de destruction de spécimens d'espèces animales pr

otégées pour la création de serres maraichères.

L'association Collectif pour la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Comité pour la protection de la nature et des sites a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée du 28 mai 2018 accordant à M. A..., représentant de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Serres les Trois Moulins, une autorisation de destruction, altération et dégradation de sites de reproduction ou d'aires de repos d'espèces animales protégées et de capture ou d'enlèvement et de destruction de spécimens d'espèces animales protégées pour la création de serres maraichères.

L'association Collectif pour la tranquillité et la vie rurale, M. D... F... et M. B... G... ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de ce même arrêté du préfet de la Vendée.

Par un jugement n°s 1807098, 1807098 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes, après avoir joint les requêtes, a annulé l'arrêté du 28 mai 2018 du préfet de la Vendée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2021, la ministre de la transition écologique demande à la cour d'annuler le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes.

Elle soutient que :

- le projet pour lequel a été accordée une dérogation aux espèces protégées répond à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement en ce que, porté par une entreprise régionale, il s'inscrit dans le cadre du développement économique local et engendrera la création d'une centaine d'emplois dans un bassin d'emplois défavorable ;

- aucune autre solution satisfaisante que le site d'implantation retenu pour le projet n'est envisageable au regard des critères stricts nécessaires à sa réalisation ;

- le projet n'est pas de nature à nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2022, l'association Collectif pour la tranquillité et la vie rurale, M. D... F..., M. B... G... et l'association Comité pour la protection de la nature et des sites, représentés par Me Diversay, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le projet de serres maraichères en cause ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur ;

- l'arrêté préfectoral est entaché d'un défaut de motivation en ce qu'il ne mentionne pas les considérations de fait sur lesquelles il s'est fondé pour considérer qu'il n'existait aucune solution alternative à l'implantation du projet sur le site retenu, sur l'existence de laquelle le porteur du projet ne s'est pas interrogé ;

- en ne prévoyant aucune mesure spécifique pour éviter, réduire et compenser l'anéantissement des espèces protégées présentes sur le site projeté, le préfet de Vendée a délivré une dérogation qui nuit nécessairement au maintien de ces espèces dans leur aire de répartition naturelle et dans un état de conservation favorable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Mme E..., représentant le ministre de la transition écologique, et de Me Diversay, représentant l'association Collectif pour la tranquillité et la vie rurale et autres.

Une note en délibéré présentée pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a été enregistrée le 24 novembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 mai 2018, le préfet de la Vendée a délivré à M. C... A..., représentant de la société civile d'exploitation agricole Serres les Trois Moulins, une autorisation de destruction, altération et dégradation de sites de reproduction ou d'aires de repos d'espèces animales protégées et de capture ou d'enlèvement et de destruction de spécimens d'espèces animales protégées pour la création de serres maraichères au lieu-dit " L'Aujouère " sur le territoire de la commune de Commequiers. La ministre de la transition écologique relève appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande, d'une part, de l'association Comité pour la protection de la nature et des sites et, d'autre part, de l'association Collectif pour la tranquillité et la vie rurale, de M. D... F... et de M. B... G..., cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits en vertu du 1° du I de cet article : " La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ". Sont interdits en vertu du 2° du I du même article : " La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ". Sont interdits en vertu du 3° du I du même article : " La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ". Toutefois, le 4° du I de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement, dont celui énoncé au c) qui mentionne " l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ", " d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique " et " les motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

4. En premier lieu, afin de justifier l'intérêt public majeur du projet, la ministre de la transition écologique soutient que le projet de serres maraîchères est de nature à engendrer une centaine d'emplois dans un bassin qui présente une situation plus dégradée que celle des autres bassin d'emploi du département de la Vendée. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier et alors qu'aucun élément versé au dossier ne permet de s'assurer de la validité de ces prévisions, que si, au 1er trimestre 2018, le taux de chômage était de 8,3 % dans la zone d'emploi concernée, ce taux était comparable au taux de 7,5 % constaté à l'échelle régionale et inférieur à celui de de 8,9 % constaté à l'échelle nationale. En outre, la diminution en valeur absolue, de 66 à 39 sur la période courant de 2000 à 2010, du nombre d'exploitations agricoles sur le territoire communal, dont fait également état la ministre, ne peut être regardée comme ayant eu un impact significatif sur la situation territoriale de l'emploi dès lors qu'il ressort des données produites que cette évolution a essentiellement affecté des exploitations agricoles individuelles. Dans ces conditions, le nombre d'emplois susceptibles d'être créés par le projet dont se prévaut la ministre ne permet pas de considérer que ce projet répondrait à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens des dispositions du c) du 4 de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, seule susceptible de permettre de délivrer une dérogation dans les conditions énoncées par ces dispositions.

5. En second lieu, le projet ne répondant pas, ainsi qu'il a été dit au point 4, à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, condition sans laquelle l'autorisation de dérogation contestée ne pouvait être délivrée, la ministre ne saurait se prévaloir ni de l'absence de toute solution alternative à l'implantation sur un autre site du projet de serres maraichères, ni de ce que la dérogation en cause ne nuirait pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la transition écologique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 28 mai 2018 du préfet de la Vendée au motif que la dérogation autorisée n'était pas justifiée par une raison impérative d'intérêt public majeur au sens des dispositions du c) du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Sur les frais liés au litige :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'association collectif pour la tranquillité et la vie rurale et autres de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la ministre de la transition écologique est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'association Collectif pour la tranquillité et la vie rurale et autres tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à l'association Collectif pour la tranquillité et la vie rurale, à l'association Comité pour la protection de la nature et des sites, à M. D... F... et à M. B... G....

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 décembre 2022.

La rapporteure,

I. H...La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02533
Date de la décision : 09/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SARL ANTIGONE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-09;21nt02533 ?
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