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09/12/2022 | FRANCE | N°21NT01380

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 décembre 2022, 21NT01380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... et Mme D... I... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 16 décembre 2016 par laquelle les autorités consulaires françaises à Conakry ont rejeté la demande de visa de long séjour présentée en faveur de l'enfant Salimatou A... en qualité de membre de famille de réfugiés.

Par un jugement n° 180

0060 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... et Mme D... I... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 16 décembre 2016 par laquelle les autorités consulaires françaises à Conakry ont rejeté la demande de visa de long séjour présentée en faveur de l'enfant Salimatou A... en qualité de membre de famille de réfugiés.

Par un jugement n° 1800060 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... et de Mme C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 mai 2021, 26 juillet 2021 et 3 mars 2022 et un mémoire, enregistré le 16 septembre 2022 non communiqué, M. A... et Mme C..., représentés par Me Renard, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 16 décembre 2016 par laquelle les autorités consulaires françaises à Conakry ont rejeté la demande de visa de long séjour présentée en faveur de l'enfant Salimatou A... en qualité de membre de famille de réfugiés ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai de 15 jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5°) d'ordonner, le cas échéant, avant-dire droit la réalisation d'une expertise aux fins de l'examen comparatif de leurs empreintes génétiques avec celles de l'enfant Salimatou A..., sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal s'est fondé sur un motif qui n'avait pas été invoqué par le ministre de l'intérieur tiré de l'absence de valeur probante du jugement supplétif ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'identité de l'enfant Salimatou A... et à son lien de filiation avec eux ; ils ont produit l'acte de naissance établi en 2011 et un jugement supplétif ;

- ils établissent l'existence du lien de filiation par la possession d'état ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du 25 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les observations de Me Benveniste, substituant Me Renard, représentant les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 1977, est entré en France le 5 octobre 2010. Par une décision du 10 août 2011, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a reconnu la qualité de réfugié. Le 12 mars 2014, des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié ont été délivrés à Mme C..., née le 16 février 1987 en Guinée, ainsi qu'à leurs deux enfants, H... B... A... né le 20 août 2008 et Mamadou Ramata A... né le 6 septembre 2010. Mme C... s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée par une décision de l'OFPRA du 30 septembre 2014. Le 12 avril 2016, leur fille alléguée Salimatou A..., née le 9 juillet 2011, a sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Conakry un visa de long séjour en vue d'une réunification familiale. Sa demande a été rejetée par une décision du 16 décembre 2016. Le recours formé, le 10 février 2017, contre cette décision a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. A... et Mme C... relèvent appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision de la commission de recours.

2. En premier lieu, par un courrier du 5 mai 2017, le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a communiqué aux requérants, sur leur demande, les motifs de la décision implicite de rejet contestée. Il ressort des termes de ce courrier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui s'est fondée sur les dispositions des articles L. 211-1, L. 752-1 et L. 812-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté le recours au motif que deux actes de naissance différents avaient été produits à l'appui de la demande de visa de l'enfant de sorte que son identité et son lien de filiation avec M. A... et Mme C... n'étaient pas établis. Il en résulte que la décision contestée est suffisamment motivée tant en droit qu'en fait et que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II.- (...) Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié (...). En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil (...) peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur: " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. Pour justifier du lien de filiation entre M. F... A... et la jeune E... A... ont été produits un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 22 septembre 2014 par le tribunal de première instance de Conakry II et l'acte de naissance n° 2474 établi par les autorités locales le 29 septembre 2014 en transcription de ce jugement. Si le ministre soutient que l'établissement d'un jugement supplétif d'acte de naissance n'était pas nécessaire, dès lors que la jeune E... A... disposait d'un acte de naissance, dressé le 18 juillet 2011 dans les jours qui ont suivi sa naissance, ces deux actes comportent des mentions concordantes, les requérants faisant valoir en outre qu'ils ont sollicité ce jugement supplétif au motif qu'ils avaient remis l'original de l'acte de naissance, établi le 18 juillet 2011, à l'OFPRA dans le cadre de la demande d'admission à l'asile présentée en 2014 pour Mme C.... La circonstance, à la supposer avérée et qu'il revient aux autorités judiciaires locales d'apprécier, que le tribunal de première instance de Conakry II se serait mépris sur sa compétence ne permet pas, par elle-même, d'établir le caractère frauduleux du jugement supplétif du 22 septembre 2014. Les circonstances que ce jugement ne pouvait être rendu à la demande M. F... A... qui résidait alors en France en qualité de réfugié, qu'il aurait dû être sollicité par le tuteur de Salimatou A..., qu'il a été rendu le même jour que la requête et de façon tardive et que l'acte de naissance établi en transcription du jugement supplétif est intervenu avant l'expiration du délai d'appel prévu par l'article 601 du code de procédure civile guinéen, ne sont pas davantage de nature à en établir le caractère frauduleux.

7. Il s'ensuit que c'est par une inexacte appréciation des faits de l'espèce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que le lien de filiation entre Salimatou A... et M. F... A... n'était pas établi.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni d'ordonner la réalisation d'une expertise, que M. A... et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande de visa de long séjour présentée en faveur de l'enfant Salimatou A... en qualité de membre de famille de réfugiés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa d'entrée et de long séjour soit délivré à l'enfant Salimatou A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A... et Mme C... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un visa de long séjour à l'enfant Salimatou A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à M. A... et Mme C... une somme globale de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à Mme D... I... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente,

- Mme Montes-Derouet, présidente assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2022

La rapporteure,

I. G...

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01380


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01380
Date de la décision : 09/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SELARL R et P AVOCATS OLIVIER RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-09;21nt01380 ?
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