Vu la procédure suivante :
Par un arrêt no 19NT01040 du 11 juin 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an courant à compter de la notification de l'arrêt, sur la requête de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2018 et de l'arrêté du 14 juin 2017 par lequel le préfet de l'Orne a accordé à la société Futures Energies Parc du Haut du Perche une autorisation unique portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de l'ancienne commune de Moussonvilliers, afin de permettre à l'État de produire devant la cour une autorisation environnementale modificative.
Le 7 juin 2022, le préfet de l'Orne a communiqué à la cour son arrêté du 24 mai 2022 modifiant l'autorisation unique du 14 juin 2017.
Par des mémoires, enregistrés les 15 juin, 11 juillet et 19 août 2022, l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres concluent, dans le dernier état de leurs écritures, aux mêmes fins que précédemment et demandent, en outre, à la cour de :
1°) constater que les vices relevés par la cour dans son arrêt avant dire droit du 11 juin 2021 n'ont pas été régularisés par l'arrêté du préfet de l'Orne du 24 mai 2022 ;
2°) annuler l'arrêté du préfet de l'Orne du 24 mai 2022.
Ils soutiennent que :
- les insuffisances de l'étude d'impact constatées par la cour dans son arrêt avant dire droit n'ont pas été régularisées, en ce qui concerne tant le volet chiroptérologique que les volets acoustique et paysager ;
- le projet porte atteinte au paysage et au patrimoine culturel ainsi qu'à la commodité du voisinage, en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement ;
- en s'abstenant d'exiger une distance d'éloignement par rapport aux zones habitées supérieure à celle de 500 mètres et en faisant application de l'article 3 de l'arrêté du 26 août 2011, en dépit de son illégalité, le préfet de l'Orne a méconnu les dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement ;
- l'arrêté du préfet de l'Orne du 24 mai 2022 n'a pas régularisé les vices dont était entaché l'arrêté du 14 juin 2017.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 juin et 4 août 2022, la société Futures énergies Parc du Haut du Perche, représentée par Me Gelas, conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et demande, en outre, à la cour de :
1°) prendre acte que les vices relevés par la cour dans son arrêt avant dire droit du 11 juin 2021 ont été régularisés par l'arrêté du préfet de l'Orne du 24 mai 2022 ;
2°) à défaut, surseoir à statuer sur la requête de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement afin de permettre une nouvelle régularisation de l'autorisation contestée.
Elle soutient que :
- les vices relevés par la cour dans son arrêt avant dire droit du 11 juin 2021 ont été régularisés par l'arrêté du préfet de l'Orne du 24 mai 2022 ;
- le moyen tiré de ce que le projet porte atteinte au paysage et au patrimoine culturel ainsi qu'à la commodité du voisinage, en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement ne peuvent être utilement invoqués postérieurement à l'arrêt avant dire droit ;
- en tout état de cause, les moyens soulevés par l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres ne sont pas fondés ;
- les vices que la cour est susceptible de relever pourraient être régularisés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures.
Il soutient que :
- les vices relevés par la cour dans son arrêt avant dire droit du 11 juin 2021 ont été régularisés par l'arrêté du préfet de l'Orne du 24 mai 2022 ;
- les moyens soulevés par l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres ne sont pas fondés.
Par un courrier du 28 octobre 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de surseoir à statuer pour permettre la régularisation du vice entachant l'arrêté du 14 juin 2017 du préfet de l'Orne tiré de ce que l'étude d'impact comporte des insuffisances ou erreurs en ce qui concerne les effets du parc projeté sur les chiroptères ainsi que sur les paysages et la commodité du voisinage.
Le 8 novembre 2022, la société Futures Energies Parc du Haut Perche a présenté des observations en réponse à ce courrier.
Par un courrier du 15 novembre 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de surseoir à statuer pour permettre la régularisation du vice entachant l'arrêté du 14 juin 2017 du préfet de l'Orne tiré de ce que l'étude d'impact comporte des insuffisances ou erreurs en ce qui concerne les effets du parc projeté sur les chiroptères, les impacts acoustiques et les impacts sur les paysages et la commodité du voisinage.
Le 18 novembre 2022, la société Futures Energies Parc du Haut Perche a présenté des observations en réponse à ce courrier.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;
- l'arrêté du 10 décembre 2021 modifiant l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,
- et les observations de Me Monamy, représentant l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres, et les observations de Me Boudrot, substituant Me Gélas, représentant la société Future Energies Parc du Haut de Perche.
Une note en délibéré présentée par la société Future Energies Parc du Haut de Perche a été enregistrée le 29 novembre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 14 juin 2017, le préfet de l'Orne a délivré à la société Futures Energies Parc du Haut Perche une autorisation unique portant sur un parc éolien, composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison, situé sur le territoire de l'ancienne commune de Moussonvilliers, devenue commune déléguée de la commune nouvelle de Charencey. Par un jugement du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande présentée par l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres tendant à l'annulation de cet arrêté. Par son arrêt avant dire droit du 11 juin 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que l'autorisation délivrée par l'arrêté contesté du 14 juin 2017 du préfet de l'Orne était entachée d'illégalité en ce que, premièrement, elle n'avait pas été précédée d'un avis régulièrement émis par l'autorité environnementale, deuxièmement, le public et l'administration n'avaient pas été suffisamment informés quant aux capacités financières dont disposait la société pétitionnaire, troisièmement, l'étude d'impact était, sur certains points, entachée d'inexactitude et d'insuffisance et, quatrièmement, le montant initial des garanties financières était insuffisant au regard des prescriptions de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 22 juin 2020. En conséquence, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an, sur la demande de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres, afin de permettre à l'État de communiquer à la cour une autorisation environnementale modificative. La cour a également, au point 42 de son arrêt avant dire droit du 11 juin 2021, considéré que, compte tenu des lacunes de l'étude d'impact qui entachaient le dossier de demande d'autorisation en ce qui concerne l'étude chiroptérologique, l'étude acoustique et l'étude paysagère, elle n'était pas en mesure d'apprécier la conformité du projet aux articles L. 515-44 et L. 511-1 du code de l'environnement, et a, par conséquent, réservé sa réponse aux moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions. Le 7 juin 2022, le préfet de l'Orne a communiqué à la cour son arrêté du 24 mai 2022 modifiant l'autorisation unique du 14 juin 2017. L'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres demandent à la cour d'annulation cet arrêté du 24 mai 2022 et soutiennent que celui-ci n'a pas régularisé l'autorisation accordée par l'arrêté contesté du 14 juin 2017.
2. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / (...) ".
3. À compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 181-18 du code de l'environnement, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. À ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche utilement soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse de moyens déjà écartés par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
En ce qui concerne le vice relatif au montant initial des garanties financières :
4. L'article 2 du titre II de l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet de l'Orne a modifié les dispositions de l'article 2.2 de son arrêté du 14 juin 2017 afin de porter à 205 000 euros le montant des garanties financières de la société Futures Énergies Parc du Haut Perche pour l'exploitation du parc projeté. Il ne résulte pas de l'instruction que ce montant n'aurait pas été fixé dans le respect des dispositions de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, dans leur rédaction issue de l'arrêté du 10 décembre 2021. Par suite, le vice relevé au point 32 de l'arrêt avant dire droit du 11 juin 2021 qui entachait l'arrêté contesté du 14 juin 2017 a été régularisé par l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet de l'Orne.
En ce qui concerne le vice affectant l'information du public quant aux capacités financières de la société Futures Énergies Parc du Haut Perche :
5. Il résulte de l'instruction que des informations complémentaires sur les capacités financières de la société Futures Énergies Parc du Haut Perche ont été transmises au préfet de l'Orne et que ce dernier les a soumises à l'information du public du 11 au 28 avril 2022. Par suite, le vice relevé au point 18 de l'arrêt avant dire droit du 11 juin 2021 qui entachait l'arrêté contesté du 14 juin 2017 a été régularisé par l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet de l'Orne.
En ce qui concerne les vices affectant l'étude d'impact :
S'agissant de l'étude chiroptérologique :
6. Au point 24 de l'arrêt avant dire droit du 11 juin 2021, la cour, après avoir relevé que le secteur d'implantation du projet était caractérisé par une richesse chiroptérologique, a considéré que l'étude chiroptérologique présentait " des défauts et des insuffisances de nature, dans la présente espèce, à entraîner une sous-estimation des incidences réelles du projet ". Elle a relevé, à cet égard, que l'étude chiroptérologique, qui s'appuyait sur un inventaire dressé grâce à quatorze sorties de terrain réalisées en 2010-2011 et en 2014 au cours de trois des quatre phases du cycle de vie des chiroptères, était insuffisante en ce que " la hêtraie plantée dans la zone d'implantation du projet et qu'il est prévu de détruire à raison de 500 mètres carrés, héberge potentiellement des arbres gîtes pour les chauve-souris et que la présence de tels gîtes n'a pas été vérifiée ". Elle a également relevé qu'" il ressort des mentions de l'étude que les écoutes réalisées en 2010-2011 puis en 2014, selon des protocoles, du matériel et des traitements de données différents, n'ont pas pu être analysées ensemble et que "Les indices d'activité acoustique ont été calculés pour les investigations menées en 2014 uniquement. (...) la nature des protocoles de 2010 et 2011 ne permet pas une évaluation pertinente de tels indices". Or, seules six des quatorze sorties ont été réalisées en 2014 alors que les recommandations de la société française pour l'étude et la protection des Mammifères (SFEPM) et d'Eurobats, bien que n'ayant pas de valeur réglementaires, fixe un minimum de 21 à 22 sorties. Certains mois, correspondant à une activité précise, n'ont été couverts que par des sorties de 2010-2011 alors, au demeurant, que, ainsi que l'énonce une note du 31 juillet 2017 d'une société de conseil en environnement, sollicitée par les requérants, il est d'usage d'exploiter les données de moins de trois ans. D'ailleurs, cette société a émis de sérieuses réserves quant à la fiabilité du diagnostic exposé dans l'étude d'impact. ".
7. Afin de régulariser les défauts et insuffisances de l'étude chiroptérologique relevés par la cour, la société Futures Energies Parc du Haut Perche a fourni à l'autorité administrative une étude complémentaire réalisée par un bureau d'études spécialisé en avril 2017, qui n'avait pas été soumise en 2016 à l'autorité environnementale ni à la consultation du public, ayant pour objet la recherche de gîtes potentiels pour les chiroptères dans la hêtraie de la zone d'implantation du projet dont la destruction est prévue à raison de 500 mètres carrés. Cette étude conclut, à la suite d'une prospection de terrain, qu'aucun arbre n'a été décelé comme constituant un gîte potentiel pour les chiroptères. Dès lors, l'insuffisance de l'étude d'impact a été, sur ce point, régularisée par l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet de l'Orne.
8. En revanche, il résulte de l'instruction que la société Futures Energies Parc du Haut Perche n'a fait réaliser aucun inventaire de terrain supplémentaire afin de compléter le diagnostic chiroptérologique figurant dans l'étude d'impact initiale, dont la cour avait pourtant relevé l'insuffisance dans son arrêt avant dire droit, et qu'elle s'est bornée, dans le " dossier d'actualisation " de sa demande d'autorisation environnementale, à contester l'appréciation faite par la cour quant à cette insuffisance. Il en résulte, d'une part, que l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce diagnostic chiroptérologique n'a, sur ce point, pas été régularisée par l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet de l'Orne, et, d'autre part, que ce dernier arrêté, qui a estimé que ce vice était régularisé en dépit de l'absence de tout inventaire de terrain supplémentaire, méconnaît l'autorité de la chose jugée par l'arrêt avant dire droit de la cour du 11 juin 2021.
S'agissant de l'étude acoustique :
9. Au point 25 de l'arrêt avant dire droit du 11 juin 2021, la cour a considéré que les mesures acoustiques destinées à rendre compte des incidences sonores du projet depuis le lieudit " La Vallée ", situé à seulement 511 mètres du projet et correspondant au groupe d'habitations le plus proche de celui-ci, avaient été réalisées depuis un autre hameau plus distant de quelques centaines de mètres.
10. Afin de régulariser ce vice, la société pétitionnaire a fait réaliser une nouvelle étude d'impact acoustique par un bureau d'études spécialisées qui a remis son rapport le 1er décembre 2021. Il résulte, cependant, de l'instruction que ce bureau d'études n'a pas procédé à de nouvelles mesures in situ des niveaux de bruit résiduel mais a réalisé des estimations de ces niveaux depuis des " points d'analyse supplémentaires ", dont un " point 4' " correspondant au lieudit la Vallée. L'étude précise à cet égard que ces estimations " ont été établies par similitudes des environnements sonores et par proximité avec les points de mesures (afin de prendre en compte les contributions du trafic routier) ". Ainsi, les " niveaux de bruit résiduel " du lieudit la Vallée (point 4') ont été jugés équivalents à ceux du point 4 de la précédente étude, c'est-à-dire à ceux mesurés près d'une maison d'habitation située à environ 300 mètres à l'ouest du lieudit la Vallée. Or les requérants soutiennent, sans être sérieusement contredits, que le niveau de bruit résiduel du lieudit la Vallée (point 4') est plus faible que celui mesuré au point 4 de l'étude, en raison d'un moindre impact sonore de la route nationale no 12 du fait de la déclivité du terrain, d'un plus grand éloignement de cette route et de la présence de constructions formant à l'ouest un écran à l'égard des bruits provenant de cette voie. Dans ces conditions, alors même que la plus grande proximité des éoliennes depuis le lieudit de la Vallée (point 4') par rapport au point de mesure no 4 a été prise en considération par la nouvelle étude acoustique, ce qui s'est traduit par des niveaux d'émergences sonores maximales, tenant compte du bruit émis par les éoliennes, plus importantes au niveau du lieudit de la Vallée, et que la société pétitionnaire a adapté son " plan de bridage " des éoliennes afin de respecter la règlementation relative au bruit, l'insuffisance initiale de l'étude d'impact n'a pas été, sur ce point, régularisée par l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet de l'Orne.
S'agissant de l'étude paysagère :
11. Au point 26 de l'arrêt avant dire droit du 11 juin 2021, la cour a jugé que " si l'étude d'impact fait état de la situation particulière des hameaux situés entre le parc litigieux et un autre parc éolien ainsi que du risque d'effet d'encerclement qui en résulte, les simulations visuelles qui correspondent aux perceptions depuis les lieudits Le Rouilly et les Clottes, au nord et au sud de la zone d'implantation du projet, ainsi que celle correspondant au hameau de La Haudière ne suffisent pas à rendre compte de l'impact visuel pour les hameaux les plus exposés au risque ci-dessus évoqué, en particulier ceux de La Vallée, Les Létumières ou la Roberdière, dont la proximité avec chacun des deux parcs, à raison de 700 mètres environ, ainsi que la localisation particulière entre deux lignes d'aérogénérateurs génèrent une sensibilité singulièrement forte. Ils ne permettent pas davantage d'apprécier la réalité des "espaces de respiration" ménagés par la pétitionnaire. Ainsi, alors même que l'étude d'impact, qui doit être proportionnée aux enjeux, n'a pas à contenir une simulation visuelle depuis chaque habitation ou groupes d'habitations riveraines, le volet paysager de cette étude, laquelle doit permettre au préfet, (...) d'apprécier, en application de l'article L. 515-44 du code de l'environnement, l'adéquation de la distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, est, en l'espèce, entachée sur ce point d'une insuffisance. Celle-ci a d'ailleurs été relevée par l'autorité environnementale dont l'avis énonce : "il aurait été intéressant de disposer de photomontages permettant d'appréhender, depuis les hameaux, la pertinence de ces espaces de respiration au vu des surfaces occupées par les éoliennes dans le champ de vision (à l'est et à l'ouest)". Cette insuffisance, qui a, de surcroît, conduit le préfet de l'Orne à prescrire, par l'article 2.3.2 de l'arrêté contesté, une "analyse des visibilités, depuis les hameaux se trouvant encadrés par les deux projets de parcs", a été de nature à induire l'autorité décisionnaire en erreur et à nuire à la bonne information du public ".
12. Afin de régulariser cette insuffisance de l'étude d'impact, la société pétitionnaire a fait réaliser en novembre 2021 une étude complémentaire sur les paysages, incluant dix nouveaux photomontages depuis des lieux de vie proches du projet et une étude de la saturation par encerclement des lieux de vie situés entre le projet litigieux de Moussonvilliers, porté par la société Futures Énergies Parc du Haut Perche, et celui du Haut-Perche 1, porté par une filiale de la société EDF. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que ces nouveaux photomontages auraient été réalisés de façon à minorer l'incidence visuelle du projet. En revanche, si certains de ces photomontages font apparaître les effets cumulés du projet litigieux avec celui de l'autre parc situé plus au nord, tel n'est pas le cas des photomontages réalisés depuis les lieuxdits la Robertière, la Vallée et les Létumières, dont les points de vue utilisés pour réaliser les photomontages ne font apparaître que les éoliennes du projet litigieux. Or, afin de permettre la bonne information du public et de l'autorité administrative au regard du risque d'effet d'encerclement pour les habitants de ces trois hameaux, qui ont pour particularité d'être situés entre deux lignes d'aérogénérateurs prévues chacune à environ 700 mètres de ces hameaux, il était nécessaire de réaliser, également, des photomontages depuis ces hameaux en direction de l'autre parc projeté plus au nord, ainsi que des photomontages permettant d'apprécier la réalité des " espaces de respiration " entre ces deux parcs. Cette lacune n'a pas été comblée par " l'étude de la saturation par encerclement " réalisée pour la société pétitionnaire, dont la version soumise à l'autorité environnementale ne comportait, en ce qui concerne ces trois lieudits, qu'une analyse de l'effet d'encerclement sur le hameau de la Robertière, et qui a été complétée dans le mémoire en réponse à l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale par une analyse de cet effet d'encerclement depuis les lieuxdits la Vallée et les Létumières. En effet, cette " étude de la saturation par encerclement " se borne à identifier sur une carte les cônes de visibilité des deux parc projetés et à procéder à des calculs des indices " d'occupation des horizons " par des éoliennes et " de densité sur les horizons occupés par les éoliennes " ainsi qu'à évaluer le " plus grand angle sans éolienne ", sans comporter de photographies ou photomontages supplémentaires ni apporter des précisions sur la configuration des lieux, tenant notamment au relief ou à la présence de végétation susceptible de masquer ou d'atténuer la visibilité des éoliennes des deux projets. Au demeurant, l'étude complémentaire réalisée en novembre 2021 conclut, de façon erronée, à l'absence d'effets cumulés avec cet autre parc pour les trois hameaux précités, au motif que les éoliennes des deux parcs ne seraient pas visibles simultanément au sein d'un même champ de vision, alors qu'il résulte de l'instruction que la réalisation des deux parcs projetés aura des effets cumulés liés, notamment, à une potentielle perception d'encerclement. Ces erreurs et insuffisances, qui ont été de nature à induire l'autorité décisionnaire en erreur et à nuire à la bonne information du public lors de la procédure de régularisation, n'ont pas permis de régulariser sur ce point l'insuffisance de l'étude d'impact relevée par l'arrêt avant dire droit de la cour du 11 juin 2021.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8, 10 et 12 ci-dessus que l'étude d'impact du projet litigieux demeure entachée d'insuffisances ou d'erreurs en ce qui concerne son volet acoustique et les effets du parc projeté sur les chiroptères, les paysages et la commodité du voisinage.
En ce qui concerne le vice affectant l'avis de l'autorité environnementale :
14. Il résulte de l'instruction que la mission régionale d'autorité environnementale de Normandie a rendu, le 17 mars 2022, un avis sur le projet de parc éolien litigieux. Il n'est pas soutenu que cet avis aurait été émis dans des conditions irrégulières. Dès lors, le vice tiré de ce que l'autorisation litigieuse n'avait pas été précédée d'un avis ayant été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle répondant aux exigences de l'article 6 de la directive 2011/92 du 13 décembre 2011 a été régularisé par l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet de l'Orne.
Sur l'application des dispositions du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :
15. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. "
16. Lorsqu'un vice de procédure entache un avis qui a été soumis au public, notamment dans le cadre d'une enquête publique, préalablement à l'adoption de la décision attaquée, la régularisation implique non seulement que la procédure de consultation soit reprise, mais aussi que le nouvel avis soit porté à la connaissance du public. Il revient au juge, lorsqu'il sursoit à statuer en vue de la régularisation, de rappeler ces règles et de fournir toute précision utile sur les modalités selon lesquelles le public devra être informé et, le cas échéant, mis à même de présenter des observations et des propositions, une fois le nouvel avis émis et en fonction de son contenu.
17. Ainsi qu'il a été dit aux points 8, 10 et 12 ci-dessus, l'autorisation délivrée par l'arrêté du 14 juin 2017 contesté demeure entachée d'illégalité en ce que l'étude d'impact comporte des insuffisances ou erreurs en ce qui concerne les effets du parc projeté sur le plan acoustique ainsi que ses effets sur les chiroptères, les paysages et la commodité du voisinage. De tels vices peuvent être régularisés par une autorisation modificative. Celle-ci ne pourra être prise qu'au vu d'un dossier actualisé à la lumière des motifs du présent arrêt et après une nouvelle consultation de la mission régionale d'autorité environnementale de Normandie.
18. L'avis émis, le cas échéant, par l'autorité environnementale ainsi que le dossier actualisé seront soumis à une nouvelle phase d'information du public organisée selon les mêmes modalités que celles indiquées au point 39 de l'arrêt avant dire droit du 11 juin 2021.
19. Eu égard aux modalités de régularisation ainsi fixées, l'éventuelle autorisation modificative devra être communiquée à la cour dans un délai de dix-huit mois à compter du présent arrêt.
20. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres jusqu'à l'expiration du délai mentionné au point précédent afin de permettre cette régularisation.
21. Enfin, compte tenu des lacunes persistantes de l'étude d'impact qui entachent le dossier de demande, la cour n'est toujours pas en mesure d'apprécier la conformité du projet aux articles L. 515-44 et L. 511-1 du code de l'environnement. Il y a lieu, dès lors, pour la cour de réserver la réponse aux moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions, lesquels demeurent susceptibles d'être écartés ou accueillis après l'éventuelle régularisation du dossier de demande d'autorisation environnementale.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres jusqu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois, courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à l'État pour produire devant la cour une autorisation environnementale modificative conforme aux modalités définies aux points 16 à 18.
Article 2 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres, représentant unique désigné par Me Monamy, mandataire, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Futures Énergies Parc du Haut Perche.
Une copie sera adressée à la préfète de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 décembre 2022.
Le rapporteur,
F.-X. A...La présidente,
C. Buffet
La greffière,
K. Bouron
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 19NT01040