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06/12/2022 | FRANCE | N°21NT02236

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 06 décembre 2022, 21NT02236


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 9 février 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre les décisions du 23 mai 2019 des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali), refusant de délivrer à Bintou D... et Mangara D... un visa de long séjour.

Par un jugement n° 2100899 du 12 juillet 2021, le tribunal administra

tif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 9 février 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre les décisions du 23 mai 2019 des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali), refusant de délivrer à Bintou D... et Mangara D... un visa de long séjour.

Par un jugement n° 2100899 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2021, Mme C... épouse G..., représentée par Me Schürmann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les décisions du 23 mai 2019 des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali), refusant de délivrer à Bintou D... et à Mangara D... un visa de long séjour ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que la décision attaquée est intervenue en violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que les revenus de son couple et leurs conditions de logement permettent d'accueillir les deux enfants pour lesquelles elle a reçu délégation de l'autorité parentale.

Par une décision du 6 décembre 2021 la demande de Mme C... épouse G... au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me Dahani substituant Me Schürmann, représentant Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse G..., ressortissante française, s'est vu confier l'autorité parentale sur les enfants B... D... et E... D..., ressortissantes maliennes nées respectivement les 22 août 2010 et 27 décembre 2012, par un jugement du 14 décembre 2016 du tribunal de grande instance de la commune VI du district de Bamako (Mali). Par des décisions du 23 mai 2019, les autorités consulaires françaises à Bamako ont rejeté les demandes de visas de long séjour présentées par Bintou et Mangara D.... Par une décision implicite née le 9 février 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions consulaires. Par un jugement du 12 juillet 2021, dont Mme C... épouse G... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a regardé sa demande comme dirigée contre la décision de la commission de recours née le 9 février 2020 et l'a rejetée.

Sur l'étendue du litige :

2. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Il résulte de ces dispositions qu'en raison des pouvoirs ainsi conférés à la commission, les décisions par lesquelles elle rejette les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques et consulaires qui lui sont déférées. Il en résulte que les conclusions de la requête de Mme C... épouse G... doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France née le 9 février 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 14 décembre 2016, le tribunal de grande instance de la commune VI du district de Bamako a attribué à Mme C... épouse G... l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de Bintou et de Mangara D..., nées en 2010 et 2012, dont la mère est décédée en 2015. D'autre part, pour la première fois devant la cour, il est établi que M. et Mme G..., ressortissants français parents de trois enfants nés en 2006, 2012 et 2017, sont les propriétaires à la date de la décision contestée d'une maison d'habitation de 210 m², comprenant cinq chambres, et qu'ils disposent de ressources financières suffisantes du fait de l'emploi à temps plein de M. G... par la société EDF et de prestations sociales qui leur sont versées régulièrement du fait de leur situation familiale. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant est de nature à fonder l'annulation de la décision contestée.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... épouse G... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer des visas de long séjour à Bintou et Mangara D....

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation exposé au point 5, que le ministre de l'intérieur et des outre-mer délivre à Bintou et à Mangara D... des visas de long séjour. Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

8. Mme C... épouse G... n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions doivent, dès lors, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2100899 du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Nantes et la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France née le 9 février 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Bintou et à Mangara D... des visas de long séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... épouse G..., à Me Schürmann et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02236


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02236
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-06;21nt02236 ?
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