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02/12/2022 | FRANCE | N°21NT03212

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 décembre 2022, 21NT03212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et l'EARL La Métrie ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement le département d'Ille-et-Vilaine et la société Eiffage Rail Express, ou l'un à défaut de l'autre, à leur verser la somme de 95 282 euros au titre de l'indemnisation des dommages de travaux publics qu'ils ont subis dans le cadre des opérations d'aménagement foncier liés aux travaux de construction de la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de Loire.

Par un jugement n° 1601278 du 22 juin 2018, l

e tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Par une requête et un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et l'EARL La Métrie ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement le département d'Ille-et-Vilaine et la société Eiffage Rail Express, ou l'un à défaut de l'autre, à leur verser la somme de 95 282 euros au titre de l'indemnisation des dommages de travaux publics qu'ils ont subis dans le cadre des opérations d'aménagement foncier liés aux travaux de construction de la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de Loire.

Par un jugement n° 1601278 du 22 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 août 2018 et 5 décembre 2019 M. A... B... et l'EARL La Métrie, représentés par Me Dervillers, ont demandé à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2018 et de condamner, au besoin après désignation d'un expert judiciaire, conjointement et solidairement le département d'Ille-et-Vilaine et la société Eiffage Rail Express à leur verser la somme de 98 693 euros au titre de l'indemnisation des dommages de travaux publics qu'ils ont subis, majorée des intérêts au taux légal à compter de leur demande indemnitaire préalable.

Par un arrêt n° 18NT03116 du 7 février 2020, la cour a rejeté l'appel formé par M. B... et l'EARL La Métrie contre ce jugement et dit qu'il n'y avait pas lieu en conséquence de statuer sur les conclusions du département d'Ille-et-Vilaine tendant à être mis hors de cause et à ce que la société Eiffage Rail Express le garantisse des condamnations prononcées à son encontre.

Par une décision n° 441542 du 10 novembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en tant, d'une part, qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant du coût des travaux de remise en état de la parcelle anciennement cadastrée J433, devenue ZH 72, et, d'autre part, qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions du département d'Ille-et-Vilaine tendant à être mis hors de cause et à ce que la société Eiffage Rail Express le garantisse des condamnations prononcées à son encontre en ce qui concerne ce chef de préjudice et a renvoyé à la cour, dans la limite de la cassation prononcée, l'affaire, qui porte désormais le n° 21NT03212.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire, enregistré le 12 janvier 2022, le département d'Ille-et-Vilaine, représenté par Me Philip, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Eiffage Rail Express à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

3°) à ce que soit mise à la charge solidaire de M. B... et de l'EARL La Métrie la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les demandes présentées par les requérants sont irrecevables, faute pour ces derniers d'avoir contesté la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 18 juillet 2014 ;

- les demandes sont mal dirigées à son encontre, dès lors qu'il n'est pas maître de l'ouvrage en cause ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 25 et 31 mars 2022, M. B... et l'EARL La Métrie, représentés par Me Lahalle, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de condamner conjointement et solidairement le département d'Ille-et-Vilaine et la société Eiffage Rail Express à leur verser la somme de 35 803,04 euros au titre de l'indemnisation de la remise en état de la parcelle anciennement cadastrée J 433 devenue ZH 72, consistant en des travaux de coupe et d'enlèvement d'arbres, de dessouchage, et de nivelage résultant des dommages de travaux publics qu'ils ont subis, majorée des intérêts au taux légal à compter de leur demande indemnitaire préalable ;

2°) de mettre à la charge du département d'Ille-et-Vilaine et de la société Eiffage Rail Express la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils sont recevables et fondés à demander l'engagement de la responsabilité du département d'Ille-et-Vilaine et de la société Eiffage Rail Express à leur égard, en leur qualité de tiers à l'ouvrage public, à raison du préjudice inhérent à la remise en état de la parcelle anciennement cadastrée J433 devenue ZH 72, qu'ils ont supporté dès le printemps 2015 en vue de mettre la parcelle en culture ;

- il résulte du rapport d'expertise établi le 30 mars 2022 que ce préjudice doit être évalué à la somme globale de 35 803,04 euros, correspondant, d'une part, aux frais de coupe et d'enlèvement des arbres pour un montant de 10 800 euros, d'autre part, aux frais de dessouchage et de nivelage par des entreprises spécialisées pour un montant de 9 043 euros, et enfin, au manque de terre végétale d'environ 300m3 pour un montant de 15 960 euros ;

- en outre et en dehors de toute responsabilité, il ressort du mémoire en défense d'Eiffage Rail Express du 4 décembre 2018 qu'elle s'est engagée à verser cette indemnisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Vautier, représentant M. B... et l'EARL La Métrie, ainsi que celles de Me Lebrun, représentant la société Eiffage Rail Express.

Considérant ce qui suit :

1. En vue de la réalisation de la ligne à grande vitesse Bretagne - Pays de la Loire, déclarée d'utilité publique par un décret du 26 octobre 2007, le président du conseil général d'Ille-et-Vilaine a, par un arrêté du 7 janvier 2010, prescrit une opération d'aménagement foncier agricole et forestier. Estimant que les conditions d'exploitation de son compte de propriété avaient été aggravées du fait de la modification, dans ce cadre, du tracé de ses parcelles, M. B..., propriétaire de terres agricoles à Noyal-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine) et d'un atelier de vaches laitières exploité dans le cadre de la société La Métrie, a formé une réclamation devant la commission départementale d'aménagement foncier. Par une décision du 18 juillet 2014, cette commission n'a que partiellement fait droit à ses demandes. M. B... et la société La Métrie ont alors vainement demandé la réparation de leurs préjudices à la société Eiffage Rail Express et au département d'Ille-et-Vilaine, puis saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à leur condamnation solidaire à leur verser la somme de 95 282 euros au titre des mêmes préjudices. Par un jugement du 22 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par un arrêt du 7 février 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. B... et la société La Métrie contre ce jugement. Par une décision du 10 novembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant du coût des travaux de remise en état de la parcelle anciennement cadastrée section J n° 433, devenue ZH 72, et qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions du département d'Ille-et-Vilaine tendant à être mis hors de cause et à ce que la société Eiffage Rail Express le garantisse des condamnations prononcées à son encontre en ce qui concerne ce chef de préjudice. Il a en outre renvoyé à la cour l'affaire, dans la seule limite de la cassation prononcée.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant du coût des travaux de remise en état de la parcelle anciennement cadastrée section J n° 433, devenue ZH 72 :

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

3. En premier lieu, si M. B... et l'EARL La Métrie demandent à être indemnisés du préjudice résultant de l'apport de 300 m3 de terre végétale, qu'ils évaluent à la somme de 15 960 euros, que rendrait nécessaire la compensation du faible rendement de la parcelle anciennement cadastrée J433 attribuée à l'EARL dans le cadre de l'opération d'aménagement foncier, une telle demande, que la cour a déjà rejetée par l'arrêt du 7 février 2020 devenu définitif sur ce point, ne relève pas de l'indemnisation du préjudice résultant de la remise en état de la parcelle en cause, dans la seule limite de laquelle l'affaire a été renvoyée à la cour.

4. En deuxième lieu, si l'EARL La Métrie, exploitante, demande à être indemnisée des frais d'abattage et d'enlèvement des arbres, auxquels M. B... aurait lui-même procédé, évalués à la somme de 10 800 euros suivant un nouveau devis établi le 29 mars 2022, ce devis, comme d'ailleurs celui qui avait été établi en 2015, se borne à mentionner des travaux d'abattage au lieudit La Primaudière sans plus de précision sur la localisation des arbres en cause alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les arbres à abattre qu'ils visent seraient situés sur la parcelle anciennement cadastrée section J n° 433 devenue ZH 72 et qu'en conséquence, de tels frais seraient liés à la remise en état de la parcelle en cause. La demande présentée à ce titre doit donc être écartée.

5. En troisième lieu, l'EARL La Métrie demande à être indemnisée des travaux de dessouchage et de nivellement réalisés en 2015 afin de mettre en culture la parcelle anciennement cadastrée section J 433 devenue ZH 72 à compter du printemps 2015. Toutefois, alors qu'il résulte de l'instruction, ainsi que la cour l'a rappelé dans son arrêt devenu définitif sur ce point du 7 février 2020, que les parcelles qui ont été attribuées à M. B... sont, après les opérations d'aménagement, d'une surface de 71 hectares 40 ares 22 centiares réparties sur 16 parcelles pour une valeur de 478 948 points, alors qu'elles représentaient, en apport, 71 hectares 83 ares 19 centiares répartis sur 83 parcelles pour une valeur de 474 880 points, ces travaux de remise en état de la parcelle anciennement cadastrée J 433, qui s'élèvent à un montant global toutes taxes comprises de 4 101 euros, ne présentent pas un caractère de gravité suffisant pour ouvrir à l'EARL La Métrie, en sa qualité de tiers à l'ouvrage public, un droit à indemnisation.

6. A supposer que M. B... ait entendu, en sa qualité de propriétaire, se prévaloir des dispositions de l'article L. 123-26 du code rural et de la pêche maritime, il résulte de ce qui a été jugé par l'arrêt de la cour du 7 février 2020 devenu définitif sur ce point, qu'il n'établit pas que les conditions d'exploitation de sa propriété auraient été globalement aggravées, de sorte qu'il ne justifie pas qu'il aurait été dérogé aux dispositions de l'article L. 123-1 du même code.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le département, que M. B... et l'EARL La Métrie ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la remise en état de la parcelle anciennement cadastrée J 433 devenue ZH 72. Il s'ensuit que les conclusions présentées par le département d'Ille-et-Vilaine tendant à être mis hors de cause et à ce que la société Eiffage Rail Express le garantisse des condamnations prononcées à son encontre sont sans objet en ce qui concerne ce chef de préjudice.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à l'octroi à la partie perdante d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. B... et l'EARL La Métrie à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge solidaire et conjointe des requérants la somme que demande au même titre le département d'Ille-et-Vilaine.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et de l'EARL La Métrie est rejetée en tant qu'elle tend à la réparation du préjudice résultant du coût des travaux de remise en état de la parcelle anciennement cadastrée section J n° 433, devenue ZH 72.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du département d'Ille-et-Vilaine tendant à être mis hors de cause et à ce que la société Eiffage Rail Express le garantisse des condamnations prononcées à son encontre en ce qui concerne le chef de préjudice mentionné à l'article 1er.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département d'Ille-et-Vilaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'EARL La Métrie, au département d'Ille-et-Vilaine et à la société Eiffage Rail Express.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.

La rapporteure,

J. C...

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03212
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS PROXIMA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-02;21nt03212 ?
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