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25/11/2022 | FRANCE | N°22NT01171

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 25 novembre 2022, 22NT01171


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du

14 octobre 2021 par lesquels le préfet de police de Paris, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office à la frontière, d'autre part, lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2111658 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté d

u 14 octobre 2021 interdisant le retour de M. C... sur le territoire français pour une du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du

14 octobre 2021 par lesquels le préfet de police de Paris, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office à la frontière, d'autre part, lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2111658 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 interdisant le retour de M. C... sur le territoire français pour une durée de trente-six mois, enjoint au préfet de police de Paris de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. C... dans le système d'information Schengen, mis à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2022, le préfet de police de Paris demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police de Paris du 14 octobre 2021 interdisant le retour de M. C... sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'aurait pas dû retenir le motif d'annulation de l'arrêté contesté dès lors que pour une audience correctionnelle il était loisible pour M. C... de se faire représenter par son avocat ;

- la présence de M. C... constituant notamment une menace à l'ordre public, l'arrêté prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français était légalement fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, M. C..., représenté par

Me Ardakani, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police de Paris ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La demande d'asile de M. C..., ressortissant pakistanais, né le 24 juin 1985, a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 décembre 2018 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 novembre 2019. Par des arrêtés du 14 octobre 2021, le préfet de police de Paris, d'une part, l'a obligé de quitter sans délai le territoire français en application du 4° de l'article L. 611-1 et des 1° et 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a fixé le pays à destination duquel il sera être reconduit d'office, d'autre part, lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de trente-six mois en application de l'article L. 612-6 de ce code. Par un jugement du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes, saisi d'une demande de

M. C..., a annulé l'arrêté du préfet de police du 14 octobre 2021 prononçant l'interdiction de retour de M. C... sur le territoire français pour une durée de trente-six mois, et enjoint au préfet de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. C... dans le système d'information Schengen, mis à la charge de l'Etat le versement à M. C... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa demande. Le préfet relève appel du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet du 14 octobre 2021 prononçant l'interdiction de retour de M. C... sur le territoire français pour une durée de trente-six mois, et enjoint au préfet de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. C... dans le système d'information Schengen.

2. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). ".

3. Pour annuler l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois, le tribunal administratif s'est fondé sur l'existence d'une procédure judiciaire d'instruction à la suite d'une plainte déposée contre M. C... pour agression sexuelle commise à Paris le 18 juillet 2021 et sur la tenue d'une audience correctionnelle prévue en mars 2022 ainsi qu'il a été précisé par l'avocate de M. C... au cours de l'audience publique devant le tribunal. Toutefois, il était loisible à M. C... de se faire représenter à cette audience et de se prévaloir des dispositions de l'article 410 du code de procédure pénale, selon lesquelles " Le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître, à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé (...) ", et ainsi d'assurer de manière effective sa défense. Ainsi, ni la procédure pénale en cours, ni la convocation de M. C... à une telle audience ne sauraient faire obstacle à l'édiction de la décision contestée et à son exécution. Dès lors, le préfet de police de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler cette décision, sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et la cour.

5. L'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français, qui vise les articles

L. 612-6 à L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est fondé notamment sur l'irrégularité de l'entrée de M. C... en France, son séjour récent en France, son comportement signalé par les services de police pour agression sexuelle, l'absence de liens anciens, forts et caractérisés sur le territoire français, l'inexécution d'une précédente mesure d'éloignement, l'absence d'une résidence effective et permanente en France, l'impossibilité de présenter des documents d'identité et de voyage et sur le risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français. Il est donc suffisamment motivé en fait et en droit.

6. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " et de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". En application de ces dispositions, le préfet peut, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels et des principes généraux du droit, assortir une obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle l'intéressé dispose d'un délai de départ volontaire, d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans, en se fondant pour en justifier tant le principe que la durée, sur la durée de sa présence en France, sur la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, sur la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et sur la menace à l'ordre public que représenterait sa présence en France.

7. Le préfet de police de Paris a pris la décision portant interdiction de retour sur le territoire français sur le fondement des articles précités en prenant en compte les critères mentionnés à l'article L. 612-10 précité, notamment, comme il a été dit au point 4, en raison de la date récente de l'entrée de M. C... en France le 17 juillet 2017, de son comportement signalé par les services de police le 13 octobre 2021 pour agression sexuelle, de l'absence de liens anciens, forts et caractérisés sur le territoire français dès lors qu'il est célibataire et sans enfant à charge en France et de l'inexécution d'une précédente mesure d'éloignement prise le 20 janvier 2020. Ainsi, l'interdiction de retour pour une durée de trente-six mois prononcée à son encontre n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation dans son principe ou sa durée.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er à 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 14 octobre 2021 prononçant l'interdiction de retour de M. C... sur le territoire français pour une durée de trente-six mois, et lui a enjoint de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. C... dans le système d'information Schengen et mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions de M. C... relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 mars 2022 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police de Paris du 14 octobre 2021 interdisant le retour de M. C... sur le territoire français pour une durée de trente-six mois ainsi que celles à fin d'injonction et au titre des frais liés à la première instance sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. C... présentées en appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2022.

Le président,

J.-E. B...

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

A. Penhoat

La greffière,

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

22NT0117102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01171
Date de la décision : 25/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ARDAKANI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-25;22nt01171 ?
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