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22/11/2022 | FRANCE | N°21NT02422

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 novembre 2022, 21NT02422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 novembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 25 juillet 2017 de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer à l'enfant Marceline Désirée G... A... un visa de long séjour demandé en qualité d'enfant mineur à charge d'un ressortissant français ainsi que la décision consu

laire du 25 juillet 2017.

Par un jugement n° 1800562 du 17 juin 2021, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 novembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 25 juillet 2017 de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer à l'enfant Marceline Désirée G... A... un visa de long séjour demandé en qualité d'enfant mineur à charge d'un ressortissant français ainsi que la décision consulaire du 25 juillet 2017.

Par un jugement n° 1800562 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 août 2021 et 16 juin (non communiqué) et 3 octobre 2022, M. F... E..., représenté par Me Holley, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de l'autorité consulaire française au Cameroun en date du 25 juin 2017 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 15 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de l'autorité consulaire française au Cameroun contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée a été prise par une instance irrégulièrement composée ;

- elle est fondée sur des faits matériellement inexacts ;

- elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 septembre 2021 et 22 septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. E... tendant à l'annulation de la décision du 15 novembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 25 juillet 2017 de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer à l'enfant Marceline Désirée G... A... un visa de long séjour demandé en qualité d'enfant mineur à charge d'un ressortissant français ainsi que de la décision consulaire du 25 juillet 2017. M. E... relève appel de ce jugement et doit être regardé comme demandant seulement l'annulation de la décision du 15 novembre 2017 de la commission qui s'est substituée à la décision de refus de visa prise par l'autorité consulaire française au Cameroun.

2. La décision de la commission de recours contestée est fondée sur ce qu'il n'a pas été produit de jugement de déchéance de l'autorité parentale du père de l'enfant mineur et sur ce que " l'intérêt supérieur de l'enfant est, dans le cas d'espèce, de demeurer dans son pays de résidence compte tenu de la présence dans ce pays des autres membres de sa fratrie et de plusieurs membres de sa famille, dont ses grands-parents maternels et en l'absence de circonstances justifiant la séparation de l'enfant de son environnement familial, social et culturel ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Aux termes de l'article D. 211-7 du même code, alors en vigueur : " Le président de la commission est choisi parmi les personnes ayant exercé des fonctions de chef de poste diplomatique ou consulaire. / La commission comprend, en outre : / 1° Un membre, en activité ou honoraire, de la juridiction administrative ; / 2° Un représentant du ministre des affaires étrangères ; / 3° Un représentant du ministre chargé de l'immigration ; / 4° Un représentant du ministre de l'intérieur. / Le président et les membres de la commission sont nommés par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans. Pour chacun d'eux, un premier et un second suppléant sont nommés dans les mêmes conditions ". L'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prévoit que cette commission " délibère valablement lorsque le président ou son suppléant et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs, sont réunis ".

4. Il ressort de la feuille d'émargement datée par erreur du 15 décembre 2017 mais dont il ressort des pièces du dossier qu'elle correspond à la séance n° 55 du 15 novembre 2017, au cours de laquelle elle a examiné le recours formé pour M. E..., que la commission de recours contre les décisions de refus de visa s'est réunie en présence de son président et de deux de ses membres. Par suite, le moyen tiré de la composition irrégulière de cette commission doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande. / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur, et désormais repris à l'article L. 811-2 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil " lequel dispose dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

8. Il est constant qu'après avoir donné naissance aux deux enfants, H... C... D... et J... G... A..., respectivement le 18 mai 2011 et le 27 novembre 2015, Mme I... G... est décédée le 10 décembre 2015. Il ressort des pièces du dossier que par un jugement du 5 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Mfoundi a confié la tutelle des deux enfants à M. E..., le frère de Mme G..., et a autorisé l'établissement par l'officier d'état civil de l'acte de naissance de l'enfant Steve Armel D... qui en était dépourvu. L'acte de naissance produit a été établi le 22 mai 2017 sur la base de ce jugement supplétif du 5 décembre 2016. Un jugement supplétif d'acte de naissance n'ayant d'autre objet que de suppléer l'inexistence de cet acte, la commission ne pouvait utilement retenir, compte tenu de la nécessité de présenter un tel acte à l'appui des demandes de visa, la circonstance que le jugement supplétif d'acte de naissance de Steve Armel D... a été établi tardivement, postérieurement au décès de sa mère. En outre, les circonstances que ce jugement supplétif ait été prononcé sur la base d'un certificat d'âge apparent et qu'il ne fasse état que des deux enfants pour lesquels la tutelle est demandée ne sont pas à elles seules de nature à établir le caractère frauduleux du jugement supplétif ni à ôter toute valeur probante à l'acte de naissance produit.

9. En troisième lieu, en règle générale, l'autorité consulaire dispose d'une large marge d'appréciation de l'intérêt d'un enfant de nationalité étrangère à se voir délivrer un visa d'entrée en France. Toutefois, il en va différemment dans trois séries d'hypothèses, soit que la demande d'entrée en France s'insère dans le cadre d'une procédure de regroupement familial qui a reçu l'approbation de l'autorité préfectorale, soit que la demande de visa s'appuie sur la décision définitive d'une juridiction française qui confie à un ressortissant français ou étranger la délégation de l'autorité parentale sur un enfant ou prononce son adoption, soit enfin que la demande repose sur un acte d'état civil étranger ou une décision définitive d'une juridiction étrangère ayant l'un ou l'autre de ces objets, pour autant que ces actes ou jugements aient été soumis dans l'ordre juridique français à une procédure de transcription ou à une mesure d'exequatur.

10. D'une part, les dispositions de l'article 450 du code civil camerounais énoncent que " le tuteur prendra soin de la personne du mineur et le représentera dans tous les actes civils. Il administrera ses biens en bon père de famille et répondra des dommages intérêts qui pourraient résulter d'une mauvaise gestion ". Si par le jugement du 5 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Mfoundi a désigné M. E... en qualité de tuteur de l'enfant Steve Armel D..., il n'est pas établi que cette décision juridictionnelle lui aurait accordé une délégation d'autorité parentale ou aurait conféré à la mesure de tutelle les effets d'une adoption.

11. D'autre part, M. E... ne peut utilement se prévaloir d'un jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal de grande instance de Mfoundi a prononcé l'adoption plénière des enfants H... C... D... et J... G... A... par M. E..., lequel est postérieur à la date de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée.

12. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, depuis le décès de Mme G..., les enfants vivent au Cameroun avec leurs grands-parents. Si M. E... soutient que ces derniers sont âgés et malades, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils seraient dans l'impossibilité ou l'incapacité de s'occuper des enfants. En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant subvient financièrement aux besoins des enfants et leur rend visite régulièrement en attendant que les démarches entreprises en vue d'une adoption plénière des enfants aboutissent. Dans ces conditions, la décision de la commission de recours n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02422
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : HOLLEY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-22;21nt02422 ?
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