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18/11/2022 | FRANCE | N°21NT01287

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 novembre 2022, 21NT01287


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que de l'amende fiscale au titre des années 2014 et 2015 en application de l'article 1759 du co

de général des impôts.

Par un jugement n° 1803372 du 12 mars 2021, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que de l'amende fiscale au titre des années 2014 et 2015 en application de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1803372 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la SARL B... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré mis à sa charge à raison des recettes omises au titre de l'année 2015 et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 mai et 29 décembre 2021 et les 24 février et 24 mars 2022, la SARL B..., représentée par Me Hery, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) dans le dernier état de ses écritures, de prononcer la décharge de 63 553 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour l'année 2014, de 66 307 euros au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'année 2014 et de 391 271 euros au titre des amendes pour les années 2014 et 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions aux fins de décharge de l'amende fiscale prévue par l'article 1759 du code général des impôts n'étaient pas irrecevables ;

- la procédure d'imposition est irrégulière en raison du défaut de signature du vérificateur sur la proposition de rectification et elle est fondée à se prévaloir de l'instruction publiée sous la référence BOICF-IOR-10-40 n° 240 ;

- les années 2014 et 2015 sont atteintes par la prescription ;

- s'agissant du calcul du chiffre d'affaires, les prix de vente retenus pour le calcul des manquants, représentant les omissions de recettes, sont erronés ; en réalité, les manquants pour l'année 2014 ne s'élevaient pas à 209 574 euros, mais seulement à 126 813 euros ;

- le rehaussement de 3 000 euros opéré au titre de l'année 2015 en matière d'impôt sur les sociétés aurait dû être limité à 1 350 euros dès lors qu'une facture d'achat à hauteur de 1 650 euros a été présentée au vérificateur ;

- l'amende fiscale n'a été motivée que pour l'année 2014 et sur le seul fondement de l'article 109-1-2° du code général des impôts, lequel est inapplicable dès lors que ce texte permet de connaître l'identité des bénéficiaires des distributions ;

- même si l'amende fiscale prévue à l'article 1759 du code général des impôts constitue une infraction autonome, il existe un lien direct entre cette amende et les rectifications d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, et ainsi le maintien de l'amende fiscale pour l'année 2015 aboutirait à asseoir une sanction fiscale sur des bases devenues inexistantes compte tenu du dégrèvement prononcé ; elle est fondée à se prévaloir de l'instruction publiée sous la référence BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 n° 200 ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 octobre 2021 et 17 janvier, 15 mars et 29 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes, l'administration a prononcé, le 8 avril 2021, un dégrèvement de 84 433 euros représentant l'intégralité des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à l'année 2015, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré ; les conclusions sont ainsi irrecevables en tant qu'elles portent sur ces sommes ;

- les conclusions à fin de décharge de l'amende fiscale sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la SARL B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) B..., qui exerce une activité de viticulture et de négoce de vins, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015. Le service a rejeté sa comptabilité comme non probante et procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires au titre de cette même période. Il a notifié à la SARL B..., par une proposition de rectification du 11 mai 2017, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés compte tenu des rehaussements de son bénéfice imposable, au titre de l'ensemble de la période vérifiée, ces rappels de taxe et cotisations supplémentaires mis à sa charge étant en outre augmentés de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts et de l'amende fiscale prévue par l'article 1759 de ce code. L'administration fiscale a rejeté la réclamation préalable présentée par la SARL B... le 9 février 2018. La SARL B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à sa charge ainsi que de l'ensemble des majorations correspondantes. Par un jugement du 12 mars 2021, le tribunal a déchargé la SARL B... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré mis à sa charge à raison des recettes omises au titre de l'année 2015 et rejeté le surplus de sa demande. La SARL B... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'amende fiscale infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts :

2. Aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. (...) ". Et aux termes de l'article R. 200-2 du même livre : " (...) Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la réclamation préalable présentée le 22 décembre 2017 par la SARL B... tendait au dégrèvement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la même période, et des majorations pour manquement délibéré, mais ne portait pas sur l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, alors même qu'était joint l'avis de mise en recouvrement correspondant. Ainsi, en application des dispositions précitées des articles R. 190-1 et R. 200-2 du livre des procédures fiscales, les conclusions relatives à cette amende sont irrecevables, comme a pu le juger le tribunal administratif sans entacher son jugement d'irrégularité et comme le soutient le ministre en appel.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Il résulte de l'instruction que si la proposition de rectification du 11 mai 2017 notifiée à la SARL B... comportait uniquement les prénom et nom et le titre du vérificateur mais non pas sa signature, la signature du supérieur hiérarchique du vérificateur figurait sur la notification de la proposition de rectification, dans le cadre prévu dans l'hypothèse où sont appliquées les sanctions fiscales exclusives de bonne foi. Dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition était irrégulière faute de signature de la proposition de rectification par le vérificateur doit être écarté.

Sur le bien-fondé du surplus des impositions :

En ce qui concerne la prescription :

5. Pour les motifs indiqués au point 4, la proposition de rectification du 11 mai 2017 adressée à la SARL B... n'est pas irrégulière et a ainsi interrompu la prescription pour les impositions au titre de l'année 2014. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de l'instruction publiée sous la référence BOICF-IOR-10-40 n° 240, qui ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt. Par conséquent, le moyen tiré de ce que l'année 2014 est atteinte par la prescription doit être écarté.

En ce qui concerne la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires :

6. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. ".

7. Il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL B..., le service s'est appuyé sur les stocks déclarés par la société en début d'exercice ainsi que sur les déclarations de récoltes et les factures d'achats et de ventes établies par elle. Au titre de l'année 2014, il a ajouté au stock déclaré les récoltes et les achats de moûts et de raisins, dont il a retranché les pertes techniques évaluées au stade de l'élaboration et du stockage du vin ainsi que les ventes. L'écart entre le stock fiscal déclaré par la société et le stock théorique ainsi calculé a conduit l'administration à relever l'existence, par appellation et par millésime, de manquants ou d'excédents fiscaux, dont elle a estimé qu'ils ne se compensaient pas, faute de concerner les mêmes produits. Elle a alors valorisé les manquants en fonction des prix de vente aux particuliers, sur la base des factures de vente obtenues dans le cadre de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, et ainsi évalué les recettes omises.

8. Si la société requérante, qui n'avait pas contesté la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires dans sa réclamation préalable et dans sa demande de première instance, soutient que les ventes aux particuliers ne représentaient que 13,5% des ventes comptabilisées en 2014 et qu'en conséquence, les prix de vente sont erronés du fait d'un écart de 82 761 euros, cet écart ne ressort pas des factures produites, qui concernent certes des professionnels mais également de nombreux particuliers. De plus, l'administration a déterminé les insuffisances de chiffres d'affaires à partir des manquants, qui ont pu ne pas être facturés, en retenant un prix moyen unitaire pondéré. En outre, la proposition de rectification du 11 mai 2017 mentionne que la SARL B... a également une activité de négoce et procédé à des achats de vins de millésimes 2013 et 2014, ce qui n'est pas utilement contesté. Par conséquent, le vérificateur a pu inclure, s'agissant des manquants déterminés pour 2014, des millésimes 2013 et 2014, alors même que l'élevage du vin en cause n'était pas terminé. Enfin, le vérificateur a déterminé les prix de vente des manquants à partir des appellations et pouvait ne pas retenir de prix différenciés en fonction de la dénomination des vins à l'intérieur de chaque appellation. Dès lors, la requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, de ce que la méthode utilisée par l'administration pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'année 2014 conduit à exagérer les bases des impositions contestées au titre de cette année.

9. Par ailleurs, en produisant des factures pour l'année 2015 et un relevé des anomalies constatées pour cette même année, elle ne peut utilement soutenir que la rectification pour l'année 2015 conduit à une imposition exagérée dès lors que le tribunal, dans le jugement attaqué, l'a déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré mis à sa charge à raison des recettes omises au titre de l'année 2015.

En ce qui concerne la rectification relative à la facture de 3 000 euros :

10. Au titre de l'exercice clos en 2015, il est constant que la SARL B... a déclaré en charge une facture d'achat en vrac de Gamay d'une valeur de 3 000 euros auprès du domaine des .... Toutefois, cette facture datée du 29 juin 2015 avait été déjà comptabilisée et ne mentionnait qu'un montant de 1 650 euros. Ainsi, la société requérante avait comptabilisé deux charges, l'une de 3 000 euros et l'autre de 1 650 euros, à partir de la même facture. Dès lors, la charge d'un montant de 3 000 euros ne comportait aucune pièce justificative et la SARL B... n'est pas fondée à soutenir que la rectification aurait dû être limitée à la différence entre la somme de 3 000 euros et celle de 1 650 euros, soit 1 350 euros.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. Il y a lieu, pour les motifs indiqués au point 8 et par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de ce que la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.

La rapporteure

P. A...Le président

J-E. Geffray

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT01287

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01287
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET ORATIO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-18;21nt01287 ?
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