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03/11/2022 | FRANCE | N°21NT00769

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 novembre 2022, 21NT00769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plougoumelen (Morbihan) à lui verser la somme de 68 379,80 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable, et de leur capitalisation à compter du 20 septembre 2018, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par cette commune dans la détermination de la constructibilité d'un terrain lui appartenant, situé au lieu-dit Parc Lan er P

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Par un jugement n° 1705843 du 15 janvier 2021, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plougoumelen (Morbihan) à lui verser la somme de 68 379,80 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable, et de leur capitalisation à compter du 20 septembre 2018, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par cette commune dans la détermination de la constructibilité d'un terrain lui appartenant, situé au lieu-dit Parc Lan er Prah.

Par un jugement n° 1705843 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 mars 2021, 3 décembre 2021 et 20 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Collet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner la commune de Plougoumelen (Morbihan) à lui verser la somme de 68 379,80 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable et de leur capitalisation à compter du 20 septembre 2018, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des fautes commises par les services de cette commune dans la détermination de la constructibilité d'un terrain lui appartenant, initialement cadastré n° E 1606 puis AB 45, situé au lieu-dit Parc Lan er Prah ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plougoumelen la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune est engagée ; elle a commis une faute en classant sa parcelle en zone constructible au plan d'occupation des sols en vigueur à la date de l'achat de sa parcelle ; elle a commis une faute en lui délivrant un certificat d'urbanisme positif le 13 octobre 2005 ;

- son préjudice est né de l'acquisition d'un terrain constructible qui s'est révélé inconstructible lors de son projet de revente ; la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif le 13 octobre 2005 est en lien direct et certain avec son préjudice ; son préjudice résultant de la différence entre le prix d'acquisition du terrain constructible et celui du terrain inconstructible est de 48 379,80 euros pour sa part, eu égard au prêt conclu ; son préjudice moral sera indemnisé pour un montant de 20 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 octobre et 13 décembre 2021, et un mémoire enregistré le 12 janvier 2022 qui n'a pas été communiqué, la commune de Plougoumelen, représentée par Me Rouhaud, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de Mme C... ;

2°) subsidiairement de faire droit aux demandes de Mme C... pour un montant moindre ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Collet, représentant Mme C..., et de Me Messéant substituant Me Rouhaud, représentant la commune de Plougoumelen.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... a acquis le 17 mars 2006, avec un tiers, la parcelle n° E 1606, devenue AB 45, située à Plougoumelen (Morbihan), pour laquelle, à l'occasion d'un projet de revente en 2010, la commune a indiqué que du fait de l'existence d'une zone humide il n'était pas constructible. Par un courrier du 19 septembre 2017, Mme C... a demandé à cette commune de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des fautes commises en classant cette parcelle en zone constructible au plan d'occupation des sols (POS) communal puis en lui délivrant le 13 octobre 2005 un certificat d'urbanisme ne faisant pas état de son inconstructibilité. Par une décision du 24 octobre 2017, le maire de Plougoumelen a rejeté sa demande. Par un jugement du 15 janvier 2021, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Plougoumelen à lui verser la somme de 68 379,80 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, en réparation des préjudices allégués.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Mme C... soutient en premier lieu que la responsabilité pour faute de la commune de Plougoumelen est engagée du fait du classement de la parcelle qu'elle a acquise en 2006, alors qu'elle était classée en zone constructible UB au plan d'occupation des sols de la commune approuvé le 22 septembre 2000, alors que cette parcelle appartenait dès cette date à une zone humide, interdisant toute construction en application du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire-Bretagne.

3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement dans sa version applicable à la date d'approbation du plan d'occupation des sols de la commune de Plougoumelen le 22 septembre 2000 : " Un ou des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux fixent pour chaque bassin ou groupement de bassins les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau, telle que prévue à l'article L. 211-1. / (...) Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec leurs dispositions. Les autres décisions administratives doivent prendre en compte les dispositions de ces schémas directeurs. ".

4. D'une part, une délibération approuvant un plan d'occupation des sols qui se borne à fixer des règles d'utilisation du sol ne constitue pas une décision intervenant dans le domaine de l'eau au sens des dispositions législatives précitées, mais doit néanmoins prendre en compte les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux opposable. D'autre part il résulte de ce même article L. 212-1 du code de l'environnement que les décisions administratives prises au titre de législations distinctes de celle de l'eau ne doivent pas, en principe, s'écarter des orientations fondamentales du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux sauf, sous le contrôle du juge, pour un motif tiré de l'intérêt de l'opération envisagée et dans la mesure où ce motif le justifie.

5. Il résulte de l'instruction d'une part que le SDAGE du bassin Loire-Bretagne adopté le 4 juillet 1996 prévoyait de sauvegarder et mettre en valeur les zones humides. A ce titre il était notamment prévu d'inventorier les zones humides et indiqué que " les POS doivent prendre en compte les zones humides, notamment celles qui sont identifiées par le SDAGE et les SAGE, en édictant des dispositions appropriées pour en assurer la protection, par exemple le classement en zone ND assorti de mesures du type : (...) interdiction stricte de toute nouvelle construction (...) ". Il y était également mentionné que " les SAGE doivent établir l'inventaire et la cartographie des zones humides comprises dans leur périmètre en tenant compte de leur valeur biologique et de leur intérêt pour la ressource en eau. ". D'autre part, il ressort du rapport de présentation du plan d'occupation des sols adopté le 22 septembre 2000 par la commune de Plougoumelen que diverses zones humides de la commune ont été classées en zones ND par référence au SDAGE du bassin Loire-Bretagne. Cette situation est alors de nature à faire regarder la commune comme ayant pris en compte les orientations fondamentales de ce schéma directeur, dès lors que les dispositions citées ne lui imposaient pas de réaliser un inventaire des zones humides de la commune préalablement à l'adoption de son POS et qu'il n'existait alors pas de schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) inventoriant et cartographiant les zones humides de la commune de Plougoumelen. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'appartenance de la parcelle de Mme C... à une zone humide, du fait de l'existence d'une prairie humide, pouvait alors être établie à l'évidence, contrairement à ce que soutient Mme C.... Ainsi en 2009, afin d'établir un inventaire de ces zones dans la perspective de l'élaboration du plan local d'urbanisme communal, la commune a dû recourir aux services d'un cabinet spécialisé qui a procédé à un examen par parcelle, en analysant notamment les végétations présentes sur les sites et/ou les sols après sondage. Par suite, la responsabilité de la commune de Plougoumelen n'est pas engagée du fait du classement de la parcelle de Mme C... en zone constructible au POS de cette commune adopté en 2000.

6. Mme C... soutient, en deuxième lieu, que la responsabilité pour faute de la commune de Plougoumelen est également engagée du fait de la délivrance d'un certificat d'urbanisme informatif illégal le 13 octobre 2005, soit avant son achat de la parcelle en litige, en tant qu'il n'écarte pas le classement erroné en zone UB du POS et qu'il ne mentionne pas même de restrictions liées à l'existence d'une zone humide.

7. En vertu d'un principe général, il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal. Ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d'exception en vertu de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme. Ces dispositions doivent ainsi être écartées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, par l'autorité chargée de délivrer des certificats d'urbanisme ou des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols, qui doit alors se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme.

8. Ainsi qu'il a été exposé au point 5, l'appartenance de la parcelle n° E 1606 à une prairie humide caractérisant une zone humide n'était pas établie en 2000 à la date d'approbation du POS, et il ne résulte pas davantage de l'instruction que cela pouvait être identifié à la date de délivrance du certificat d'urbanisme du 13 octobre 2005 dès lors que cela supposait notamment une analyse de la végétation et des sols, après de possibles sondages. Mme C... n'est alors pas fondée à soutenir que la commune aurait dû écarter l'application du POS alors opposable classant cette parcelle en zone UB lors de la délivrance du certificat d'urbanisme en litige. En conséquence, la responsabilité de la commune de Plougoumelen n'est pas engagée à ce titre.

9. Par ailleurs aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de délivrance du certificat d'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / (...) Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. (...) ".

10. Mme C... n'est pas davantage fondée à soutenir, pour le même motif tenant au défaut d'identification d'une zone humide, que ce même certificat d'urbanisme aurait dû mentionner que la parcelle se trouvait en zone humide où il existait un risque pour la salubrité au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Au demeurant, s'agissant d'un certificat d'urbanisme délivré afin de connaitre les dispositions d'urbanisme et les limitations au droit de construire applicables à la parcelle, sans précision apportée sur le projet de construction, le maire de la commune n'était pas tenu de mentionner les règles générales d'urbanisme permissives applicables. Aussi par son contenu le certificat d'urbanisme du 13 octobre 2005 n'était pas de nature à engager la responsabilité de la commune pour faute.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par Mme C.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 2 500 euros demandée par la commune de Plougoumelen.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Plougoumelen sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la commune de Plougoumelen.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00769


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00769
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET LEXCAP RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-03;21nt00769 ?
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