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21/10/2022 | FRANCE | N°21NT01884

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 21 octobre 2022, 21NT01884


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 juillet 2021, 13 décembre 2021, 10 février 2022 et 24 février 2022, ainsi qu'un mémoire récapitulatif produit le 25 mars 2022 en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu, représentée par Me Enckell, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande d'autorisation environnementale relative à l'exploitation d'un parc

éolien sur le territoire des communes de Cartigny-l'Epinay et Saint-Marcouf-du-Ro...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 juillet 2021, 13 décembre 2021, 10 février 2022 et 24 février 2022, ainsi qu'un mémoire récapitulatif produit le 25 mars 2022 en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu, représentée par Me Enckell, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande d'autorisation environnementale relative à l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Cartigny-l'Epinay et Saint-Marcouf-du-Rochy, ainsi que la décision du 7 juin 2021 de ce préfet rejetant son recours gracieux ;

2°) de délivrer l'autorisation sollicitée et d'enjoindre au préfet du Calvados de fixer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, les conditions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés aux articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi que d'enjoindre au préfet du Calvados de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues par l'article R. 181-44 du code de l'environnement ; à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer la demande d'autorisation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État et de la commune de Saint-Marcouf-du-Rochy une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention de la commune de Saint-Marcouf-du-Rochy est irrecevable ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de répondre aux observations des membres de la formation " sites et paysages " de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites qui a émis un avis sur le projet ;

- aucun des motifs de l'arrêté attaqué ne justifie légalement le refus d'autorisation environnementale ;

- en n'établissant pas avoir pris en compte la contribution du projet de parc éolien de Vert Buisson à l'atteinte des objectifs nationaux et locaux en matière d'énergies renouvelables, notamment ceux de la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 et ceux de l'article L. 100-4 du code de l'énergie, le préfet du Calvados a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 14 janvier 2022, et des mémoires enregistrés les 8 février, 10 février, 28 février et 23 mars 2022, ainsi qu'un mémoire récapitulatif produit le 25 avril 2022 en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la commune de Saint-Marcouf-du-Rochy, représentée par Me Bouthors-Neveu, demande que la cour rejette la requête de la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu et qu'il soit mis à la charge de cette société une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance no 2014-1329 du 6 novembre 2014 ;

- le décret no 2014-1627 du 26 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Amabile, substituant Me Enckell, représentant la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu, et de Me Bouthors-Neveu, représentant la commune de Saint-Marcouf-du-Rochy.

Une note en délibéré présentée pour la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu a été enregistrée le 5 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er octobre 2015, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu a sollicité auprès du préfet du Calvados la délivrance d'une autorisation unique en vue de la création d'un parc dénommé " Parc de Vert Buisson ", initialement composé de sept éoliennes sur le territoire des communes de Lison, Neuilly-la-Forêt, Cartigny-l'Epinay et Saint-Marcouf-du-Rochy. Cette première demande a été rejetée par le préfet du Calvados en raison de l'avis défavorable de l'armée de l'air. Le 15 avril 2019, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu a déposé une nouvelle demande d'autorisation environnementale portant sur la création d'un parc ramené à trois éoliennes, d'une hauteur maximale de 143 mètres en bout de pale et d'une puissance maximale totale de 6,9 MW, sur le territoire des communes de Cartigny-l'Epinay et de Saint-Marcouf-du-Rochy. Le dossier a été complété, à la demande du service instructeur, le 12 février 2020. L'enquête publique s'est déroulée du 1er septembre au 1er octobre 2020. Par l'arrêté attaqué du 16 mars 2021 dont la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu demande l'annulation, le préfet du Calvados a rejeté la demande d'autorisation environnementale.

Sur l'intervention de la commune de Saint-Marcouf-du-Rochy :

2. Est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

3. Il résulte de l'instruction que le projet litigieux est situé, pour partie, sur le territoire de la commune de Saint-Marcouf-du-Rochy. Il est, en outre, au regard notamment des photomontages versés au dossier, susceptible d'avoir des impacts paysagers sur le territoire de cette commune et de porter atteinte à l'église appartenant au domaine public communal, ce motif étant d'ailleurs l'un de ceux fondant l'arrêté attaqué. Dès lors, la commune de Saint-Marcouf-du-Rochy a intérêt au maintien de cet arrêté. Son intervention est ainsi recevable. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu doit être écartée.

Sur la légalité du refus d'autorisation :

En ce qui concerne la procédure :

4. D'une part, aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial : " Sous réserve de la préservation, le cas échéant, du secret du vote, le président du collège d'une autorité mentionnée à l'article 1er peut décider qu'une délibération sera organisée par tout procédé assurant l'échange d'écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne ou par messagerie. Les observations émises par chacun des membres sont immédiatement communiquées à l'ensemble des autres membres participants ou leur sont accessibles, de façon qu'ils puissent y répondre pendant le délai prévu pour la délibération, afin d'assurer le caractère collégial de celle-ci. / Les modalités d'application de cet article sont fixées par décret en Conseil d'État. " Aux termes de l'article 3 du décret du 26 décembre 2014 relatif aux modalités d'organisation des délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial : " Le président du collège informe les autres membres de la tenue de cette délibération par voie électronique, de la date et de l'heure de son début ainsi que de la date et de l'heure à laquelle interviendra au plus tôt sa clôture. (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " La séance est ouverte par un message du président à l'ensemble des membres du collège, qui rappelle la date et l'heure limite pour la présentation des contributions. / (...) / Seuls les tiers invités à être entendus peuvent être destinataires des messages envoyés par les membres du collège dans le cadre de la délibération. " Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Les débats sont clos par un message du président, qui ne peut intervenir avant l'heure limite fixée pour la clôture de la délibération. Le président adresse immédiatement un message indiquant l'ouverture des opérations de vote, qui précise la durée pendant laquelle les membres du collège participants peuvent voter ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Au terme du délai fixé pour l'expression des votes, le président en adresse les résultats à l'ensemble des membres du collège ".

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 341-25 du code de l'environnement, applicable à la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites : " Lorsque la commission ou l'une de ses formations spécialisées est appelée à émettre un avis sur une affaire individuelle, la personne intéressée est invitée à formuler ses observations. La commission délibère en son absence. / (...) "

6. Il résulte de l'instruction que, le 19 février 2021, la formation " sites et paysages " de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du Calvados a émis, par onze voix contre quatre et une abstention, un avis favorable au projet d'arrêté de refus de l'autorisation environnementale sollicitée par la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu. Cet avis a été émis à la suite d'une délibération organisée par l'échange d'écrits transmis par voie électronique, comportant une phase de débats entre le 17 février 2021 à 9 heures et le 18 février 2021 à 16 heures, immédiatement suivie d'une phase de vote qui s'est achevée le 19 février 2021 à 11 heures. Alors que la société pétitionnaire et le maire de Saint-Marcouf-du-Rochy avaient fait part de leur souhait de participer à cette réunion dématérialisée, le président de la commission a décidé de ne pas les rendre destinataires des cinq observations émises par ses membres, dont trois favorables au projet de parc litigieux et deux défavorables à celui-ci, au motif que ces observations, faites lors de la phase initiale de débats, n'appelaient " pas de réponse de leur part et faisaient mention, pour trois d'entre elles, du sens des votes des membres ". Cependant, il résulte de l'instruction qu'eu égard à la teneur des observations défavorables au projet de parc litigieux, qui critiquaient en particulier les impacts de celui-ci sur les paysages et monuments environnants, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu aurait dû, conformément à l'article R. 341-25 du code de l'environnement, être rendue destinataire de ces observations afin de lui permettre d'y répliquer.

7. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le projet d'arrêté préfectoral de refus d'autorisation, son rapport de présentation et le mémoire en réponse de la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu ont été adressés, le 8 février 2021, à la formation " sites et paysages " de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du Calvados, en annexe de la convocation à la réunion dématérialisée de celle-ci. La société Parc éolien d'Elle-et-Rieu a également communiqué au président de cette commission un document de présentation du projet de parc litigieux, qui a été adressé aux membres de la commission à l'ouverture des débats. Ainsi, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu n'a pas été privée de toute possibilité de présenter ses observations devant la formation " sites et paysages " de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du Calvados. Dans ces conditions, et alors même qu'elle n'a pas été mise en mesure de répliquer aux deux observations défavorables au projet de parc émises par des membres de la commission lors de sa réunion, il ne résulte pas de l'instruction que cette irrégularité affectant la procédure suivie devant la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du Calvados a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté attaqué ni qu'elle a privé la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu d'une garantie.

9. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière doit être écarté.

En ce qui concerne les règles de fond :

10. Le préfet du Calvados a rejeté la demande d'autorisation environnementale présentée par la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu en se fondant, d'une part, sur l'insuffisance des mesures compensatoires proposées par le pétitionnaire en ce qui concerne la zone humide et les haies qui seront détruites par le projet, d'autre part, sur l'absence de mesure susceptible d'assurer la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, en ce qui concerne les atteintes que le projet portera aux chiroptères ainsi qu'aux paysages et au patrimoine, et, enfin, sur l'avis défavorable de la majorité des communes consultées, dont les deux communes d'implantation du projet.

S'agissant du moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas pris en compte la contribution du parc éolien projeté à la lutte contre le changement climatique et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre :

11. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. " L'article L. 511-1 du code de l'environnement dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

12. L'arrêté attaqué refusant l'autorisation environnementale sollicitée par la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu pour des motifs tirés notamment, ainsi qu'il a été dit au point 10 ci-dessus, de ce qu'aucune mesure n'assurerait la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu ne peut utilement soutenir qu'en n'établissant pas avoir pris en compte la contribution du projet de parc éolien de Vert Buisson à l'atteinte des objectifs nationaux et locaux en matière d'énergies renouvelables, notamment ceux de la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 et ceux de l'article L. 100-4 du code de l'énergie, le préfet du Calvados aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation.

S'agissant de l'insuffisance des mesures compensatoires :

13. Aux termes du I de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement : " L'autorité compétente pour autoriser un projet soumis à évaluation environnementale prend en considération l'étude d'impact, l'avis des autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1 ainsi que le résultat de la consultation du public et, le cas échéant, des consultations transfrontières. / La décision de l'autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l'environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d'ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine. / La décision de refus d'autorisation expose les motifs du refus, tirés notamment des incidences notables potentielles du projet sur l'environnement. " Selon le 2° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, " implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ; / Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ". Aux termes de l'article L. 163-1 du code de l'environnement : " I. - Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité sont les mesures prévues au 2° du II de l'article L. 110-1 et rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage ou par la réalisation d'activités ou l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de planification. / Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes. Elles ne peuvent pas se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé en l'état. / II. - Toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité y satisfait soit directement, soit en confiant, par contrat, la réalisation de ces mesures à un opérateur de compensation défini au III du présent article, soit par l'acquisition d'unités de compensation dans le cadre d'un site naturel de compensation défini à l'article L. 163-3. Lorsque la compensation porte sur un projet, un plan ou un programme soumis à évaluation environnementale, la nature des compensations proposées par le maître d'ouvrage est précisée dans l'étude d'impact présentée par le pétitionnaire avec sa demande d'autorisation. / Dans tous les cas, le maître d'ouvrage reste seul responsable à l'égard de l'autorité administrative qui a prescrit ces mesures de compensation. / Les modalités de compensation mentionnées au premier alinéa du présent II peuvent être mises en œuvre de manière alternative ou cumulative. / Les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, à proximité de celui-ci afin de garantir ses fonctionnalités de manière pérenne. Une même mesure peut compenser différentes fonctionnalités. / (...) "

Quant aux haies :

14. Il résulte de l'instruction que l'accès à l'installation projetée, notamment pour la réalisation des travaux, nécessitera la création d'une piste empierrée au nord-ouest du site d'implantation, ainsi que l'agrandissement du chemin existant de Crèvecoeur. Cet agrandissement va se traduire par l'arrachage de 813 mètres linéaires de haies. L'étude d'impact réalisée en janvier 2020 distingue les " haies stratégiques ", c'est-à-dire celles arborées assurant une continuité écologique, représentant 565 mètres linéaires des haies supprimées, et les " haies non stratégiques ". La mesure de compensation envisagée consiste à restaurer ou replanter des haies sur une longueur doublée pour les haies stratégiques et sur une longueur équivalente pour les haies non stratégiques. Pour tenir compte des avis émis sur cette étude, notamment par l'autorité environnementale le 14 mai 2020, la société pétitionnaire s'est engagée, dans son mémoire en réponse à l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) Normandie de juin 2020, à replanter ou restaurer au ratio de deux pour un l'ensemble des haies supprimées, soit 1 626 mètres linéaires. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le ministre, l'étude d'impact précise, en pages 271-272, les espèces à planter, correspondant à celles observées dans le périmètre de la zone du projet, ainsi que la physionomie de la plantation. Ce même document précise que des conventionnements seront conclus avec les propriétaires et exploitants agricoles concernés, avec un engagement de ne pas arracher les haies pendant toute la durée d'exploitation du parc, c'est-à-dire 30 ans. Le volet écologique figurant en annexe 4 à l'étude d'impact précise, en page 380, la localisation envisagée des lieux futurs de plantation des haies, incluant la replantation des haies arrachées, cette carte ayant été actualisée en annexe 2 du mémoire en réponse à l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale Normandie. Ce dernier document et ses annexes indiquent également qu'au mois de juin 2020, le pétitionnaire avait déjà obtenu l'accord de principe des propriétaires fonciers concernés et de leur exploitant agricole pour 1 553 mètres linéaires de haies à restaurer ou replanter, les 150 mètres linéaires étant en cours de négociation. Enfin, il est prévu un suivi régulier des haies sur la durée d'exploitation du parc éolien, ainsi que le cas échéant un entretien des haies afin de faciliter leur bon développement, ce qui est de nature à assurer la pérennité des haies prévues pour compenser l'arrachage. Par suite, c'est par une inexacte application des dispositions des articles L. 110-1 et L. 163-1 du code de l'environnement que le préfet du Calvados a estimé que les mesures proposées pour compenser la destruction de haies par le projet n'étaient pas satisfaisantes.

Quant aux zones humides :

15. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact et de son volet écologique, que l'inventaire des zones humides, effectué au regard de critères alternatifs tenant à l'étude de l'habitat et de la flore ainsi qu'à la pédologie, a permis d'établir que les zones retenues pour l'implantation des éoliennes ne sont pas humides, à l'inverse de la zone d'accès qui comporte une prairie humide. Le chemin d'accès empierré du projet à créer, permettant de relier le lieudit Crèvecœur à l'éolienne no 1, traversera ainsi une prairie humide sur une longueur d'environ 200 mètres linéaires et une largeur de 5 mètres. La zone humide sera ainsi partiellement détruite à hauteur de 1 000 mètres carrés.

16. En premier lieu, alors que, en vertu des dispositions des articles L. 110-1 et L. 163-1 du code de l'environnement, les mesures de compensations doivent tenir compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées, ainsi que viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité, il résulte de l'instruction que le pétitionnaire n'a pas procédé à une analyse complète des fonctionnalités de la zone humide qui sera affectée par le projet. À cet égard, la page 382 du volet écologique de l'étude d'impact se borne à indiquer, sans fournir aucune justification concrète résultant des études de terrain, que " la prairie humide remplit les trois fonctions décrites dans le guide [de la méthode nationale d'évaluation des fonctions des zones humides, élaboré en mai 2016], à savoir la fonction hydrologique (avec le rechargement des nappes et le ralentissement des ruissellements), la fonction biogéochimique et la fonction d'accomplissement du cycle biologique des espèces ". En particulier, l'étude n'explique pas quels seront les habitats et espèces impactés par la destruction partielle envisagée. Cette insuffisance de l'étude d'impact sur les zones humides, qui n'a pas été comblée par les éléments de réponse fournis par le pétitionnaire en page 14 de son mémoire en réponse à l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale Normandie émis en juin 2020 sur le projet, est de nature à affecter tant l'évaluation des impacts de la destruction partielle de la zone humide que l'élaboration de mesures de compensation adéquates.

17. En deuxième lieu, le volet écologique de l'étude d'impact se borne à indiquer, en page 339, que " l'impact résiduel [de la destruction partielle de la zone humide] est jugé modéré au niveau de la prairie humide concernée par ce chemin d'accès ", sans fournir aucune explication sur les raisons qui ont conduit à retenir ce niveau d'impact. La mission régionale d'autorité environnementale Normandie a d'ailleurs relevé dans son avis que " l'impact précis du chemin qui se construit sur cette zone n'est pas véritablement analysé " et que " il faudrait analyser plus finement l'impact sur les fonctionnalités de la zone humide en s'appuyant notamment sur la méthode nationale ". Si, en page 14 de son mémoire en réponse à cet avis, la société pétitionnaire a apporté des éléments complémentaires sur ce point, en faisant notamment valoir que " la justification du constat d'impact modéré est inhérente à la surface réellement impactée ", à savoir 1 000 mètres carrés d'une prairie humide isolée, et que " l'accomplissement des cycles biologiques est perturbé " sur la surface détruite, ce qui l'a conduit à proposer une mesure de compensation en faveur de la biodiversité, ces éléments ne sont pas suffisants pour caractériser l'impact résiduel du projet.

18. En troisième lieu, la société pétitionnaire a prévu, à titre de mesure de compensation, la création d'au moins deux mares d'une surface totale de 1 500 mètres carrés, afin de compenser à hauteur de 150 % les atteintes à la zone humide.

19. D'une part, si le volet écologique de l'étude d'impact indique en page 382 que " la création de mares sera favorable à l'accueil d'une majorité d'espèces associées aux zones humides, ainsi qu'aux espèces animales en général en termes de ressources alimentaires ", et au " développement de végétaux hydrophiles ", elle n'explique pas en quoi cette mesure de compensation permettra d'atteindre l'objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire de gain de biodiversité, alors que l'habitat d'une prairie humide sera remplacé par un plan d'eau. De même, alors que la mission régionale d'autorité environnementale s'est interrogée dans son avis sur " la nature même de la compensation " proposée en relevant que " la création de deux grandes mares de 1 500 mètres carrés ne permet pas de retrouver les fonctionnalités de la prairie humide détruite dans le cadre du projet ", la société pétitionnaire s'est bornée à répondre, dans son mémoire en réponse de juin 2020, et sans en justifier dans ce mémoire ni au cours de la présente instance, que " la plus-value écologique des mares est avérée et largement documentée " et que " ce type de zone humide remplit les fonctionnalités d'une prairie humide ". Au demeurant, il ressort des termes mêmes de cette réponse que la mesure de compensation proposée par la société pétitionnaire a été envisagée de façon théorique, sans tenir compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques précisément affectées par le projet litigieux.

20. D'autre part, si la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu soutient qu'elle a fait le choix d'une compensation par la création de mares à l'issue d'une recherche d'autres parcelles à proximité du site susceptibles d'être utilisées pour créer ou restaurer une prairie humide, elle ne justifie pas de cette allégation, qui figure également en page 381 du volet écologique de l'étude d'impact. Or, tant l'administration que la mission régionale d'autorité environnementale Normandie dans son avis ont relevé que la parcelle contiguë à la parcelle détruite, même si elle n'est pas humide, comporte une petite partie humide à son extrémité qui pourrait éventuellement être étendue, l'autorité environnementale relevant que " sa fonctionnalité pourrait également être améliorée par un étrépage ", c'est-à-dire un décaissement et une exportation du sol superficiel et de sa végétation. En réponse, la société pétitionnaire s'est bornée à indiquer que cette parcelle voisine ne pouvait " être visée par une mesure de compensation, n'ayant pas naturellement les critères d'une prairie humide ", sans envisager la possibilité de l'extension de la partie humide existante ni de son étrépage.

21. Enfin, alors même que les dispositions du code de l'environnement n'imposent pas au pétitionnaire de démontrer qu'il dispose de la maîtrise foncière des terrains sur lesquels les mesures de compensation des impacts de l'installation doivent être mises en œuvre, il résulte de l'instruction qu'aucun emplacement n'a été défini pour la création de mares à la date d'élaboration de l'étude d'impact, et que seules la restauration et l'élargissement d'une mare existante pour la porter à 650 mètres carrés ont pu faire l'objet d'un accord de principe, et même d'un contrat à la date de l'arrêté attaqué. En outre, dans son mémoire en réponse de janvier 2021 au projet d'arrêté de refus de la demande d'autorisation environnementale, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu a envisagé la création de 1 500 mètres carrés de prairie humide, et non plus de mares, sans préciser les emplacements potentiels de ces zones humides à créer ou restaurer.

22. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions des articles L. 110-1 et L. 163-1 du code de l'environnement que le préfet du Calvados a estimé que la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu ne justifiait pas du caractère adapté des mesures proposées pour compenser la destruction partielle de la zone humide impactée par le projet, afin de recouvrer les fonctionnalités de l'habitat détruit, ni de leur efficacité et de leur pérennité.

S'agissant des atteintes aux chiroptères :

23. L'arrêté attaqué se fonde notamment sur ce que " l'implantation des éoliennes est prévue pour chacune à moins de 65 mètres des haies, alors que les recommandations B... sont un éloignement de 200 mètres des éléments boisés pour réduire les effets sur les espèces présentes dans ces habitats ", et que " la justification de l'acceptabilité du projet " au regard des enjeux liés à la richesse du nombre d'espèces de chiroptère fréquentant le site " repose sur la mise en place d'un système de bridage des éoliennes et sur l'affirmation qu'au-delà de 25 mètres des linéaires boisés, l'activité des chiroptères diminue et qu'elle est très faible au-delà de 15 mètres de hauteur, sans que cela soit corroboré par une étude de terrain relative à la fréquentation des haies, ce qui n'apporte donc pas de caractère démonstratif ".

24. Il ressort de l'étude d'impact du projet et de son volet écologique que le prédiagnostic chiroptérologique a mis en évidence un enjeu potentiellement fort pour la zone du projet, en raison d'un fort maillage bocager qui conduit à la présence potentielle d'un cortège d'espèces très diversifié, d'une importante activité le long des haies et de l'utilisation potentielle du site d'implantation du projet par des espèces à enjeux forts. Ce prédiagnostic a été confirmé par les inventaires chiroptérologiques de terrain réalisés par le pétitionnaire en 2014 et 2018, qui ont révélé la fréquentation du site d'implantation du projet par quinze des vingt-et-une espèces de chiroptères présentes en Normandie, dont neuf présentent un intérêt patrimonial (la Barbastelle d'Europe, la Pipistrelle de Nathusius et la Noctule de Leisler, classées " quasi-menacées " sur la liste rouge France de l'UICN, le Grand murin, le Murin à oreilles échancrées, la Pipistrelle commune, la Sérotine commune, la Noctule de Leisler et le Petit rhinolophe). Les expertises de terrain et les écoutes en continu ont montré une forte activité chiroptérologique en période de transits printaniers et automnaux, ainsi qu'en période de mise-bas, avec une forte abondance de la Pipistrelle commune, mais aussi de la Barbastelle d'Europe. L'étude d'impact a ensuite défini, s'agissant des espèces détectées, un niveau d'enjeu fort pour la Barbastelle d'Europe le long des linéaires boisés en période de mise-bas, ainsi qu'un enjeu modéré le long des haies et lisières boisées pour le Grand murin, la Pipistrelle commune et la Pipistrelle de Nathusius, et un enjeu faible pour le reste du cortège détecté. D'un point de vue spatial, l'étude d'impact attribue à la zone du projet un enjeu chiroptérologique fort le long des linéaires boisés, un enjeu modéré pour les territoires compris entre 25 et 50 mètres de ces linéaires et un enjeu faible aux cœurs des boisements, aux milieux ouverts et aux espaces de vols en altitude au-delà de 50 mètres dans les milieux ouverts et semi-ouverts. En page 315 de l'étude écologique, l'impact du projet sur les chiroptères lié à la mortalité par barotraumatisme ou collisions avec les éoliennes est qualifié de modéré pour la Pipistrelle commune, en raison d'une activité de l'espèce en hauteur sur le site du projet. Cet impact est ensuite qualifié de faible pour la Noctule commune, la Noctule de Leisler, la Pipistrelle de Kuhl, la Sérotine commune et la Pipistrelle de Nathusius, en raison de leur faible présence dans l'aire d'étude, et enfin de très faible pour les autres espèces recensées, en raison de leur faible présence sur le site ou de leur exposition très faible aux risques de barotraumatisme et de collisions avec les éoliennes en France et en Europe.

25. Au titre des mesures de réduction des impacts du projet, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu a, d'une part, choisi un gabarit d'éolienne offrant une distance d'au moins 50 mètres entre le bas des pales et la cime des haies les plus proches, et, d'autre part, prévu de façon préventive un système d'asservissement (ou bridage) des éoliennes en fonction des périodes favorables à l'activité des chiroptères, c'est-à-dire entre début avril et mi-octobre, depuis l'heure précédent le coucher du soleil jusqu'à une heure après son lever, par vent nul ou faible à hauteur de nacelle (inférieur à 6 mètres par secondes), lorsque la température est supérieure à 8° à hauteur de nacelle et en l'absence de précipitation, cet asservissement devant faire l'objet d'un suivi dès la première année d'exploitation puis d'une adaptation en fonction des résultats de celui-ci. Au regard de ces mesures de réduction, l'étude d'impact qualifie de non significatifs les impacts résiduels du projet sur les chiroptères.

26. En premier lieu, alors même que les recommandations du groupe de travail de l'accord européen dit B..., telles que celle de ne pas implanter d'éoliennes à moins de 200 mètres des lisières boisées, sont dépourvues de valeur réglementaire, le choix qui a été fait par la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu d'implanter ses trois éoliennes à une distance de seulement 64 mètres (E1), 58 mètres (E2) et 49 mètres (E3) entre le haut de la cime de la haie la plus proche et le bout de pale, dans une zone à forts enjeux chiroptérologiques, impliquait de justifier de façon circonstanciée que cette implantation n'entraînerait pas des inconvénients excessifs sur les chiroptères.

27. Or, d'une part, l'étude d'impact se borne à indiquer, en pages 293-294 de son volet écologique, qu'" il a été démontré qu'au-delà de 50 mètres des lisières boisées, l'activité des chauves-souris décroit de manière significative. Autrement dit, nous estimons que le périmètre de 200 mètres, qui est une mesure européenne conservatrice, nous semble peu justifiable et non généralisable à tous les types de projets éoliens en France. Enfin, (...) le risque de collision baisse très sensiblement à partir d'un espacement de 40 mètres entre le bout des pales et le sol (...) ". L'étude d'impact cite une étude de Kelm et al. réalisée en 2014 selon laquelle " la majorité des contacts avec les chiroptères est obtenue à moins de 50 mètres des lisières boisées et des haies. Au-delà de cette distance, le nombre de contacts diminue très rapidement jusqu'à devenir faible à plus de 100 mètres ", ainsi que deux études réalisées en 1998 et 2012 faisant état d'une importante diminution de l'activité chiroptérologique au-delà de 50 mètres des lisières. Le mémoire en réponse à l'avis de l'autorité environnementale comporte deux autres références bibliographiques qui relèvent une activité nettement plus faible en altitude, notamment au-delà de 25 mètres de hauteur, toutes espèces confondues. Néanmoins, la ministre de la transition écologique fait valoir qu'une étude de Heim et al. de 2018, plus récente que celles citées précédemment, conclut que si l'activité des diverses Pipistrelles et Murins diminue fortement à 50 mètres, elle est plus progressive pour les Noctules.

28. D'autre part, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu soutient que ses études de terrain ont démontré que l'activité des chiroptères fréquentant le site du projet est négligeable en altitude à hauteur de 50 mètres. À cet égard, le volet écologique de l'étude d'impact précise en page 230 que la Pipistrelle commune est la seule espèce qui a été détectée en vol à une hauteur de 50 mètres, avec une activité très faible, mais ajoute que " des vols occasionnels de la Noctule commune, de la Noctule de Leisler, de la Pipistrelle de Kuhl, de la Pipistrelle de Nathusius et de la Sérotine commune pourraient avoir lieu à des hauteurs équivalentes au-dessus de l'aire d'étude rapprochée ". Il résulte de l'instruction que, pour évaluer l'activité des chiroptères en altitude, des écoutes ont été réalisées de manière automatisée chaque nuit entre mars et novembre 214 avec un détecteur SM2Bat+ positionné à 6 mètres de hauteur, susceptible de détecter les chiroptères dans un rayon de 10 à 150 mètres. Il résulte cependant de l'instruction, notamment du tableau figurant en page 161 du volet écologique de l'étude d'impact, que la plupart des espèces de chiroptères, dont sept sur huit des espèces d'intérêt patrimonial rappelées au point 24, sont indétectables, eu égard à la faible portée des fréquences qu'elles émettent, à moins de 40 mètres de distance. Dès lors, les écoutes automatisées par ce détecteur positionné à une hauteur de 6 mètres n'ont pu permettre de détecter la présence de chiroptères à une altitude supérieure à 46 mètres, et donc a fortiori dans l'aire de balayage des pales des éoliennes projetées. Les seuls relevés susceptibles de caractériser l'activité des chiroptères à cette hauteur ont été réalisés par un ballon captif équipé d'un microphone détecteur ultrasonique, à une hauteur de 50 mètres, pendant deux nuits du mois de septembre 2014, pour une durée totale de 1 120 heures. Eu égard aux forts enjeux chiroptérologiques caractérisés dès la phase de prédiagnostic et confirmés par les expertises de terrains, ainsi qu'au choix de la société pétitionnaire d'implanter ses éoliennes à une faible distance du linéaire boisé, ces deux nuits d'écoute en altitude s'avèrent insuffisantes pour établir un diagnostic pertinent de la présence des chiroptères en altitude dans la zone d'implantation du projet, et donc du risque de collision et de barotraumatisme associé, tout au long de leur cycle biologique. En outre, ainsi que le fait valoir la commune intervenante et que l'avait relevé la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Normandie lors d'une réunion du 11 septembre 2019, la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu aurait pu utiliser le mât de mesure du vent mis en place de façon continue depuis 2013 sur la zone d'implantation du projet pour évaluer l'activité des chiroptères à hauteur de nacelle.

29. En second lieu, pour les raisons exposées au point précédent, l'efficacité de la mesure de réduction proposée par la pétitionnaire consistant à asservir les éoliennes, c'est-à-dire les arrêter, lors des périodes favorables à l'activité des chiroptères, ne peut être évaluée de façon pertinente. De surcroît, cette mesure prévoit un arrêt des éoliennes lorsque, notamment, la température est supérieure à 8° à hauteur de nacelle, alors que les relevés de terrain ont montré une activité chiroptérologique relativement importante à des températures comprises entre 3 et 8° en période de transits printaniers, ainsi que cela ressort de la figure de la page 200 du volet écologique de l'étude d'impact.

30. Il résulte de ce qui précède que, faute d'une analyse de terrain suffisante pour caractériser l'activité en altitude des chiroptères fréquentant la zone d'implantation du projet, l'impact du projet sur les chiroptères ne peut être évalué avec précision.

31. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision de refus s'il s'était fondé sur les seuls motifs cités aux points 22 et 30 du présent arrêt d'autorisation de nature à le justifier légalement. Dès lors, les moyens tendant à contester les autres motifs de cette décision ne peuvent qu'être écartés.

32. Il résulte de tout ce qui précède que la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande d'autorisation environnementale.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

33. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge.

35. La commune de Saint-Marcouf-du-Rochy est intervenue dans le litige et n'aurait pas eu qualité pour former tierce-opposition contre le présent arrêt si elle n'était pas intervenue. N'ayant pas la qualité de partie, elle n'est pas recevable à demander que soit mise à la charge de la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu une somme au titre des frais liés à l'instance. Pour la même raison, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de cette commune la somme que la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune de Saint-Marcouf-du-Rochy est admise.

Article 2 : La requête de la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Marcouf-du-Rochy présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien d'Elle-et-Rieu, à la commune de Saint-Marcouf-du-Rochy et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. A...La présidente,

C. Buffet

La greffière,

K. Bouron

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT01884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01884
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : BOUTHORS-NEVEU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-21;21nt01884 ?
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