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21/10/2022 | FRANCE | N°21NT00981

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 21 octobre 2022, 21NT00981


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Château Vieuville Entreprise a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 29 juillet 2014 au 30 novembre 2016, mis en recouvrement le 29 décembre 2017.

Par un jugement n° 1901117 du 10 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et des mémoires enregistrés les 9 avril, 9 novembre, 16 décembre 2021 et 12 janvier 2022 et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Château Vieuville Entreprise a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 29 juillet 2014 au 30 novembre 2016, mis en recouvrement le 29 décembre 2017.

Par un jugement n° 1901117 du 10 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 avril, 9 novembre, 16 décembre 2021 et 12 janvier 2022 et un mémoire enregistré le 8 février 2022 qui n'a pas été communiqué, la SARL Château Vieuville Entreprise, représentée par Me Aillerie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'elle avait déclaré son intention de réaliser une activité économique d'hébergement para-hôtelier et de restauration taxable à la taxe sur la valeur ajoutée et ouvrant droit à déduction ;

- elle réalise une activité d'hébergement et de restauration, accompagnée d'au moins trois des quatre services para-hôteliers exigés par la loi, à savoir des prestations de petits déjeuners, de nettoyage régulier des locaux, de fourniture de linge de maison et de réception de la clientèle et dès lors, elle doit être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ;

- elle avait déclaré son intention de réaliser une activité économique d'hébergement para-hôtelier et de restauration taxable à la taxe sur la valeur ajoutée et ouvrant droit à déduction ;

- elle est fondée à se prévaloir des instructions publiées au BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 n° 40 du 12 septembre 2012 et au BOI-TVA-DED-50-20-10 du 6 mai 2015 (paragraphes 90 et 100) et de la réponse ministérielle Martinez publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 27 mars 2012 (n° 119779, page 2586).

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 octobre, 6 décembre 2021 et 7 janvier 2022 et un mémoire enregistré le 31 janvier 2022 qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Château Vieuville Entreprise ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Château Vieuville Entreprise a fait l'objet, en 2017, d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 29 juillet 2014 au 30 novembre 2016 en matière de taxe sur le chiffre d'affaires. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que les opérations réalisées par cette société au cours de la période vérifiée étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 261 D du code général des impôts. Elle a par suite informé la SARL Château Vieuville Entreprise, par une proposition de rectification du 18 mai 2017 et selon la procédure contradictoire, de la remise en cause, en raison de cette exonération, des déductions de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ses dépenses et des remboursements des crédits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait obtenus au titre de la période vérifiée. La SARL Château Vieuville Entreprise a formulé des observations auxquelles l'administration a répondu en confirmant les rectifications. Le supérieur hiérarchique du vérificateur, saisi à la demande de la société, a fait de même le 20 décembre 2017. Après mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant total de 106 890 euros, la SARL Château Vieuville Entreprise a déposé une réclamation, qui a été rejetée implicitement par le service. La société a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 29 juillet 2014 au

30 novembre 2016, mis en recouvrement le 29 décembre 2017, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement du 10 février 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

La SARL Château Vieuville Entreprise fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, pourtant visé par le jugement, tiré de ce que la SARL Château Vieuville avait déclaré son intention de réaliser une activité économique d'hébergement para-hôtelier et de restauration taxable à la taxe sur la valeur ajoutée et ouvrant droit à déduction, alors que ce moyen n'était pas inopérant à l'encontre des impositions en litige. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il est entaché d'un défaut de réponse à un moyen doit être accueilli.

3. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL Château Vieuville devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. L'article 185 de la directive 2006/112/CE prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée déduite lors de l'acquisition d'un bien utilisé pour les besoins des opérations taxées d'un assujetti doit faire l'objet d'une régularisation " lorsque les modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, entre autres en cas d'achats annulés ou en cas de rabais obtenus. ". L'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, qui transpose notamment l'article 185 de la directive 2006/112/CE, prévoit que cette déduction est définitivement acquise, sous réserve des dispositions suivantes : " III.-1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : (...) 4° Lorsqu'il vient en cours d'utilisation à être utilisé à des opérations ouvrant droit à déduction ou, sous réserve du 5°, lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations ouvrant droit à déduction ; / 5° Lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations imposables (...). ".

5. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière de celles de l'article 9 paragraphe 1 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée que le droit à déduction, qui prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le fournisseur, reste acquis, dès lors que l'assujetti s'est acquitté du prix des biens ou services et détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, même lorsque l'activité économique envisagée ne donne pas lieu à des opérations ouvrant droit à déduction ou lorsque l'assujetti n'a pas utilisé les biens ou services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d'une opération taxable, comme il prévoyait de le faire, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et en l'absence de toute intention frauduleuse ou abusive.

6. La société requérante a déposé, le 20 août 2014, une déclaration de création d'une entreprise, faisant mention d'une activité d'hébergement avec services para-hôteliers, avec une option pour la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime normal. Cette déclaration était conforme à l'objet social de la SARL Château Vieuville Entreprise. En outre, il est établi, au vu des factures produites, que la requérante a acquis en 2016 les moyens d'exploitation correspondant à cette activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et ouvrant droit à déduction. La qualité d'assujettie à cette taxe a également été initialement reconnue à la requérante par l'administration, dès lors que la SARL Château Vieuville Entreprise a bénéficié de remboursements de crédit de taxe sur la valeur ajoutée en 2015 et pour la période du 1er janvier au 31 août 2016. D'ailleurs, l'administration avait admis, dans la réponse aux observations du contribuable du 27 juillet 2017, l'existence de l'intention de la SARL d'exercer une activité économique d'hébergement meublé avec services. Enfin l'intention frauduleuse ou abusive de la SARL Château Vieuville Entreprise n'est ni établie ni même alléguée par l'administration pour la période allant jusqu'au 31 août 2016.

7. S'agissant de la période d'imposition du 1er septembre 2016 au 30 novembre 2016, si les demandes de remboursements de crédit de taxe sur la valeur ajoutée ont été rejetées par l'administration, il résulte de l'instruction, et en particulier des factures d'achat de matériel et des deux factures portants sur des séjours touristiques en 2016 que la SARL a confirmé par des éléments suffisamment probants son intention de commencer à exercer des activités économiques taxables, et la circonstance alléguée par l'administration selon laquelle les périodes de location étaient pour cette période ponctuelles est à cet égard sans influence. Par conséquent, la société requérante est fondée à soutenir que l'administration ne pouvait remettre en cause son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que la société requérante est fondée à demander la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du

29 juillet 2014 au 30 novembre 2016.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de la SARL Château Vieuville Entreprise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901117 du 10 février 2021 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La SARL Château Vieuville Entreprise est déchargée en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 29 juillet 2014 au 30 novembre 2016.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Château Vieuville Entreprise la somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Château Vieuville Entreprise et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2022.

La rapporteure

P. A...La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT00981

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00981
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL AVOXA RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-21;21nt00981 ?
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