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21/10/2022 | FRANCE | N°21NT00384

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 21 octobre 2022, 21NT00384


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile financière MA a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1804127 du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes l'a déchargée des majorations contestées.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire e

nregistrés les 10 février 2021 et 22 septembre 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la rela...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile financière MA a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1804127 du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes l'a déchargée des majorations contestées.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 février 2021 et 22 septembre 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la société civile financière MA la somme de 4 651 euros au titre des majorations pour manquement délibéré se rapportant aux rectifications des années 2013 et 2014 ;

3°) de restituer la somme de 1 500 euros qui a été mise à sa charge au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la lettre d'information du 3 octobre 2017 permettait à la société de comprendre le montant des majorations pour manquement délibéré appliquées aux rappels d'impôt sur les sociétés concernant les exercices clos en 2013 et 2014 ;

- subsidiairement, la majoration appliquée était justifiée ; la SAS Miroiteries d'Armor a en effet acquis entre 2009 et 2015 quatre véhicules de transport de passagers et non utilitaires, successivement, un véhicule de marque Volkswagen et de modèle Touareg, un véhicule de marque Porsche et de modèle Cayenne, un véhicule de marque Audi et de modèle Q5 et une Ferrari ; elle a comptabilisé des amortissements linéaires sur quatre ans sans limitation ; ces véhicules ont eu à l'origine une carte grise " VP " (" véhicules particulier ") donc destinés au transport de passagers ou de personnes ; la société ne pouvait pas ainsi ignorer qu'elle était soumise à la taxe sur les véhicules des sociétés en application de l'article 1010 du code général des impôts ;

- ces véhicules ont fait l'objet après leur acquisition de transformations, au demeurant réversibles, par enlèvement de la banquette arrière, la pose d'un plancher plat et une dissimulation des ceintures de sécurité dans des caches prévues à cet effet ; ainsi, la société ne pouvait pas ignorer que ces véhicules n'étaient pas utilitaires et que les amortissements prévus au 4 de l'article 39 du code général des impôts étaient limités.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 avril 2021 et 30 septembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société civile financière MA, représentée par

Me Poirrier-Jouan, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Poirrier-Jouan, représentant la société civile financière MA.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Miroiteries d'Armor, filiale de la société civile financière MA et membre d'un groupe fiscalement intégré pour l'ensemble duquel cette dernière s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 25 juillet 2016, l'administration a procédé, notamment, à des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés à raison, pour certains véhicules acquis par la société filiale, d'une réduction des amortissements pratiqués et du profit sur le Trésor résultant du rejet des déductions de taxe sur la valeur ajoutée se rapportant à ces véhicules. Par un courrier du 3 octobre 2017, l'administration fiscale a porté à la connaissance de la société civile financière MA les conséquences financières des rehaussements ainsi pratiqués. La réclamation de cette société du 9 février 2018, qui portait sur la majoration pour manquement délibéré dont étaient assorties les impositions supplémentaires, a été rejetée le 3 juillet 2018. Par un jugement du

18 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a déchargé la société civile financière MA de ces majorations au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et mis à la charge de l'Etat le versement à cette société de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève ainsi appel des articles 1er et 3 du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré :

2. Aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés (...) membres du groupe. / (...) / Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe. / (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, issu de l'article premier du décret n° 2015-964 du 31 juillet 2015 et applicable depuis le 6 août 2015 : " (...) Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts (...) la société mère d'un groupe (...) est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une ou de plusieurs sociétés du groupe, l'administration adresse à la société mère (...), préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document. (...) ".

3. Il résulte de l'article 223 A du code général des impôts qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de rectification, dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Les rectifications ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom sur les rehaussements de ce résultat d'ensemble. L'information qui doit être donnée à la société mère avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de rectification qui ont été menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de rectification concernés. Elle doit toutefois comporter, en ce qui concerne les pénalités, l'indication de leur montant, comme le prévoit l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, et des modalités de détermination mises en œuvre par l'administration, lesquelles constituent une garantie permettant à la société mère de contester utilement les sommes mises à sa charge.

4. En l'espèce, l'administration, à qui il incombait de porter à la connaissance de la société mère requérante, en ce qui concerne les pénalités contestées, l'indication de leur montant et des modalités de détermination mises en œuvre par elle, a informé celle-ci, par une lettre du 3 octobre 2017, des conséquences financières de la vérification de comptabilité de sa filiale, la SAS Miroiteries d'Armor, portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015. Si cette lettre faisait référence à la proposition de rectification du 25 juillet 2016 et mentionnait le montant global par année des pénalités pour manquement délibéré appliquées, elle ne précisait cependant pas, pour chaque majoration, les éléments chiffrés et détaillés permettant de connaître le montant des droits auxquels avait été appliqué le taux de 40% et les modalités de calcul appliquées, seules de nature à rendre intelligibles les montants contestés. Dès lors, le ministre, qui n'a produit que devant la cour le tableau comportant les modalités de détermination des pénalités requises, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a, pour le motif énoncé ci-dessus, prononcé la décharge de ces pénalités.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

En ce qui concerne les frais de première instance :

5. L'expédition du jugement attaquée notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative et permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en exécution de ce jugement. Ainsi il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de faire droit à la demande du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à ce que soit ordonnée la restitution de la somme qui a été mise à sa charge par les premiers juges.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société financière MA d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société financière MA la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile financière MA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2022.

Le rapporteur

J.E. A...La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00384
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-21;21nt00384 ?
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