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21/10/2022 | FRANCE | N°19NT01477

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 21 octobre 2022, 19NT01477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Malpaire a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler :

1°) l'arrêté du 7 juillet 2016 par lequel la préfète de la Sarthe a refusé de lui accorder une autorisation dérogatoire de destruction d'espèces animales protégées et de destruction de sites de reproduction et d'aires de repos d'espèces animales protégées, dans le cadre de travaux liés à l'exploitation d'un site d'extraction de sable et d'argile dans la forêt de Malpaire à Précigné (Sarthe), ainsi que la déci

sion du 30 septembre 2016 rejetant son recours gracieux ;

2°) l'arrêté du 7 juillet 2016 p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Malpaire a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler :

1°) l'arrêté du 7 juillet 2016 par lequel la préfète de la Sarthe a refusé de lui accorder une autorisation dérogatoire de destruction d'espèces animales protégées et de destruction de sites de reproduction et d'aires de repos d'espèces animales protégées, dans le cadre de travaux liés à l'exploitation d'un site d'extraction de sable et d'argile dans la forêt de Malpaire à Précigné (Sarthe), ainsi que la décision du 30 septembre 2016 rejetant son recours gracieux ;

2°) l'arrêté du 7 juillet 2016 par lequel la préfète de la Sarthe a refusé de lui accorder une autorisation de défrichement, dans le cadre de l'ouverture et de l'exploitation d'une carrière de sable et d'argile sur le site de la forêt de Malpaire à Précigné, ainsi que la décision du 30 septembre 2016 rejetant son recours gracieux ;

3°) l'arrêté du 19 septembre 2017 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une carrière de sable et d'argile et s'est opposé à sa déclaration relative à la mise en service d'une installation de traitement des matériaux sur le territoire de la commune de Précigné au lieu-dit Malpaire.

Par un jugement n°s 1610838, 1705996, 1710232 du 8 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 7 juillet 2016 par lequel la préfète de la Sarthe a refusé d'accorder à la société Malpaire une autorisation de défrichement et a rejeté le surplus des conclusions de la société Malpaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 15 avril 2019, 3 mars et 17 juillet 2020, la société Malpaire, représentée par Me Jacq-Moreau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2016 de la préfete de la Sarthe refusant de lui accorder une autorisation dérogatoire de destruction d'espèces animales protégées et de destruction de sites de reproduction et d'aires de repos d'espèces animales protégées ainsi que la décision du 30 septembre 2016 rejetant son recours gracieux, et tendant, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2017 du préfet de la Sarthe refusant de lui accorder une autorisation d'exploiter une carrière de sable et d'argile et s'opposant à sa déclaration relative à la mise en service d'une installation de traitement des matériaux sur le territoire de la commune de Précigné au lieu-dit Malpaire ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux des 7 juillet 2016 et 19 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Sarthe de lui accorder les autorisations sollicitées ou, à titre subsidiaire, de réexaminer ses demandes d'autorisation dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne l'arrêté du 7 juillet 2016 en tant qu'il refuse de lui accorder une autorisation, à titre dérogatoire, de destruction d'espèces animales protégées : cet arrêté est insuffisamment motivé, en méconnaissance des articles L. 211-1 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; il méconnaît l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

- en ce qui concerne l'arrêté du 19 septembre 2017 refusant de lui accorder une autorisation d'exploitation de la carrière et s'opposant à la déclaration de mise en service des installations connexes : cet arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute, pour la société pétitionnaire, de disposer d'un temps suffisant après la communication de l'avis du conseil national de protection de la nature pour préparer la réunion de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ; la préfète de la Sarthe n'a pas pris en compte l'avis de l'autorité environnementale émis le 17 février 2016 ; cet arrêté méconnaît l'ancien article L. 512-1 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que le moyen tiré du défaut de communication en temps utile de l'avis du Conseil national de protection de la nature est inopérant et qu'aucun des autres moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Chertier représentant la société Malpaire.

Une note en délibéré présentée pour la société Malpaire a été enregistrée le 10 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 septembre 2014, la société Malpaire a déposé une demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement en vue d'exploiter, pendant une durée de vingt-cinq ans, une carrière d'extraction de sable et d'argile au lieu-dit Malpaire sur le territoire de la commune de Précigné (Sarthe), et d'y mettre en service une installation de broyage, de concassage et de criblage. Le 8 juillet 2015, elle a présenté, pour la réalisation de ce projet, une demande d'autorisation de défrichement portant sur 51,11 hectares. Le 7 mars 2016, elle a déposé une demande d'autorisation, à titre dérogatoire, de destruction et de perturbation d'espèces animales protégées et de leurs habitats. Par deux arrêtés du 7 juillet 2016, la préfète de la Sarthe a refusé de délivrer à la société Malpaire l'autorisation de défrichement et l'autorisation de destruction et de perturbation d'espèces animales protégées et de leurs habitats. Par un arrêté du 19 septembre 2017, le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploitation de la carrière sollicitée au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et s'est opposé à sa déclaration relative à la mise en service des installations connexes. Par un jugement du 8 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2016 refusant d'accorder à la société Malpaire une autorisation de défrichement et a, d'autre part, rejeté les demandes de la société tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2016 refusant de lui accorder une autorisation de destruction et de perturbation d'espèces animales protégées et de leurs habitats et de l'arrêté préfectoral du 19 septembre 2017 refusant de lui accorder une autorisation d'exploitation une carrière et s'opposant à sa déclaration relative à la mise en service des installations connexes. La société Malpaire relève appel de ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux derniers arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté du 7 juillet 2016 refusant d'accorder une autorisation de destruction et de perturbation d'espaces animales protégées et de leurs habitats :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose également que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. L'arrêté contesté du 7 juillet 2016 vise les textes dont il fait application, et notamment les articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement, ainsi que les avis recueillis dans le cadre de l'instruction de la demande présentée par la société Malpaire. Il indique également que la société pétitionnaire ne démontre pas l'absence d'autre solution satisfaisante à la réalisation de son projet, ni ne propose de mesures d'évitement, et, enfin, que le dossier de demande ne permet pas d'apprécier l'impact qu'aura la réalisation du projet sur le massif forestier de Malpaire. Il en conclut qu'en dépit de l'intérêt public qui s'attache à la production de matériaux de carrière, l'intérêt public majeur du projet n'est pas établi et que, par conséquent, ce projet ne relève d'aucun des cinq cas prévus à l'article L. 411-2 du code de l'environnement pour l'octroi d'une dérogation au régime de protection des espèces protégées. Une telle motivation comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de l'arrêté contesté. Elle satisfait ainsi à l'exigence de motivation résultant de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En second lieu, l'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...). ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...). ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

6. Il résulte du point précédent que l'intérêt de nature à justifier, au sens du c) du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, la réalisation d'un projet doit être d'une importance telle qu'il puisse être mis en balance avec l'objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage poursuivi par la législation, justifiant ainsi qu'il y soit dérogé. Ce n'est qu'en présence d'un tel intérêt que les atteintes portées par le projet en cause aux espèces protégées sont prises en considération, en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, afin de vérifier s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et si la dérogation demandée ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

7. Si la société Malpaire soutient que son projet d'ouverture et d'exploitation de carrière serait susceptible d'assurer un approvisionnement de qualité, et en continu, d'entreprises locales implantées à proximité et spécialisées dans la fabrication de produits en terre cuite, ni les courriers des trois chefs d'entreprise dont elle se prévaut qui font seulement état de leur intérêt pour le projet en cause, ni les autres pièces du dossier, ne suffisent à établir qu'il n'existerait pas d'autres gisements d'argile et de sable, de nature et de qualité comparables et en quantité suffisante, pour répondre aux besoins en matières premières de ces entreprises locales, dont l'une dispose d'ailleurs de sa propre carrière, dans les prochaines années, ni que l'existence ou le développement de ces entreprises serait directement menacé, à court ou moyen terme, par l'absence d'exploitation des gisements qu'elle a identifiés dans la forêt de Malpaire. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que le projet de la société Malpaire n'entraînera lui-même la création directe que de deux emplois à temps plein, tandis que sa contribution à l'activité de la filière " bois " sera limitée, voire négative à long terme, les peuplements forestiers à défricher sur le site n'étant pas encore arrivés à maturité. Dans ces conditions, et en dépit de ce que le gisement d'argile identifié serait de " très grande qualité " et de ce que l'exploitation du gisement de sable permettrait de préserver la ressource alluvionnaire, le projet de la société Malpaire ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du c) du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Dès lors, la préfète de la Sarthe n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant d'accorder, pour ce motif, à la société Malpaire une autorisation, à titre dérogatoire, de destruction et de perturbation d'espèces animales protégées et de leurs habitats. Il résulte de l'instruction que la préfète de la Sarthe aurait pris la même décision de refus en se fondant sur ce seul motif, lequel suffisait à la justifier légalement. Par suite, les moyens soulevés par la société Malpaire, et tirés de l'illégalité des autres motifs de l'arrêté contesté, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Malpaire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2016.

En ce qui concerne l'arrêté du 19 septembre 2017 refusant d'accorder une autorisation d'exploitation de carrière et de mise en service des installations connexes :

9. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de droit et de fait applicables à la date de l'autorisation.

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 181-3 du même code, créé par la même ordonnance, et dont les dispositions ont été rendues applicables aux autorisations d'exploiter délivrées avant son entrée en vigueur par l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. / II. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) 4° Le respect des conditions, fixées au 4° de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; / (...) ".

11. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation d'exploiter délivrée en application de l'article L. 512-1 du code de l'environnement des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour ces intérêts.

12. En premier lieu, les moyens tirés respectivement de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et de l'absence de prise en compte par le préfet de la Sarthe de l'avis de l'autorité environnementale, que la société Malpaire renouvelle en appel sans apporter de précision supplémentaire, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

13. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de l'inventaire de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique continentale de type 1 du " sud de la forêt de Malpaire ", que le projet de la société Malpaire s'inscrit dans un site sensible sur le plan environnemental, qui se caractérise par un boisement biologiquement riche et diversifié, comprenant des chênaies acidiphiles, une fruticée ainsi qu'un réseau de mares forestières propices aux amphibiens, dont le Triton marbré (Triturus marmoratus) et la Rainette arboricole (Hyla arborea), espèces animales protégées, et que la diversité des habitats qui s'y trouvent en fait une zone riche en espèces Chiroptères et d'oiseaux, dont le Pic mar (Dendrocopos medius) et le Pouillot de Bonelli (Phylloscopus bonelli). Il résulte également de l'instruction que la réalisation de ce projet affectera, de manière significative, sur une superficie de 63 hectares, la fonctionnalité écologique de ce massif forestier et qu'elle entraînera, en particulier, la destruction de plusieurs spécimens d'espèces animales protégées et la dégradation ou l'altération de leurs habitats, sans que ce projet ne réponde d'ailleurs, comme il a été dit au point 7, à une raison impérieuse d'intérêt public majeur. Dans ces conditions, la préfète de la Sarthe ne pouvait pas légalement délivrer l'autorisation d'exploitation sollicitée, même en l'assortissant de prescriptions complémentaires aux engagements pris par la société pétitionnaire, de telles prescriptions étant, en tout état de cause, insuffisantes à elles seules pour garantir l'objectif de protection de la nature mentionné à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, en raison des atteintes non évitables portées à de nombreux spécimens d'espèces protégées qui résulteraient de la réalisation de ce projet.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Malpaire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées par la société Malpaire au titre des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Malpaire la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Malpaire est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Malpaire et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Le Brun, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2022.

Le rapporteur,

Y. A...

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01477
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Yann LE BRUN
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SJM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-21;19nt01477 ?
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