Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2017 par lequel le maire de la commune de La Forest-Landerneau a délivré à l'élevage des Lutins de Cornouaille un permis de construire pour une construction à destination agricole et d'habitat.
Par un jugement n° 1705497 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé ce permis de construire.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 mars 2021 et 4 janvier 2022, la commune de La Forest-Landerneau, représentée par Me Gourvennec et Me Voisin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... B... devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de M. C... B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance de M. B... était irrecevable en l'absence d'intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- subsidiairement, c'est à tort que les premiers juges ont annulé le permis de construire :
. les dispositions des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme ont été respectées ; le fait que le pétitionnaire loue une partie de sa propriété proche où il réside est sans incidence sur la légalité de la décision ; en tout état de cause ce lieu est insuffisant pour accueillir son projet ;
. les dispositions de l'article 153-2 du règlement sanitaire départemental ont été respectées ; son élevage de yorkshire n'entre pas dans le champ de ces dispositions qui ne visent pas les élevages canins ; subsidiairement, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer à un élevage de dix chiens ; il n'entend pas développer une activité d'élevage de chevaux ;
. les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne sont pas méconnues ; le projet est en continuité immédiate de l'agglomération de La Forest-Landerneau ;
- la cour étant saisie par l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens présentés par M. B... seront écartés pour les motifs développés devant le tribunal.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 décembre 2021 et 20 janvier 2022, M. C... B..., représenté par Me Saout, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la commune de La Forest-Landerneau une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la commune de La Forest-Landerneau ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Voisin, représentant la commune de La Forest-Landerneau, et de Me Nadan substituant Me Saout, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. L'élevage des Lutins de Cornouaille a présenté, le 20 septembre 2017, une demande de permis de construire pour la réalisation au lieu-dit " La Grande Palud " à La Forest-Landerneau (Finistère) d'une construction destinée à abriter une carrière et des boxes pour chevaux en rez-de-chaussée, ainsi qu'un logement à l'étage, abritant également une nurserie canine, l'ensemble présentant une surface de plancher de 464 m², dont 229 m² destinés à l'habitation et 235 m² à l'exploitation agricole. Par un arrêté du 6 octobre 2017, le maire de la commune de La Forest-Landerneau a délivré le permis de construire sollicité. Par un jugement du 15 janvier 2021, dont la commune de La Forest-Landerneau relève appel, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 6 octobre 2017 délivrant le permis de construire contesté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
4. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté autorise l'édification d'une vaste construction, se présentant pour l'essentiel comme un hangar largement ouvert abritant une carrière équestre, d'une surface de plancher de 464 m², d'une longueur de 71,80 mètres et d'une hauteur de près de 10 mètres, édifiée à environ 40 mètres de la propriété sur laquelle M. B... exploite un centre hippique. Cette construction massive, en surplomb, limitrophe de la propriété de M. B..., se substitue à un espace naturel, classé au moins partiellement en zone Natura 2000, et sera visible depuis l'entrée du club hippique de M. B... et depuis son manège, alors même que la construction de M. B... est aveugle en direction du projet en litige. Cette situation est de nature à affecter directement les conditions de jouissance de sa propriété par M. B.... Par suite, la commune de La Forest-Landerneau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont reconnu un intérêt donnant qualité à agir à M. B... contre l'arrêté du 6 octobre 2017 en litige.
En ce qui concerne le motif d'annulation tiré de la méconnaissance des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme :
6. Aux termes de l'article A 1 du règlement du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de La Forest-Landerneau : " (...) Sont interdites : les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article A2 et notamment : / (...) 2. Les habitations non nécessaires et non directement liées aux besoins des exploitations agricoles (...) ". Aux termes de l'article A2 de ce règlement : " A. Ne sont admises dans cette zone, que les occupations et utilisations du sol ci-après : / 1. Les constructions et installations nouvelles ou les extensions, adaptations et réfections de bâtiments existants liés et nécessaires aux activités agricoles (serres, silos, locaux de transformation et de conditionnement de produits venant de l'exploitation, bâtiments complémentaires et nécessaires à l'activité agricole et à l'élevage, hangars, garages, abris exclusivement réservés aux logements des animaux ...). / (...) 3. La construction à usage d'habitation dès lors qu'elle est destinée au logement des personnes dont la présence permanente est nécessaire compte tenu de la nature et de l'importance ou de l'organisation de l'exploitation agricole et qu'elle est implantée en continuité du siège d'exploitation concerné. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier du permis de construire que le logement prévu au sein de la construction autorisée, également à usage d'abri et de dressage pour chevaux, est justifié par le fait que le pétitionnaire entend y poursuivre son activité de reproduction de chiens de race yorkshire terrier, qui nécessiterait la présence à tout moment de leur éleveur lors de la mise bas et les jours suivant. Toutefois d'une part, cette activité est réduite dès lors que le pétitionnaire fait état de la présence de cinq chiennes femelles et de deux males et ne prévoit à ce titre, au sein du logement projeté, que la réalisation d'une pièce, aux dimensions modestes, destinée à servir de nurserie. D'autre part, il est constant que le pétitionnaire est également propriétaire d'une vaste maison située à moins de 50 mètres de son projet de construction, où il occupe un logement de 72 m² dans lequel il élevait déjà ses chiens, et dont les quatre autres logements sont loués à des tiers. En conséquence, la construction d'un nouveau logement, si elle peut faciliter le confort de vie du pétitionnaire, ne s'avère pas indispensable à la poursuite de son activité d'éleveur canin, dès lors que celle-ci se poursuivrait avec la nouvelle construction dans des conditions similaires, au sein d'une unique pièce de faibles dimensions, dédiée à la nursery des chiens, sans nouvel aménagement. De plus, il résulte d'un choix personnel de l'intéressé, même s'il peut s'expliquer par des considérations financières, que tout ou partie des locaux existants au sein de la maison dont il est propriétaire soient loués et non pas dédiés à son activité d'élevage de chiens. Enfin, la commune ne peut sérieusement faire valoir qu'en occupant la totalité de la maison qu'il habite et qu'il loue partiellement l'intéressé ne pourrait " accueillir une carrière, une écurie et un chenil ", alors que le premier motif d'annulation de l'arrêté contesté par le jugement attaqué ne porte, au regard des dispositions citées au point précédent, que sur la réalisation d'un logement en lien avec une activité d'élevage canin. Au demeurant alors que la commune soutient par ailleurs que l'intéressé ne souhaite pas abriter un élevage de chevaux mais des activités de dressage et d'entrainement équestres, le pétitionnaire n'a jamais soutenu que ses activités équestres nécessitaient la réalisation d'un nouveau logement. Dans ces conditions, l'arrêté contesté est intervenu en violation des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de La Forest-Landerneau qui interdisent la création de logements non nécessaires aux besoins des exploitations agricoles.
En ce qui concerne le motif d'annulation tiré de la méconnaissance de l'article 153-2 du règlement sanitaire départemental :
8. Aux termes de l'article 153-2 " Règles d'implantation des bâtiments d'élevage ou d'engraissement " du règlement sanitaire départemental du Finistère : " Sans préjudice des dispositions réglementaires applicables par ailleurs, les bâtiments d'élevage ou d'engraissement ne doivent pas être implantés : / - à moins de 50 m de tout immeuble habité par des tiers et de tout local à usage professionnel, autre que ceux liés à l'agriculture. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire développe une activité d'élevage de yorkshires terriers, ainsi qu'il l'explique dans un courrier de " présentation du projet " annexé à sa demande de permis de construire, où il fait état de la présence de cinq femelles et de deux étalons, et d'une " production annuelle (...) aléatoire [qui] varie de 4 à 20 chiots " qui sont ensuite vendus. Par suite, nonobstant la modestie de cet élevage, et eu égard à la rédaction du règlement sanitaire départemental du Finistère, qui ne fixe pas de seuil pour l'application des règles prévues à son article 153-2 pour les élevages canins, ces dispositions trouvent à s'appliquer en l'espèce. Par ailleurs, si au titre de son activité équestre le pétitionnaire entend développer pour l'essentiel dans la nouvelle construction une activité de dressage et d'entrainement de chevaux, il résulte néanmoins du même courrier annexé à sa demande de permis de construire qu'il y envisage également la reproduction de chevaux. La notice paysagère du dossier présente le projet comme la " création d'un hangar agricole d'élevage " et indique que les juments accueillies sont destinées au sport et au poulinage. Dans ces conditions, les dispositions de l'article 153-2 du règlement sanitaire départemental trouvent à s'appliquer au regard de la totalité de la construction autorisée par le permis en litige. Or il est constant que cette construction se trouve à moins de 50 mètres de la maison préexistante du pétitionnaire, laquelle est habitée puisque y sont loués quatre appartements. Dans ces conditions, l'autorisation contestée est intervenue en violation des dispositions précitées de l'article 153-2 du règlement sanitaire départemental du Finistère.
En ce qui concerne le motif d'annulation tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme :
10. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
11. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet appartient à une zone limitée sur ses parties nord et ouest par un espace naturel boisé, lequel se poursuit à l'est, de l'autre côté de la route départementale qui longe ce même compartiment de terrain. Au sud elle est limitée par une voie ferrée que la route départementale franchit par un tunnel. Au sein de cette zone, outre la maison du pétitionnaire et le club hippique de M. B..., seules quelques maisons d'habitation sont implantées de manière diffuse. Dans ces conditions le projet de construction en litige ne se situe pas en continuité d'une agglomération existante, si bien qu'en délivrant le permis de construire en litige le maire de la commune de La Forest-Landerneau a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Forest-Landerneau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 6 octobre 2017 par lequel le maire de La Forest-Landerneau a délivré à l'élevage des lutins de Cornouaille un permis de construire.
Sur les frais d'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la commune de La Forest-Landerneau. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B....
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de La Forest-Landerneau est rejetée.
Article 2 : La commune de La Forest-Landerneau versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Forest-Landerneau, à M. C... B... et à l'élevage des lutins de Cornouaille.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00706