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14/10/2022 | FRANCE | N°19NT02925

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 14 octobre 2022, 19NT02925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt n° 19NT02925 du 5 novembre 2021, la cour saisie par les ayants droits d'... d'une requête tendant à la réformation du jugement n° 1804091 du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Chartres à leur verser la somme provisionnelle de 2 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis consécutivement à sa prise en charge en décembre 2015 et février 2016 par cet établissement de santé, a ordonné une expertise médicale afin d'éva

luer ces préjudices.

Par une ordonnance du 16 novembre 2021, le président de la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt n° 19NT02925 du 5 novembre 2021, la cour saisie par les ayants droits d'... d'une requête tendant à la réformation du jugement n° 1804091 du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Chartres à leur verser la somme provisionnelle de 2 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis consécutivement à sa prise en charge en décembre 2015 et février 2016 par cet établissement de santé, a ordonné une expertise médicale afin d'évaluer ces préjudices.

Par une ordonnance du 16 novembre 2021, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a désigné un médecin spécialisé en chirurgie digestive coelioscopique en qualité d'expert.

Le rapport d'expertise a été enregistré le 27 février 2022.

Par une ordonnance du 2 mars 2022, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 1 700,02 euros.

Par un mémoire enregistré le 17 mai 2022, Mme C..., née ..., représentée par Me Gheron, conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures et précise qu'... a été victime d'un double dommage (présence d'un corps étranger et perforation du côlon) dont les préjudices qui y sont liés doivent être réparés ; qu'il y a lieu de tenir compte des appréciations portées par le Dr F....

Par un mémoire enregistré le 1er juin 2022, le centre hospitalier de Chartres, représenté par Me Limonta, conclut :

- à titre principal : au rejet de la requête de Mme C... et à ce que soit mis à la charge de cette dernière le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, à la limitation du montant de l'indemnisation de Mme C... à la somme de 13 165,76 euros et au rejet de ses conclusions présentées au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable faute d'avoir chiffré la demande indemnitaire ;

- à titre subsidiaire, seuls les préjudices en lien avec la perforation colique peuvent être indemnisés ; ceux en lien avec la migration de la sonde à ballonnet l'ayant été par le tribunal ;

- les sommes allouées ne sauraient excéder :

. pour le déficit fonctionnel temporaire la somme de 572 euros ;

. pour les souffrances endurées, celle de 3 000 euros ;

. pour le préjudice esthétique temporaire celle de 1 000 euros ,

. pour le déficit fonctionnel permanent celle de 7 152,71 euros ,

. pour le préjudice esthétique permanent celle de 394,10 euros ,

. pour le préjudice sexuel celle de 2 000 euros,

. pour le besoin d'assistance par tierce personne celle de 258,75 euros ,

. aucune somme ne saurait être allouée au titre du préjudice d'agrément, des dépenses de santé actuelles et futures, des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle, des frais de logement et de véhicule adapté et d'assistance par tierce personne ;

- la demande de versement d'une somme au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée ou réduite à de plus justes proportions.

La clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2022, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire a été présenté le 23 septembre 2022 par la Mutualité Sociale Agricole après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Chermette, représentant le centre hospitalier de Chartres.

Considérant ce qui suit :

1. ..., né le 1er mars 1938, a été opéré le 15 octobre 2015 au centre hospitalier de Chartres d'une péritonite généralisée. Le 19 novembre 2015, il a été transféré à l'hôpital Forcilles, où une sonde à ballonnet lui a été posée pour permettre une alimentation entérale. Les suites ont été marquées par des épisodes de vomissements qui ont justifié, le

11 décembre 2015, une nouvelle hospitalisation au centre hospitalier de Chartres afin que soit réalisée une exploration digestive. Le 25 décembre 2015, un scanner a révélé que la sonde posée à l'hôpital de Forcilles avait migré dans le côlon gauche. Sur sa demande, ... a été transféré à la Nouvelle clinique Saint-François où a été réalisée une coloscopie qui a permis de constater la présence d'une sténose du côlon. ... est rentré chez lui le 30 décembre 2015 mais a dû être admis une nouvelle fois en urgence à la Nouvelle clinique Saint-François le 31 janvier 2016 en raison de l'altération de son état général. Une nouvelle coloscopie a été réalisée le 4 février 2016 afin de retirer la sonde à ballonnet, opération qui a échoué en raison de la sténose. Les suites ont été marquées par de fortes douleurs abdominales. ... a été transféré au centre hospitalier de Chartres le 8 février 2016 et a été immédiatement opéré d'une péritonite stercorale provoquée par une perforation colique. La sonde a été retirée à cette occasion. ... est rentré à son domicile le 8 juin 2016.

2. Le 4 mars 2016, ... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) de la région Centre-Val de Loire, qui a diligenté une expertise confiée à un chirurgien viscéral, lequel a rendu son rapport le 21 novembre 2016. La victime a adressé, le 1er octobre 2018, une réclamation indemnitaire au centre hospitalier de Chartres, qui l'a rejetée par une décision du 5 octobre 2018. ... a alors saisi le tribunal administratif d'Orléans d'un recours tendant à ce que le centre hospitalier de Chartres soit condamné à lui verser une indemnité de 50 000 euros et à ce que soit ordonnée une expertise pour évaluer ses préjudices en lien avec la perforation colique qu'il a subie. Le tribunal, après avoir retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Chartres pour défaut de surveillance de la sonde, a indemnisé le déficit fonctionnel temporaire et les souffrances endurées par l'intéressé entre le 15 décembre 2015 et le 8 février 2016, en lui allouant la somme de 2 000 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions. ... qui a relevé appel de ce jugement est décédé le 4 avril 2020. Par un arrêt du 18 décembre 2020, la cour a constaté qu'il n'y avait pas lieu, en l'état, de statuer sur la requête qu'il avait présentée. Mme C..., née A..., sa veuve, a, le

8 juin 2021, déclaré reprendre l'instance engagée par son défunt époux en sa qualité

d'ayant-droit.

3. Par un arrêt du 5 novembre 2021, la cour, après avoir retenu la faute commise par le centre hospitalier de Chartres à l'origine d'une perte de chance pour ... de se soustraire aux complications qu'il a présentées, a, avant de statuer sur l'évaluation des préjudices subis par ce dernier, ordonné une nouvelle expertise dont le rapport a été enregistré au greffe de la cour le 27 février 2022.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Chartres :

4. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant, le cas échéant, des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. Elle est également recevable à demander, dans les mêmes conditions, la réparation d'un chef de préjudice survenu en cours d'instance.

5. Les conclusions de première instance ... tendaient à l'indemnisation des préjudices résultant des conditions dans lesquelles il a été pris en charge par le centre hospitalier de Chartres par le versement d'une somme de 50 000 euros. Ainsi, alors même que le requérant s'était réservé le droit de préciser l'étendue de sa demande postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, la demande indemnitaire de Mme C..., fondée sur la faute commise par le centre hospitalier, qui a été chiffrée en première instance, est recevable dans la limite du montant de l'indemnité ainsi chiffrée.

6. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Chartres ne peut qu'être écartée.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du Dr B... qu'... a subi du fait de la migration de la sonde à ballonnet un déficit fonctionnel temporaire au cours de la période du 15 décembre 2015 et le 8 février 2016 ainsi que des souffrances qui ont été évaluées par le tribunal, dans son jugement du 23 mai 2019, à la somme de 2 000 euros qu'il convient en l'espèce de confirmer. L'intéressé a également supporté un déficit fonctionnel temporaire total du 8 février au 25 mars 2016 en raison de son hospitalisation des suites de la perforation colique et de la péritonite dont il a été victime, puis un déficit temporaire partiel du 26 mars au 13 mai 2016 et du 8 au 26 juin 2016. Cette expertise précise également que le déficit en lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier peut être évalué à 50 % au cours des 5 premières semaines de déficit fonctionnel temporaire partiel puis de 25 % au cours de la période suivante dont la moitié est imputable à la colostomie à l'origine de la péritonite dont l'intéressé a été victime. Il en sera fait en l'espèce une équitable évaluation en la fixant à la somme de 1 100 euros.

8. ... a également supporté à raison des douleurs provoquées par la péritonite stercorale, de l'intervention en urgence du 8 février 2016 et du vécu douloureux de la colostomie, des souffrances quantifiées par l'expert à 4/7. Il y a lieu d'évaluer à 8 000 euros ce chef de préjudice.

9. Le préjudice esthétique temporaire subi par la victime à raison des conséquences visibles liées à la colostomie et à la jéjunostomie a été évalué par l'expert judiciaire à 2/7. Ce préjudice pourra être réparé par le versement de la somme de 2 000 euros.

10. Il ressort également de l'expertise qu'... a eu besoin, à l'occasion notamment des soins qui lui ont été dispensés, de l'assistance d'une tierce personne à hauteur d'un quart d'heure par jour du 26 mars au 13 mai 2016 puis du 15 juin au 18 novembre 2016 qui a pu lui être apportée par son fils. Compte tenu du salaire moyen de référence observé au cours de cette période, augmenté des cotisations sociales dues par l'employeur et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés (soit un coefficient de 1,128), ce préjudice s'élève à la somme de 800 euros.

11. Ainsi les préjudices temporaires subis par ... doivent être évalués à la somme totale de 13 900 euros.

12. Enfin, la requérante ne se prévalant pas de préjudices autres que ceux mentionnés ci-dessus, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Chartres la somme de 13 900 euros en réparation des préjudices subis par ... de laquelle devra être déduite, si elle a été versée, la somme de 10 000 euros mise à la charge de cet établissement, à titre de provision, par l'arrêt de la cour du 5 novembre 2021.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, en l'espèce de mettre à la charge définitive du centre hospitalier de Chartres les frais d'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du président de la cour administrative d'appel du 2 mars 2022, à la somme de 1 700,02 euros.

14. Enfin il y a lieu, en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Chartres le versement à

Mme C... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie tenue aux dépens, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Chartres et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le montant de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Chartres au bénéfice de Mme C... par l'article 1er du jugement attaqué est porté à 13 900 euros en réparation des préjudices subis par ..., de laquelle sera déduite la provision de

10 000 euros allouée par la cour dans son arrêt du 5 novembre 2021 si celle-ci a été versée.

Article 2 : Les frais de l'expertise taxés et liquidés à 1 700,02 euros sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Chartres.

Article 3 : Le centre hospitalier de Chartres versera à Mme C..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C... et celles présentées par le centre hospitalier de Chartres sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., au centre hospitalier de Chartres, à la Mutualité Sociale Agricole de Picardie et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2022

La rapporteure,

C. D...

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02925
Date de la décision : 14/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LIMONTA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-14;19nt02925 ?
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