Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Sous le no 1502463, l'association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Entre Taude et Bellebranche et l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2014 par lequel le préfet de la Mayenne a fixé des prescriptions complémentaires à l'arrêté préfectoral du 30 juin 2006 modifié autorisant la SA Aprochim à exploiter un centre de tri, transit, regroupement et traitement de matières souillées aux polychlorobiphényles et polychloroterphényles sur le territoire de la commune de Grez-en-Bouère.
II. Sous le no 1601539, la SA Aprochim a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 février 2016 par lequel le préfet de la Mayenne a fixé des prescriptions complémentaires à l'arrêté du 30 juin 2006 modifié, l'autorisant à exploiter un centre de tri, transit, regroupement et traitement de matières souillées aux polychlorobiphényles et polychloroterphényles sur le territoire de la commune de Grez-en-Bouère.
Par un jugement nos 1502463 et 1601539 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du préfet de la Mayenne du 27 novembre 2014 en tant qu'il ne comporte pas de dispositif contraignant permettant de sanctionner l'exploitant de l'installation du fait des émissions diffuses liées à son exploitation, a annulé l'article 1er de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 11 février 2016, a renvoyé la société Aprochim devant le préfet de la Mayenne afin que celui-ci fixe des prescriptions complémentaires à son arrêté du 30 juin 2006 modifié en vue de réglementer, selon un dispositif plus contraignant, les émissions diffuses engendrées par l'exploitation de l'installation, enfin, a rejeté le surplus des demandes.
Par un arrêt no 17NT01967 du 4 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le ministre de la transition écologique et solidaire contre ce jugement.
Par une décision no 436502 du 23 septembre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 4 octobre 2019 et lui a renvoyé l'affaire, qui porte désormais le no 21NT02684.
Procédure devant la cour :
Avant cassation :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 juin 2017, le 24 avril 2019 et le 18 septembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 avril 2017 en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du préfet de la Mayenne du 27 novembre 2014, en tant qu'il a annulé l'article 1er de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 11 février 2016 et a renvoyé la société Aprochim devant ce préfet afin que celui-ci fixe des prescriptions complémentaires à son arrêté du 30 juin 2006 ;
2°) de rejeter, dans cette mesure, les demandes formées par la société Aprochim et l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il juge que le préfet de la Mayenne est intervenu dans le champ de la directive 2002/32 du Parlement européen et du Conseil du 7 mai 2002 modifiée et du règlement (UE) no 277/2012 de la Commission du 28 mars 2012 ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le préfet de la Mayenne n'est pas intervenu en dehors de sa compétence en matière de police des installations classées et n'a pas méconnu les dispositions de la directive 2002/32 du Parlement européen et du Conseil du 7 mai 2002 modifiée et le règlement (UE) no 277/2012 de la Commission du 28 mars 2012, qui ne sont pas applicables à l'arrêté contesté ;
- la directive 2002/32 du 7 mai 2002 ne peut servir de fondement aux prescriptions imposées à la SA Aprochim dès lors qu'elle a, en tout état de cause, été transposée par un arrêté du 12 janvier 2001 modifiant les teneurs maximales pour les substances et produits indésirables dans l'alimentation des animaux et qu'il n'est pas établi ni même allégué que ces dispositions n'assureraient pas une exacte transposition des dispositions de la directive ;
- le tribunal ne pouvait comparer la valeur fixée par l'arrêté du préfet de la Mayenne à 0,3 pg TEQ/g en PCDD/F + PCBdl à 12 % d'humidité à la valeur de 0,75 ng TEQ/g fixée par le règlement du 28 mars 2012, dès lors que les deux seuils ne portent pas sur les mêmes substances ;
- à supposer que les valeurs de la directive 2002/32 s'imposaient au préfet, le tribunal aurait dû prendre en compte la valeur de la directive relative aux PCB et dixines-furantes (PCDD/F+PCBdl) de 1,25 ;
- l'arrêté du préfet de la Mayenne du 11 février 2016, qui vise à réglementer les émissions diffuses liées aux activités de la société Aprochim et à compléter ainsi le dispositif mis en place par l'arrêté du 27 novembre 2014, n'étant pas illégal, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé ce dernier arrêté en tant qu'il ne comportait pas de dispositif contraignant, notamment par la fixation d'un ou plusieurs seuils, permettant à l'administration de sanctionner les émissions diffuses de l'installation, et qu'il a enjoint au préfet de fixer des prescriptions complémentaires en vue de réglementer cette pollution diffuse selon un dispositif plus contraignant ;
- depuis l'édiction de l'arrêté du 27 octobre 2017, des dépassements significatifs de la valeur de 1,25 pg TEQ/g à 12% d'humidité ont été observés en deux points, amenant le préfet à signaler ces faits au procureur de la République par procès-verbal du 29 août 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2019, la SA Aprochim, représentée par Me Blazy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête du ministre n'est fondé alors qu'en tout état de cause, l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 11 février 2016 est illégal dès lors qu'il est entaché d'un vice de procédure, d'une erreur de droit, et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Après cassation :
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 octobre 2021, 7 janvier 2022, et un mémoire récapitulatif enregistré le 21 juillet 2022, produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, l'association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Entre Taude et Bellebranche et l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne, représentés par Me Dubreuil, concluent :
1°) à titre principal, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 avril 2017 en tant qu'il a annulé l'article 1er de l'arrêté du 11 février 2016 du préfet de la Mayenne ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que l'arrêté du 11 février 2016 du préfet de la Mayenne soit réformé en déterminant des prescriptions imposant, d'une part, le respect en tout temps d'un seuil de 0,3 pg/g de concentration en PCDD/F + PCBdl au sein des stations de surveillance " ray-grass ", et, d'autre part, le respect en tout temps d'un seuil de 1,25 pg/g de concentration en PCDD/F + PCBdl au sein des autres stations de surveillance ; à défaut, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Mayenne d'adopter dans un délai d'un mois des prescriptions complémentaires imposant le respect des mêmes seuils ;
3°) en tant que de besoin, à ce que la Cour de justice de l'Union européenne soit saisie de la question préjudicielle suivante, en application de l'article 267 TFUE : " les herbages des stations de surveillance du site, qui poussent naturellement, constituent-ils des "produits" au sens de l'article 1er de la directive 2002/32/CE ' " ;
4°) au rejet de l'appel du ministre de la transition écologique et solidaire en tant qu'il demande l'annulation du jugement du 27 avril 2017 du tribunal administratif de Nantes en ce qu'il a partiellement annulé l'arrêté du 27 novembre 2014 du préfet de la Mayenne ;
5°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Aprochim une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- en ce qui concerne l'arrêté du 11 février 2016, les herbages sur pied au sein desquels sont positionnées les stations de surveillance ne constituent pas des " produits " au sens de l'article 1er de la directive 2002/32/CE ; le cas échéant, une interrogation de la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel serait nécessaire ; le seuil imposé par l'arrêté du 11 février 2016 ne s'applique qu'aux stations de surveillance ;
- si l'arrêté du 11 février 2016 devait être annulé, il appartiendrait à la cour de fixer elle-même des prescriptions propres à imposer à la société Aprochim un dispositif contraignant pour sanctionner des émissions diffuses émanant de l'installation ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de la Mayenne d'imposer à la société un tel dispositif ;
- l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2014 en tant qu'il ne prévoyait pas de dispositif contraignant pour sanctionner des émissions diffuses émanant de l'installation exploitée par la société Aprochim doit être confirmée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 décembre 2021, 22 avril 2022 et 3 juin 2022, un mémoire récapitulatif enregistré le 12 juillet 2022, produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, et un mémoire enregistré le 3 août 2022 qui n'a pas été communiqué, la société Aprochim, représentée par Me Blazy, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du ministre de la transition écologique et solidaire ;
2°) de rejeter les conclusions d'appel de l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres ;
3°) de rejeter la demande question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne présentée par l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article 1er de l'arrêté du 11 février 2016 méconnaît la directive 2002/32/CE, transposée par l'arrêté du 12 janvier 2001 ;
- c'est à tort que le Conseil d'État a jugé que le seuil de concentration en PCDD/F + PCBdl, fixé à 0,3 pg TEQ/g par l'article 1er de l'arrêté du 11 février 2016, s'appliquait aux mesures faites dans les cultures standardisées hors sol de ray grass conformément à la norme NF X 43-901, alors que les mesures de surveillance des émissions diffuses visées par l'article 1er de cet arrêté ne pouvaient s'appliquer qu'aux prélèvements effectués dans les herbages et fourrages des parcelles alentour identifiées comme stations de surveillance en 2014 ;
- les demandes subsidiaires des associations sont irrecevables dès lors qu'elles sont formulées pour la première fois en appel, dans le cadre d'un contentieux dans lequel elles ne sont pas appelantes ;
- en tout état de cause, ces demandes sont infondées ;
- il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel.
Par un mémoire, enregistré le 16 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que la directive 2002/32/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mai 2002 et l'arrêté du 12 janvier 2001 ne constituent pas la base légale de l'arrêté du 11 février 2016 et ne sont pas méconnus par lui dès lors que les ray-grass du réseau de surveillance ne constituent pas des aliments destinés aux animaux ni n'entrent dans la composition d'aliments destinés aux animaux.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité, en raison de leur tardiveté, des conclusions présentées par l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres tendant à l'annulation du jugement du 27 avril 2017 du tribunal administratif de Nantes en tant seulement qu'il a annulé l'article 1er de l'arrêté du 11 février 2016 du préfet de la Mayenne.
Des observations en réponse à ce courrier ont été enregistrées le 13 septembre 2022 pour la société Aprochim.
Des observations en réponse à ce courrier ont été enregistrées le 14 septembre 2022 pour l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2002/32/CE du Parlement et du Conseil du 7 mai 2002 ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 12 janvier 2001 fixant les teneurs maximales pour les substances et produits indésirables dans l'alimentation des animaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,
- les observations de Me Dubreuil, représentant l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres, et les observations de Me Blazy, représentant la société Aprochim.
Considérant ce qui suit :
1. La société Aprochim exploite, depuis 1990 sur le territoire de la commune de Grez-en-Bouère (Mayenne), une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) dont l'activité consiste dans le traitement de déchets industriels, et notamment des matières souillées par les polychlorobiphényles (PCB) et les polychloroterphényles (PCT), autorisée par un arrêté du 30 juin 2006 du préfet de la Mayenne. À la suite de constats de dépassement des normes autorisées, le préfet a pris, le 27 novembre 2014, un arrêté fixant des prescriptions complémentaires puis a demandé à l'exploitant de recourir à une tierce-expertise, confiée à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), dont le rapport, rendu en novembre 2015, a conduit le préfet à édicter de nouvelles prescriptions complémentaires par un arrêté du 11 février 2016. Par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes sous le no 1502463, l'association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Entre Taude et Bellebranche et l'association Fédération pour l'Environnement ont demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2014 du préfet de la Mayenne. Par une requête enregistrée au greffe du même tribunal sous le no 1601539, la société Aprochim a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 11 février 2016 du préfet de la Mayenne. Après avoir procédé à une jonction de ces deux instances, le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 27 avril 2017, a annulé l'arrêté du 27 novembre 2014 en tant qu'il ne comportait pas de dispositif contraignant permettant de sanctionner l'exploitant du fait des émissions diffuses liées à son exploitation, a annulé l'article 1er de l'arrêté du 11 février 2016 et a renvoyé la société Aprochim devant le préfet afin que celui-ci fixe des prescriptions complémentaires à son arrêté du 30 juin 2006 modifié en vue de réglementer, selon un dispositif plus contraignant, les émissions diffuses engendrées par l'exploitation de l'installation, enfin, a rejeté le surplus des demandes.
2. Par un arrêt no 17NT01967 du 4 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le ministre de la transition écologique et solidaire contre ce jugement en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du préfet de la Mayenne du 27 novembre 2014, en tant qu'il a annulé l'article 1er de l'arrêté de ce préfet du 11 février 2016 et a renvoyé la société Aprochim devant même le préfet afin qu'il fixe des prescriptions complémentaires à son arrêté du 30 juin 2006.
3. Par une décision du 23 septembre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé, sur pourvoi du ministre de la transition écologique et solidaire, cet arrêt de la cour et a renvoyé à celle-ci l'affaire, qui porte désormais le n° 21NT02684. Enfin, par un mémoire enregistré le 26 octobre 2021, l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres concluent au rejet de la requête du ministre et demandent, en outre, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé l'article 1er de l'arrêté du 11 février 2016 du préfet de la Mayenne, à défaut, la réformation de cet arrêté.
Sur les conclusions présentées en appel par l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres, dirigées contre l'arrêté du 11 février 2016 :
4. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4-1 (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres ont reçu notification du jugement attaqué le 2 mai 2017. Leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement du 27 avril 2017 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé l'article 1er de l'arrêté du 11 février 2016 du préfet de la Mayenne n'ont toutefois été enregistrées au greffe de la cour administrative d'appel que le 26 octobre 2021, soit après l'expiration du délai imparti par les dispositions précitées. Par suite, elles ont été présentées tardivement et sont, dès lors, irrecevables.
Sur la requête d'appel du ministre de la transition écologique et solidaire :
6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". Aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " Les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, les moyens de suivi, de surveillance, d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation. "
7. En vertu de l'article 2 de l'arrêté du 12 janvier 2001 fixant les teneurs maximales pour les substances et produits indésirables dans l'alimentation des animaux modifié, transposant la directive 2002/32/CE du Parlement européen du 7 mai 2002 fixant les teneurs maximales pour les substances et produits indésirables dans l'alimentation des animaux, la somme des dioxines et des polychlorobiphényles (PCDD/F + PCBdl) de type dioxine ne peut excéder un seuil de 1,25 ng TEQ/kg dans les produits destinés aux aliments pour animaux. L'article 1er du même arrêté définit ces produits comme " les matières premières des aliments pour animaux, les prémélanges, les additifs, les aliments et tout autre produit destiné à être utilisé ou utilisé dans les aliments pour animaux ".
8. Afin de mieux prendre en compte les émissions diffuses liées à l'exploitation de l'installation litigieuse, l'arrêté du 27 novembre 2014 du préfet de la Mayenne a complété l'arrêté du 30 juin 2006 en prévoyant, notamment, à son article 7.1.1, une surveillance des retombées atmosphériques " liées aux émissions canalisées et diffuses sur le site et hors site " par des jauges dites Owen, avec des prélèvements au minimum trimestriel pour celles implantées en limite de propriété de l'installation et semestriel pour les autres localisations. Cet arrêté a également prévu, à son article 7.1.2, une " surveillance des végétaux et bio-indicateurs ", composée, d'une part, d'une surveillance des végétaux avec une fréquence mensuelle durant toute l'année, " un seuil d'alerte en PCDDF et PCBdl (...) fixé à 0,5 pg/g OMS TEQ (12 % d'humidité) dans les végétaux " et une obligation d'informer immédiatement le préfet ou l'inspection des installations classées en cas de résultats supérieurs à cette valeur, et, d'autre part, une surveillance des lichens, implantés sur le site et hors du site, réalisée tous les deux ans. Par un arrêté du 27 mai 2015 du préfet de la Mayenne, cette surveillance des lichens a été renforcée en imposant à l'exploitant l'installation d'implants de lichens sur dix points de mesure définis au sein du site de l'exploitation, faisant l'objet d'une analyse et d'un remplacement tous les trois mois afin de caractériser l'évolution des éventuelles émissions diffuses provenant des installations.
9. Par son arrêté du 11 février 2016, le préfet de la Mayenne a fixé des prescriptions complémentaires pour le suivi et l'évaluation des émissions diffuses engendrées par l'exploitation de l'installation en imposant que la concentration moyenne sur 5 mois glissants en PCDD/F + PCBdl mesurée dans les herbes situées dans les stations de surveillance autour du site n'excède pas 0,3 pg TEQ/g, ce seuil d'alerte se substituant à celui fixé à 0,5 pg/g OMS TEQ (12 % d'humidité) par l'article 7.1.2 de l'arrêté du 27 novembre 2014. L'arrêté du 11 février 2016 prévoit en outre qu'" en cas de dépassement de cette valeur au niveau d'une des stations de surveillance calculée sur la concentration moyenne sur 5 mois glissants, l'exploitant en informe dans un délai de 24 h l'inspection des installations classées. ". Ainsi que l'a jugé le Conseil d'État dans sa décision du 23 septembre 2021, d'une part, cette surveillance périodique des émissions diffuses liées aux activités de la société Aprochim est effectuée, en vertu de l'arrêté du 11 février 2016, par un réseau de mesure sur des " implants d'herbes appelés " ray grass ", sélectionnées pour leur caractère propice à la mesure des polychlorobiphényles, déposés dans l'environnement de l'installation et prélevés après 4 à 6 semaines pour mesurer la contamination qui s'y est déposée au cours de cette période. D'autre part, la valeur de 0,3 pg TEQ/g, qui s'applique ainsi aux ray-grass, a été déterminée par l'INERIS comme de nature à garantir que le seuil maximal de 1,25 ng TEQ/kg ne soit pas dépassé dans les herbes et fourrages issus des pâturages environnants, exposés plus longuement que les ray-grass aux émissions de l'activité du site. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de tierce-expertise remis le 16 novembre 2015 par l'INERIS, qu'alors que les émissions diffuses liées à l'installation se présentent en majorité sous forme gazeuse, la surveillance des végétaux et des lichens permet de suivre la fraction gazeuse de ces émissions diffuses, tandis que les jauges dites Owen ne permettent que de mesurer les émissions sous forme particulaire. Dès lors, il résulte de l'instruction que l'arrêté du 27 novembre 2014 du préfet de la Mayenne, modifié par ses arrêtés du 27 mai 2015 et du 11 février 2016, comportait des dispositifs contraignants, notamment par la fixation d'un seuil maximal de concentration moyenne sur 5 mois glissants en PCDD/F + PCBdl mesurée mensuellement dans les herbes situées dans les stations de surveillance, permettant à l'administration de surveiller, de prévenir et de sanctionner les émissions diffuses de l'installation litigieuse.
10. Si la société Aprochim soutient en défense que le Conseil d'État a fait une interprétation erronée de la portée de l'arrêté du 11 février 2016 en jugeant, dans sa décision du 23 septembre 2021, que cet arrêté se borne à prévoir que seules les " ray-grass " situées dans les stations de surveillance, destinées à un relevé périodique de leur taux de concentration en polychlorobiphényle, étaient soumises au seuil de 0,3 pg TEQ/g, sans imposer ce seuil à l'ensemble des herbes des pâturages proches du site de l'installation, ce moyen ne peut qu'être écarté compte tenu de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision du Conseil d'État.
11. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 9, les " implants d'herbes appelés " ray grass ", c'est-à-dire ceux prévus dans le cadre de la biosurveillance des végétaux sous forme de bacs de culture hors sol de " ray grass ", ne sont cultivés, déposés dans l'environnement et prélevés après 4 à 6 semaines qu'à la seule fin de mesurer la contamination qui s'y est déposée au cours de cette période, sans être destinés à être utilisés en tant qu'aliments pour animaux ou dans les aliments pour animaux. Dès lors, ces herbes ne peuvent être regardées comme des produits destinés aux aliments pour animaux au sens de l'arrêté du 12 janvier 2001 fixant les teneurs maximales pour les substances et produits indésirables dans l'alimentation des animaux, transposant la directive 2002/32.
12. Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce que le préfet de la Mayenne était intervenu en dehors de sa compétence en matière de police des installations classées et avait méconnu les dispositions de la directive 2002/32, au demeurant transposée par l'arrêté visé ci-dessus du 12 janvier 2001, pour annuler l'article 1er de l'arrêté du 11 février 2016 du préfet de la Mayenne. C'est également à tort que le tribunal administratif de Nantes, pour annuler l'arrêté du 27 novembre 2014 en tant qu'il ne comportait pas de dispositif contraignant permettant de sanctionner l'exploitant du fait des émissions diffuses liées à son exploitation, s'est fondé sur ce que les prescriptions fixées par cet arrêté, modifié par l'arrêté du 11 février 2016, étaient insuffisantes pour prévenir la pollution de l'environnement induite par les émissions diffuses de l'installation litigieuse.
13. Aucun autre moyen n'a été maintenu par l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres dans leur mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel. De même, aucun autre moyen n'a été maintenu par la société Aprochim dans son mémoire récapitulatif produit en application des mêmes dispositions, dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 27 novembre 2014 du préfet de la Mayenne en tant qu'il ne comportait pas de dispositif contraignant permettant de sanctionner l'exploitant du fait des émissions diffuses liées à son exploitation, a annulé l'article 1er de l'arrêté du 11 février 2016 de ce préfet et a renvoyé la société Aprochim devant le même préfet afin que celui-ci fixe des prescriptions complémentaires à l'arrêté du 30 juin 2006 modifié en vue de réglementer selon un dispositif plus contraignant les émissions diffuses engendrées par l'exploitation de son installation.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du ministre de la transition écologique et solidaire, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Aprochim demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge.
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 27 avril 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a partiellement annulé, à la demande de l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres, l'arrêté du préfet de la Mayenne du 27 novembre 2014, en tant qu'il a annulé, à la demande de la société Aprochim, l'article 1er de l'arrêté du 11 février 2016 du préfet de la Mayenne et, enfin, en tant qu'il a renvoyé la société Aprochim devant ce même préfet afin que celui-ci fixe des prescriptions complémentaires à son arrêté du 30 juin 2006 modifié en vue de réglementer, selon un dispositif plus contraignant, les émissions diffuses engendrées par l'exploitation de l'installation.
Article 2 : Les conclusions des demandes présentées, dans cette mesure, par la société Aprochim et par l'association France Nature Environnement Pays de la Loire et autres devant le tribunal administratif de Nantes, de même que leurs conclusions d'appel, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la société Aprochim, à l'association France Nature Environnement Pays de la Loire, à l'association Entre Taude et Bellebranche et à l'association Fédération pour l'Environnement.
Copie sera adressée au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2022.
Le rapporteur,
F.-X. A...La présidente,
C. Buffet
La greffière,
A. Lemée
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT02684