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07/10/2022 | FRANCE | N°21NT01522

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 07 octobre 2022, 21NT01522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... G... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 octobre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 11 juillet 2017 de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne.

Par un jugement n° 1800184 du 2 a

vril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... G... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 octobre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 11 juillet 2017 de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne.

Par un jugement n° 1800184 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juin 2021, M. K... G... B..., représenté par Me Mengelle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 26 octobre 2017 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision de la commission de recours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 août 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. K... G... B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Le Brun a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. K... G... B..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 13 octobre 1999, déclare être le fils de Mme Carla Tabita B... A..., ressortissante portugaise, d'origine angolaise, née le 4 juillet 1982. Le 31 mai 2017, il a sollicité auprès de l'ambassade de France en République démocratique du Congo la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne. Par une décision du 11 juillet 2017, l'ambassadeur de France a refusé de lui délivrer le visa sollicité. Le 7 septembre suivant, l'intéressé a saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par une décision du 26 octobre 2017, la commission a rejeté ce recours. M. G... B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, (...) rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / (...) ". L'article L. 121-3, alinéa 1er du même code, alors en vigueur, prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° (...) de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il (...) rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. ".

3. Aux termes de l'article R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Tout ressortissant mentionné au premier alinéa de l'article L. 121-1 muni d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité est admis sur le territoire français, à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public. / Tout membre de sa famille mentionné à l'article L. 121-3, ressortissant d'un Etat tiers, est admis sur le territoire français à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il soit muni, à défaut de titre de séjour délivré par un Etat membre de l'Union européenne portant la mention "Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union" en cours de validité, d'un passeport en cours de validité, d'un visa ou, s'il en est dispensé, d'un document établissant son lien familial. L'autorité consulaire lui délivre gratuitement, dans les meilleurs délais et dans le cadre d'une procédure accélérée, le visa requis sur justification de son lien familial. Toutes facilités lui sont accordées pour obtenir ce visa. ". Il résulte des dispositions précitées, transposant la directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, que les ressortissants d'un pays tiers membres de la famille d'un citoyen non français de l'Union européenne séjournant en France ont droit, lorsqu'ils ne disposent pas d'un titre de séjour délivré par un État membre de l'Union européenne portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ", et sous réserve que leur présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, à la délivrance d'un visa d'entrée en France, aux seules conditions de disposer d'un passeport et de justifier de leur lien familial avec le citoyen de l'Union européenne qu'ils entendent accompagner ou rejoindre en France. Figure au nombre des motifs tenant à l'existence d'une menace pour l'ordre public l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.

4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". L'article 47 du code civil prévoit également que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. G... B... au motif que l'acte de naissance qui avait été produit à l'appui de la demande de visa était dépourvu de valeur probante et ne permettait pas, dès lors, d'établir l'identité et le lien de filiation de l'intéressé avec la citoyenne non française de l'Union européenne qu'il souhaite rejoindre en France.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de son identité et de son lien de filiation avec Mme Carla Tabita B... A..., M. G... B... a produit, à l'appui de sa demande de visa, un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 29 décembre 2016 par le tribunal pour enfants de Kinshasa/Kinkole, accompagné d'un certificat de non-appel du 24 avril 2017, mentionnant qu'il est né le 13 octobre 1999 à Kinshasa de la relation de M. I... G... J... et de Mme Carla Tabita B..., nés respectivement le 17 juillet 1976 le 4 juillet 1982. Si l'administration fait valoir que l'acte de naissance du demandeur de visa a été établi tardivement, en transcription d'un jugement supplétif rendu plusieurs années après l'événement relaté, peu de temps avant le dépôt de la demande de visa, de telles circonstances ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à en démontrer le caractère frauduleux. La réalité du lien de filiation unissant M. G... B... à Mme B... A... doit, dès lors, être tenue pour établie par ce jugement supplétif. Le ministre ne peut, par suite, utilement se prévaloir de ce que l'acte de naissance de l'intéressé comporterait des informations supplémentaires par rapport à celles, relativement sommaires, figurant dans le jugement supplétif en transcription duquel il a été établi, ni de ce qu'il existerait dans cet acte de naissance une légère discordance avec le jugement supplétif quant au prénom de la mère de l'intéressé. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que l'identité du demandeur de visa et la réalité du lien de filiation l'unissant à Mme B... A... n'étaient pas établies et en refusant de lui délivrer, pour ce motif, le visa sollicité.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. G... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

9. Eu égard à ses motifs, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance du visa sollicité à M. G... B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. G... B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif du 2 avril 2021 et la décision du 26 octobre 2017 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. G... B... le visa d'entrée et de long séjour en France sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. G... B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... G... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Buffet, présidente de chambre,

Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

M. Le Brun, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2022.

Le rapporteur,

Y. Le Brun

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01522
Date de la décision : 07/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Yann LE BRUN
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : MENGELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-07;21nt01522 ?
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