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07/10/2022 | FRANCE | N°21NT00947

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 octobre 2022, 21NT00947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) SAMSIC a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, à la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et à la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1900096 du 10 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2021 et régularisée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) SAMSIC a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, à la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et à la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1900096 du 10 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2021 et régularisée le 8 avril 2021, et des mémoires enregistrés les 22 octobre et 24 décembre 2021 et du

8 avril 2022 la SAS SAMSIC, représentée par Me Plumerault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'anormalité des loyers qui lui étaient réclamés par la société civile immobilière (SCI) Chatillon n'est pas démontrée et les premiers juges ont renversé la charge de la preuve en sa défaveur ;

-les baux de comparaison ne lui ont pas été communiqués ; les termes de comparaison n'étaient pas valables car il s'agissait d'immeubles de bureaux aménagés ;

- il n'a pas été tenu compte de la période de crise économique existante au moment de la conclusion des baux litigieux.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 septembre et 9 décembre 2021 et un mémoire enregistré le 28 avril 2022, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS SAMSIC ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Plumerault, représentant la SAS SAMSIC.

Une note en délibéré a été produite le 22 septembre 2022 pour la SAS SAMSIC, représentée par Me Plumerault.

Considérant ce qui suit :

1. Par une proposition de rectification du 19 décembre 2016, l'administration a informé la société par actions simplifiée (SAS) SAMSIC, selon la procédure contradictoire, de son intention de remettre en cause la déductibilité d'une fraction des loyers versés par celle-ci, durant les années 2013 à 2015, à la SCI Chatillon dans le cadre de baux commerciaux portant sur deux immeubles situés rue de Chatillon à Cession-Sévigné. La SAS SAMSIC, qui exerce une activité de prestations de services relatives au nettoyage industriel, a contesté le motif de rectification retenu par l'administration tenant au caractère anormalement élevé des loyers. Toutefois l'administration fiscale a maintenu les rectifications notifiées, qui ont été confirmées par le supérieur hiérarchique de l'inspecteur des finances publiques rédacteur de la proposition de rectification, puis par l'interlocuteur interrégional. Après mise en recouvrement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés procédant de ces rectifications, la SAS SAMSIC a formé une réclamation contentieuse qui a été rejetée par le service le 13 novembre 2018. Puis elle a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, aux contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés et à la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 à raison de ces rectifications. Par un jugement du 10 février 2021, le tribunal a rejeté sa demande. La SAS SAMSIC fait appel de ce jugement.

2. En vertu des dispositions de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Le versement par une société d'un loyer excessif au regard des conditions du marché au profit d'une autre société ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration, dans l'hypothèse d'une rectification contradictoire, d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour qualifier un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

3. Lorsqu'une société bénéficie d'un loyer délibérément majoré par rapport aux loyers de biens comparables, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être regardé comme une libéralité consentie à cette société. La preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le montant du loyer par rapport aux loyers de biens comparables pratiqués sur le marché et, d'autre part, d'une intention, pour le locataire, d'octroyer, et, pour la société bailleresse, de recevoir une libéralité du fait du montant excessif du loyer. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

4. La SCI Châtillon a fait édifier en 2008 et 2009, aux 4 et 6 rue de Châtillon à Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine), deux immeubles de bureaux bruts de béton (sans aménagements ni équipements intérieurs) moyennant un prix de revient global de 10 596 579 euros. Le 1er juin 2008, la SAS SAMSIC a signé avec la SCI Châtillon un bail commercial en vue de la location de l'immeuble situé 6 rue de Châtillon à Cesson-Sévigné, pour un loyer annuel fixé à 891 840 euros à compter du 1er juin 2008, révisable au 1er octobre de chaque année selon l'indice INSEE du coût de la construction. Elle a également signé, le 1er septembre 2009, un bail commercial avec cette même SCI, en vue de la location de l'immeuble situé au n°4 de la même rue. Le loyer annuel a été fixé à 345 980,76 euros à compter du 1er septembre 2009, révisable dans les mêmes conditions. Les loyers annuels versés par la SAS SAMSIC à la SCI Châtillon pour les deux immeubles se sont ainsi élevés à 1 420 351 euros pour l'exercice 2013, 1 439 279 euros pour 2014 et à 1 440 552 euros pour 2015.

5. Au moment de la signature des baux, les sociétés étaient toutes deux domiciliées 40 rue du Bignon à Cesson-Sévigné. La SAS SAMSIC avait pour président directeur général M. C..., qui était par ailleurs le gérant de la SCI Châtillon, et pour directeur général délégué, M. A..., MM. C... et A... étant les fondateurs historiques de la société SAMSIC. Par ailleurs, le capital de la SCI Châtillon était réparti entre la SARL FFR (70 %), dont M. C... détenait 96,42 % des parts sociales, et la SARL FIDJI (30%), dont M. A... détenait 96,42 % des parts sociales. Les deux contrats de bail ont été signés par M. C... au nom de la SCI bailleresse et par M. A... au nom de la société locataire. La SCI SAMSIC et la SCI Châtillon étaient donc en relation d'intérêts.

6. Pour remettre en cause les montants des loyers qu'elle estimait anormalement élevés, l'administration a comparé le taux moyen de rendement locatif de trois immeubles, dont deux situés à Rennes et l'un à Cesson-Sévigné, avec le taux de rendement locatif des deux immeubles concernés. Le taux moyen de rendement locatif des ensembles immobiliers retenus comme termes de comparaison ressortait à 8,096 %, alors que celui des biens litigieux s'élevait à 13,40 %, soit un écart de taux de 5,304 % représentant 65,56 % (5,304/8,096) du taux de rendement locatif moyen retenu. Le service en a conclu que la prise à bail des deux immeubles situés à Cesson-Sévigné pour un loyer supérieur de 39,60% à la moyenne des locations réalisées dans la même zone n'avait pas été engagée dans l'intérêt de la SAS SAMSIC. Par conséquent, il a réduit le montant des loyers admis en charges déductibles des résultats de la société à hauteur du différentiel de pourcentage ressortant de la comparaison réalisée dans les conditions rappelées ci-dessus.

7. Les trois immeubles ayant servi de comparaison étaient, comme les immeubles en cause, des immeubles à usage de bureaux d'aménagement récent et équivalents, en termes de superficie et de situation géographique, aux biens que la requérante avait pris en location à compter des 1er juin 2008 et 1er septembre 2009. Si les locaux en litige ont été loués brut de béton par la SAS SAMSIC, contrairement aux autres immeubles ayant servi de comparaison, l'administration soutient sans être contestée qu'il n'existait aucun marché locatif de ce type de biens en vue d'une affectation à l'usage de bureaux. Dès lors si, comme le soutient la SAS SAMSIC, les montants des loyers des trois biens choisis comme termes de comparaison et loués aménagés n'étaient pas comparables au loyer des immeubles bruts de béton pris à bail par la SAS SAMSIC, c'est à juste titre que l'administration a comparé, non pas les montants de loyers, mais le taux de rendement locatif prenant en compte la valeur vénale de chacun des immeubles.

8. Les circonstances invoquées par la requérante selon lesquelles diffèrent la date de construction (2008 pour les immeubles qu'elle loue et 2012 pour les immeubles comparés), la date du bail (2008 dans le premier cas, année d'une crise économique, 2012 pour les biens comparés), l'emplacement (une zone industrielle pour les immeubles qu'elle loue, une zone tertiaire pour les immeubles comparés) et le nombre de locataires (locataire unique pour les immeubles qu'elle loue alors que le bien comparé situé à Cesson-Sévigné est loué par plusieurs locataires), les aménagements des biens (aménagements haut de gamme réalisés à ses frais par la SAS SAMSIC), et que le taux de rendement locatif peut fortement varier selon les immeubles ne suffisent pas à établir que les éléments de comparaison ainsi retenus par l'administration étaient dénués de pertinence. La SAS SAMSIC n'a d'ailleurs pas proposé d'autres termes de comparaison, et elle ne saurait utilement se prévaloir de la valeur des immeubles concernés telle qu'elle résulte de leur vente réalisée en décembre 2020, soit cinq ans après les années d'imposition litigieuses.

9. Dans ces conditions, l'administration établit la réalité de l'écart significatif entre le loyer effectivement versé par la requérante et le loyer déterminé d'après le rendement locatif moyen. Par conséquent, et dès lors que la SAS SAMSIC et la SCI Châtillon étaient en relation d'intérêts, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la location des deux immeubles en cause situés rue de Châtillon à Cession-Sévigné par la SAS SAMSIC était intervenue dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale et a rectifié en conséquence les résultats de cette société.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS SAMSIC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de décharge. Par voie de conséquence, sa demande relative aux frais liés au litige doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS SAMSIC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée SAMSIC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2022.

La rapporteure

P. PicquetLa présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT00947

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00947
Date de la décision : 07/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL JURIS DOMUS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-07;21nt00947 ?
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