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07/10/2022 | FRANCE | N°21NT00676

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 octobre 2022, 21NT00676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Lisieux Robert Brisson a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la réduction des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Par un jugement n°1901719 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 mars 2021 et 28 avril 2022 le centre hospitalier de Lisieux R

obert Brisson, représenté par Me Frèrejacques, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Lisieux Robert Brisson a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la réduction des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Par un jugement n°1901719 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 mars 2021 et 28 avril 2022 le centre hospitalier de Lisieux Robert Brisson, représenté par Me Frèrejacques, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la réduction sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de transmettre pour avis au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, la question de savoir si les sommes versées au titre du maintien de leur traitement aux agents de la fonction publique hospitalière bénéficiant de congés de maladie entrent ou non dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les sommes correspondant au maintien du traitement des agents en arrêt-maladie sont des revenus de remplacement au sens de l'article L. 136-1-2 du code de la sécurité sociale et non des revenus d'activité, en l'absence de toute contrepartie de la part de l'agent ; elles sont à ce titre exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires en application de l'article 231 du code général des impôts ;

- la documentation fiscale publiée en 2019 sous la référence BOI-TPS-TS-20-10, point 80, prévoit expressément que les revenus de remplacement versés sous quelque forme que ce soit et quelle qu'en soit la dénomination sont exclus de l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- il entend également se prévaloir de la documentation fiscale publiée sous la référence BOFIP-TPS-TS-20-10, point 40 ainsi que de la réponse du ministre de l'économie et des finances à MM. Hugonet et Delahaye, sénateurs, publiée au journal officiel du Sénat du 2 janvier 2020, dont il ressort que seul le demi-traitement versé sur une période supérieure à 90 jours est inclus dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- l'interprétation de l'administration fiscale crée une différence de traitement avec les établissements du secteur privé, qui bénéficient de l'exonération des revenus de remplacement et, en particulier, des indemnités journalières de sécurité sociale qu'ils versent ;

- à titre subsidiaire, et puisque la question n'a pas été tranchée, il appartiendra à la cour de transmettre au Conseil d'Etat les questions formulées dans sa requête sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 août 2021 et 2 mai 2022 (qui n'a pas été communiqué), le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le centre hospitalier de Lisieux Robert Brisson ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;

- le décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 ;

- le décret n° 85-1353 du 12 décembre 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Frèrejacques, pour le centre hospitalier de Lisieux Robert Brisson.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 septembre 2018, le centre hospitalier de Lisieux Robert Buisson a sollicité la restitution partielle de la taxe sur les salaires au titre de l'année 2015, soit 228 486 euros, au motif qu'il n'aurait pas dû soumettre au paiement de cette taxe les traitements versés à ses agents en situation d'arrêt maladie. Sa demande actualisée à hauteur de 215 637 euros le 20 mars 2019 a été rejetée le 22 mai 2019. Par un jugement du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à ce que cette restitution partielle soit prononcée. Le centre hospitalier relève appel de ce jugement.

Sur le terrain de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale généralisée : " I. La contribution est assise sur le montant brut des traitements (...) et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (...) II.- Sont inclus dans l'assiette de la contribution : (...) 7° Les indemnités journalières ou allocations versées par les organismes de sécurité sociale ou, pour leur compte, par les employeurs à l'occasion de la maladie, de la maternité ou de la paternité et de l'accueil de l'enfant, des accidents du travail et des maladies professionnelles, à l'exception des rentes viagères et indemnités en capital servies aux victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ou à leurs ayants droit (...) ".

3. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1960 dans sa version issue du décret du 12 décembre 1985 : " Le présent décret fixe le régime de sécurité sociale applicable, en matière d'assurance maladie, maternité, décès et invalidité (allocations temporaires et soins), aux agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas le caractère industriel ou commercial, affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ou à un régime spécial de retraites ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " I. En cas de maladie, l'agent qui a épuisé ses droits à une rémunération statutaire, mais qui remplit les conditions fixées par le Code de la sécurité sociale pour avoir droit à l'indemnité journalière visée à l'article L. 321-1 dudit code, a droit à une indemnité (...) II - Lorsque l'agent continue à bénéficier, en cas de maladie, d'avantages statutaires, mais que ceux-ci sont inférieurs au montant des prestations en espèces de l'assurance maladie, telles qu'elles sont définies au paragraphe 1er du présent article, l'intéressé reçoit, s'il remplit les conditions visées audit paragraphe, une indemnité égale à la différence entre ces prestations en espèces et les avantages statutaires ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " Les prestations en espèces visées aux articles 4 à 7 ci-dessus sont liquidées et payées par les collectivités ou établissements dont relèvent les agents intéressés ".

5. Il résulte des travaux parlementaires de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont est issu l'article 231 du code général des impôts, que le législateur a entendu rendre l'assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la première phrase du 1 de cet article 231. Les prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, lesquelles sont exclues expressément de l'assiette de la taxe sur les salaires par le 1 de l'article 231, doivent s'entendre des indemnités et allocations versées par l'employeur, pour le compte des organismes de sécurité sociale, au bénéfice des salariés à l'occasion de la survenance de risques sociaux tels que notamment la maladie. Le maintien d'un plein ou d'un demi-traitement au fonctionnaire malade, dont peuvent notamment bénéficier les fonctionnaires hospitaliers en cas de maladie en vertu de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, constitue en revanche un avantage statutaire ayant le caractère d'une rémunération, et non une prestation de sécurité sociale versée par l'employeur pour le compte d'un organisme de sécurité sociale au sens de l'article 231. Cette rémunération statutaire est également distincte des indemnités prévues aux I et II de l'article 4 du décret du 11 janvier 1960, pris en application de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale qui porte définition de l'assurance-maladie, lesquelles sont des prestations du régime spécial de sécurité sociale versées aux fonctionnaires en cas de maladie par leur collectivité ou établissement de rattachement. Dès lors, le centre hospitalier public de Lisieux Robert Buisson n'est pas fondé à soutenir que les traitements versés à ses agents publics ayant bénéficié d'un congé de maladie au cours de la période d'imposition en litige devaient, en tant que revenus de remplacement assimilables à des prestations de sécurité sociale, être exclus de l'assiette de la taxe sur les salaires.

6. Enfin, les impositions en litige ayant été établies conformément aux dispositions de l'article 231 du code général des impôts, le centre hospitalier de Lisieux Robert Buisson n'est pas fondé à se prévaloir de la rupture d'égalité qui résulterait d'une différence de traitement avec les établissements hospitaliers du secteur privé, qui bénéficient d'une exonération de taxe sur les salaires pour les revenus de remplacement et en particulier pour les indemnités journalières de sécurité sociale qu'ils versent à leurs salariés.

Sur l'interprétation de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". La taxe sur les salaires dont le centre hospitalier de Lisieux Robert Buisson demande la restitution a été établie sur la base de ses déclarations. En l'absence de rehaussement, l'établissement n'est donc pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des points 40 et 80 de la documentation fiscale référencée BOI-TPS-TS-20-10 du 30 janvier 2019 et de la réponse du ministre de l'économie, des finances et de la relance à MM. Hugonet et Delahaye, sénateurs, du 2 janvier 2020. En tout état de cause, le centre hospitalier ne peut pas utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de ces interprétations de la loi fiscale dès lors qu'elles sont postérieure à l'imposition en litige, établie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.

8. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Lisieux Robert Buisson n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris en ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Lisieux Robert Buisson est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Lisieux Robert Buisson et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2022.

Le rapporteur

A. A...

La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 21NT006762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00676
Date de la décision : 07/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : FREREJACQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-07;21nt00676 ?
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