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07/10/2022 | FRANCE | N°21NT00522

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 octobre 2022, 21NT00522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1900616 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 février et 16 décembre 2021 M. et Mme A..., repr

sentés par Me Pierre, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1900616 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 février et 16 décembre 2021 M. et Mme A..., représentés par Me Pierre, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification est entachée d'une insuffisance de motivation et ils se prévalent de l'instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques - impôts le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-CF-IOR-10-40 ;

- contrairement aux allégations de l'administration, la rémunération du dirigeant a été fixée par une décision prise par les associés en assemblée générale, ainsi qu'en atteste un procès-verbal du 4 janvier 2013 ;

- l'administration devait nécessairement procéder à la recherche d'éléments de comparaison pour apprécier le caractère excessif de la rémunération du dirigeant et ne pouvait ainsi se fonder sur les seuls résultats déficitaires de la société au cours de la période vérifiée ;

- ils sont fondés à se prévaloir du paragraphe 90 de l'instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques - impôts le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-BIC-CHG-40-40-10 ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 septembre 2021 et un mémoire enregistré le 7 janvier 2022, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société ..., l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des primes exceptionnelles versées au titre des exercices clos les 31 décembre 2013, 2014 et 2015 à M. D... A..., dirigeant de cette société, et des cotisations sociales correspondantes. Elle a procédé, en conséquence, à la réintégration aux résultats de sommes s'élevant, respectivement, à 184 800 euros, 30 400 euros et 145 500 euros. L'administration a également estimé que les rémunérations ainsi versées à M. A..., déclarées au titre des traitements et salaires, constituaient en réalité des revenus distribués imposables entre ses mains sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Le foyer fiscal de M. A... a ainsi été assujetti à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, pour les années 2013, 2014 et 2015, au titre des revenus de capitaux mobiliers. Les requérants ont demandé au tribunal administratif de Caen la décharge de ces impositions. Par un jugement du 22 décembre 2020, le tribunal a rejeté leur demande. M. et Mme A... font appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...). ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.

3. La proposition de rectification du 16 décembre 2016 adressée à M. et Mme A... comporte la désignation de l'impôt (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux), des années (2013, 2014 et 2015) et des bases d'imposition rehaussées (184 800 euros au titre de l'année 2013, 30 400 euros pour l'année 2014 et 145 500 euros pour l'année 2015). Elle indique que des primes exceptionnelles, enregistrées en charge dans la comptabilité de la société ..., dont M. A... était le représentant légal, ont été versées en plus de sa rémunération mais que ces primes, comptabilisées pour résorber des prélèvements que le dirigeant a effectués sur les comptes bancaires de la société, n'ont jamais été justifiées par une décision d'assemblée générale. Elle comporte un tableau détaillant, par mois, le montant de prime attribué à M. A... et indiqué dans les comptes de la société en tant que charges, avec le montant des cotisations sociales correspondantes, ainsi qu'un récapitulatif par année. Elle mentionne que ces primes étaient donc constitutives de revenus distribués imposables à l'impôt sur le revenu entre les mains de M. A..., sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, en tant que rémunérations et avantages occultes, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Enfin, il y est précisé que " ces primes ayant déjà été déclarées dans la catégorie des traitements et salaires à hauteur de 77 217 euros en 2013, 114 045 euros en 2014 et 126 340 euros en 2015, une minoration de ces montants sera appliquée sur les traitements et salaires initialement déclarés pour chacune des années concernées. ", le montant des primes exceptionnelles incluses dans les traitements et salaires initialement déclarés étant ainsi clairement mentionné, contrairement à ce que soutiennent les requérants. Ainsi, alors même que cette proposition de rectification ne fait pas référence à la proposition de rectification adressée à la société ... et ne comporte pas cette dernière en pièce jointe, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification adressée à M. et Mme A... n'était pas suffisamment motivée doit être écarté.

4. En second lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de ce que les requérants seraient fondés à se prévaloir de l'instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques - impôts le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-CF-IOR-10-40.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...). ".

6. Durant les opérations de contrôle de la société ..., le service a constaté que M. A... avait procédé à plusieurs prélèvements sur les comptes bancaires de la société qu'il dirigeait, pour des montants respectifs de 80 566 euros au titre de l'année 2013, de 123 248 euros pour l'année 2014 et de 75 793 euros pour l'année 2015. Ces sommes ont été comptabilisées par la société au débit du compte 425000 " personnel-avances et acomptes ". Le vérificateur a également constaté que, pour solder le compte " personnel-avances et acomptes " et uniquement pour les opérations propres à M. A..., des primes exceptionnelles avaient été attribuées à ce dernier en complément de son salaire. Pour justifier ces primes exceptionnelles, les requérants ont fourni un procès-verbal d'assemblée générale du 4 janvier 2013, selon lequel les associés de la société ... décident de verser à M. A... les montants concernés.

7. Toutefois il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté qu'alors que le procès-verbal signé par M. A... et portant la date du 4 janvier 2013 a été produit très tardivement, le livre des assemblées n'a pas été présenté lors de la vérification de comptabilité de la société réalisée à la fin de l'année 2016 et que M. A... a déclaré alors au vérificateur qu'aucun document émanant des associés ne venait décider du versement de ces primes. De plus, l'administration soutient sans être contredite que les décisions d'assemblée de la société ... au cours de la période vérifiée ont été enregistrées au registre du commerce et des sociétés de Lisieux et que le procès-verbal du 4 janvier 2013 ne figure pas parmi les décisions consultables. Enfin, ce procès-verbal d'assemblée générale n'a été présenté que lors de la réclamation préalable du 3 août 2018, sans explication de la part des requérants. Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que l'administration a regardé ce procès-verbal comme établi pour les besoins de la cause et dénué de valeur probante, et a imposé entre les mains de M. A..., en tant que revenus distribués sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, les montants correspondants aux primes exceptionnelles litigieuses, dès lors que ces dernières n'avaient pas été justifiées.

8. En deuxième lieu, dès lors que l'inscription en comptabilité, à titre d'avances-acomptes au personnel, des primes exceptionnelles versées à M. A... par la société ... ne permet pas d'établir la véritable nature des sommes versées et que ces primes n'ont fait l'objet d'aucune décision préalable des associés prise en assemblée générale qui serait pourvue d'une valeur probante, l'administration fiscale apporte la preuve que le caractère de rémunération professionnelle des primes en litige n'est pas établi et que ces dernières, dépourvues de cause, doivent être regardées comme une libéralité, Ainsi, l'administration démontre le caractère occulte de ces distributions et, par suite, le bien-fondé de leur imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. La circonstance qu'elle n'établirait pas le caractère excessif de la rémunération ainsi versée, condition qui n'est exigée qu'en cas d'application du d. du même article, est à cet égard sans influence.

9. En troisième et dernier lieu, si les requérants se prévalent du paragraphe 90 de l'instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques - impôts le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-BIC-CHG-40-40-10, relative à l'appréciation du caractère excessif des rémunérations, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la circonstance que l'administration n'établirait pas le caractère excessif de la rémunération en cause est sans influence sur le bien-fondé des impositions en litige, fondées sur l'absence de caractère professionnel des primes.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

11. Pour justifier l'application des pénalités prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale soutient que M. et Mme A... ont omis de déclarer, de manière répétée, une partie des primes exceptionnelles qui ont été enregistrées dans les comptes de la société ..., alors que M. A..., en tant que dirigeant de la société, ne pouvait pas l'ignorer, des sommes ayant été versées sur son compte bancaire, en plus de son salaire, pour des montants importants au titre des années 2013, 2014 à 2015 (soit respectivement 80 566 euros, 123 248 euros et 75 793 euros). Par ces éléments, l'administration fiscale établit le caractère délibéré du manquement et le bien-fondé de la pénalité infligée à M. et Mme A.... Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder à ces derniers la décharge de la majoration pour manquement délibéré.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande de décharge. Par voie de conséquence, leur demande relative aux frais liés au litige doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... (M. A... étant décédé en cours d'instance) et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2022.

La rapporteure

P. C...La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT00522

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00522
Date de la décision : 07/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL NOMODOS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-07;21nt00522 ?
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