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27/09/2022 | FRANCE | N°22NT01668

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 27 septembre 2022, 22NT01668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M'Piké Micheline A..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs G... I... F..., J... B... F... et K... F..., et L... C... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions de l'autorité consulaire française refusant de délivrer à Mme C... M... E... et aux jeunes G... I..

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M'Piké Micheline A..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs G... I... F..., J... B... F... et K... F..., et L... C... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions de l'autorité consulaire française refusant de délivrer à Mme C... M... E... et aux jeunes G... I..., J... B... et K... F... des visas de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par une ordonnance no 2112826 du 17 mai 2022, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes a donné acte du désistement de Mme A... et de Mme F... de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2022, Mme M'Piké Micheline A..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs G... I... F..., J... B... F... et K... F..., et L... C... F..., représentées par Me Régent, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire délivrer les visas sollicités ou, à défaut, de réexaminer la demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au profit de Me Régent en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elles soutiennent que :

- c'est à tort qu'un désistement d'office a été prononcé alors, d'une part, que l'ordonnance du juge du référé-suspension et son courrier de notification n'ont été communiqués ni à Mme A..., ni à Mme F..., et, d'autre part, qu'elles ont confirmé le maintien de leur requête par un courrier du 16 décembre 2021 ;

- la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ;

- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas procédé à un examen de la situation particulière des demandeurs ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Par une décision du 2 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a accordé à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Régent, représentant Mme A... et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme M'Piké Micheline A..., ressortissante ivoirienne née le 29 janvier 1982 à Bonoua, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 16 juillet 2019. Le 5 février 2020, des demandes de visa ont été présentées auprès du consulat général de France à Abidjan pour ses enfants mineurs G... I... F... né le 14 novembre 2005, Daniel Lionnel B... F... né le 18 mai 2009 et Hilarie Reine Esther F... née le 8 juin 2016, ainsi que pour sa fille Mme C... F..., née le 19 octobre 2001, au titre de la réunification familiale. Le recours formé contre la décision implicite née du silence gardé par les autorités consulaires a été rejeté par une décision du 5 août 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Mme A... et Mme F... relèvent appel de l'ordonnance par laquelle la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes a donné acte aux demanderesses du désistement d'office de leur recours pour excès de pouvoir contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. À défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté. ". Il résulte de ces dispositions que, pour ne pas être réputé s'être désisté de sa requête à fin d'annulation ou de réformation, le requérant qui a présenté une demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit, si cette demande est rejetée au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance du juge des référés, sous réserve que cette notification l'informe de cette obligation et de ses conséquences et à moins qu'il n'exerce un pourvoi en cassation contre l'ordonnance du juge des référés. Il doit le faire par un écrit dénué d'ambiguïté. S'il produit, dans le délai d'un mois, un nouveau mémoire au soutien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation, ce mémoire vaut confirmation du maintien de cette requête.

3. En vertu de l'article R. 522-12 du code de justice administrative, applicable aux procédures de référés urgents, " l'ordonnance est notifiée sans délai et par tous moyens aux parties. "

4. En vertu du deuxième alinéa de l'article R. 411-6 du code de justice administrative, lorsqu'une requête " est présentée par plusieurs personnes physiques ou morales, tous les actes de la procédure sont accomplis à l'égard du représentant unique mentionné à l'article R. 411-5 ". Aux termes de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. / Lorsqu'une requête (...) a été présenté par plusieurs personnes physiques ou morales, la décision est notifiée au représentant unique mentionné, selon le cas, à l'article R. 411-5 ou à l'article R. 611-2. Cette notification est opposable aux autres signataires. / Lorsqu'une requête (...) a été présenté par un mandataire pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, la décision est notifiée à celle des personnes désignée à cette fin par le mandataire avant la clôture de l'instruction ou, à défaut, au premier dénommé. Cette notification est opposable aux autres auteurs de la requête (...). "

5. L'application de ces dispositions, qui permettent à la juridiction d'effectuer les actes de procédure à l'égard d'un seul des auteurs d'une requête présentée par plusieurs personnes physiques ou morales, doit cependant être combinée avec celles de l'article R. 411-5 du code de justice administrative, qui dispose que : " Sauf si elle est signée par un mandataire régulièrement constitué, la requête présentée par plusieurs personnes physiques ou morales doit comporter, parmi les signataires, la désignation d'un représentant unique. / À défaut, le premier dénommé est avisé par le greffe qu'il est considéré comme le représentant mentionné à l'alinéa précédent (...) ".

6. Ainsi, les dispositions des articles R. 411-6 et R. 751-3 du code de justice administrative n'ont pour effet ni d'exclure de la procédure, sans qu'un avertissement ait été préalablement délivré, les requérants autres que le premier dénommé, ni de permettre de regarder ce dernier comme un représentant unique sans qu'il en ait été préalablement informé par la juridiction.

7. Il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 30 novembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de Mme A... et Mme F... de suspension de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France au motif qu'il n'était pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. L'ordonnance de référé du 30 novembre 2021 a été notifiée le 2 décembre suivant à Mme A... par courrier recommandé avec avis de réception, ainsi qu'en atteste l'avis postal mentionnant une présentation du pli le 2 décembre 2021, sans que celui-ci ait été ultérieurement retiré par son destinataire. Le courrier de notification de l'ordonnance de référé du 30 novembre 2021, de même d'ailleurs que sa copie adressée au conseil de Mme A... via l'application Télérecours, réceptionnée le 30 novembre 2021, mentionnaient qu'à défaut de confirmation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance de référé, du maintien de sa requête en annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, Mme A... serait réputée s'être désistée de cette requête. Aucune confirmation de cette requête n'a été enregistrée dans le mois suivant la notification de l'ordonnance du juge des référés. Si Mme A... soutient qu'elle a, par un courrier de son conseil du 16 décembre 2021, informé le tribunal administratif de son changement d'adresse, un tel courrier ne peut être regardé comme un écrit dénué d'ambiguïté valant confirmation du maintien de sa requête à fin d'annulation.

8. En revanche, alors que tant le recours à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France que le recours en référé présenté sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative avaient été introduits par Mme A... et Mme F..., il ressort des pièces du dossier de référé que l'ordonnance du juge des référés n'a pas été notifiée à Mme F.... En outre, il ne ressort pas des pièces du même dossier que, faute de désignation d'un représentant unique, le greffe du tribunal administratif de Nantes ait avisé Mme A... de ce qu'elle était considérée comme la représentante unique du recours en référé. Dès lors, l'absence de notification à Mme F... de l'ordonnance de référé suspension assortie de l'information qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête en annulation dans le délai d'un mois, elle serait réputée s'être désistée, faisait obstacle à l'application des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative en ce qui concerne les conclusions présentées par Mme F....

9. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes lui a donné acte du désistement d'office de son recours pour excès de pouvoir contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par suite, ses conclusions d'appel doivent être rejetées, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées par son conseil sur le fondement des dispositions articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

10. D'autre part, Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes lui a donné acte du désistement d'office de son recours pour excès de pouvoir contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par conséquent, l'ordonnance attaquée doit être annulée en tant seulement qu'elle a donné acte du désistement d'office du recours pour excès de pouvoir présenté par Mme F....

11. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande en tant seulement qu'elle était présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Nantes.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de reprendre l'instruction de l'affaire et de surseoir à statuer sur le surplus des conclusions présentées par Mme F....

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes du 17 mai 2022 est annulée en tant qu'elle donne acte à Mme F... du désistement de sa demande.

Article 2 : Les conclusions de la requête sont rejetées en tant qu'elles sont présentées par Mme A..., y compris les conclusions présentées pour Me Régent en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête en tant qu'elles sont présentées par Mme F....

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... A..., Mme C... F..., à Me Aude Régent et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. D...Le président,

A. Pérez

La greffière,

K. Bouron

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT01668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01668
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : REGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-27;22nt01668 ?
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