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23/09/2022 | FRANCE | N°21NT02952

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 23 septembre 2022, 21NT02952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2018 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui renouveler son titre de séjour, ainsi que l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination.

Par un jugement nos 1904271, 2002053, 2002054 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a re

jeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2018 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui renouveler son titre de séjour, ainsi que l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination.

Par un jugement nos 1904271, 2002053, 2002054 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2021 M. B..., représenté par Me Murillo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Sarthe des 24 juillet 2018 et 24 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de

2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article

L. 9 du code de justice administrative ; il n'a pas respecté le principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas été demandé la communication des bases documentaires sur lesquelles l'OFII s'est fondé pour conclure à la disponibilité des soins ;

- sur la décision portant refus de titre de séjour : la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : le droit d'être entendu tel qu'il résulte de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'a pas été mis en œuvre avant son édiction ; la décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sur la décision fixant le pays de destination : elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2021 le préfet de la

Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant libyen né le 22 septembre 1970, est entré en France pour la dernière fois le 4 mars 2014 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a obtenu un titre de séjour pour raisons de santé en 2015, qui a été renouvelé jusqu'au 6 décembre 2017. Par une décision du 24 juillet 2018, le préfet de la Sarthe a refusé de renouveler son titre de séjour. Il a, par la suite, de nouveau sollicité du préfet de la Sarthe la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 janvier 2020, le préfet de la Sarthe a pris à son encontre un refus de titre de séjour et une décision portant obligation de quitter le territoire français à compter du 29 février 2020, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration du délai de départ volontaire. M. B... relève appel du jugement du 3 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés des 24 juillet 2018 et 24 janvier 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu de façon suffisante aux moyens présentés par M. B... dans ses écritures de première instance, en particulier à celui tiré d'une erreur d'appréciation quant aux dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir visé l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a été produit à l'instance par le préfet de la

Loire-Atlantique. Ce jugement satisfait aux exigences de motivation posées par l'article L. 9 du code de justice administrative. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité faute d'être suffisamment motivé doit être écarté.

3. En second lieu, si le requérant soutient, s'agissant de la disponibilité d'un traitement approprié dans son pays d'origine, qu'il n'a pu avoir accès aux bases documentaires consultées par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), il ne soutient ni même n'allègue avoir adressé aux services préfectoraux une demande de communication en ce sens. Par ailleurs et en tout état de cause, la base de données de la bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine (BISPO), qui se borne à recenser les sites internet institutionnels et associatifs français, étrangers et internationaux comportant des informations sur l'accès aux soins dans les pays d'origine des demandeurs de titres de séjour pour raison médicale, ainsi que ceux relatifs aux pathologies les plus fréquemment rencontrées, est reprise sous la rubrique " ressources documentaires internationales de santé " en accès libre sur le site internet de l'OFII et doit être regardée comme ayant fait l'objet d'une diffusion publique. Cette liste constitue une aide à la décision pour les membres du collège de médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction des demandes de titre de séjour pour soins, ceux-ci ayant cependant la faculté de s'appuyer sur d'autres données issues de leurs recherches. Dans ces conditions, la circonstance que les premiers juges n'aient pas sollicité la production de ces informations auprès de l'OFII n'affecte pas la régularité du jugement dès lors que, eu égard à l'accessibilité de ces données sur Internet, cette mesure n'était pas utile au règlement du litige. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait méconnu le principe du contradictoire et donc que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

Sur les moyens dirigés contre les refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour. Il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Par un avis du 14 novembre 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est atteint d'un cancer thyroïdien papillaire depuis 2003 sans agent delta, compliqué d'une sclérose cervicale, et présente en outre un diabète de type 2. Les certificats médicaux produits en première instance et en appel, insuffisamment circonstanciés, ne permettent pas de remettre en cause la présomption attachée à l'avis du 14 novembre 2019 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel a estimé que l'intéressé pouvait effectivement bénéficier en Libye d'un traitement approprié à son état de santé. Cela n'est pas davantage établi par les articles de presse présentés relatifs au système de soins libyen. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision portant refus du titre de séjour sollicité par M. B... aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il convient d'écarter, par adoption de motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, moyen que M. B... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. La circonstance que les jeunes D... et C..., nés en 2015, soient scolarisés en France ne suffit pas à établir, alors que les décisions litigieuses n'ont pas pour effet de séparer la cellule familiale et qu'il n'est fait état d'aucun élément qui serait de nature à faire obstacle à la poursuite de la scolarité des enfants hors F..., qu'en prenant les décisions contestées le préfet aurait porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants des requérants.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas où la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. L'appelant qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté en cause, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de la mesure contestée. Le moyen tiré de son droit à être entendu doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article

L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".

13. Comme indiqué au point 7, il ressort des pièces du dossier que M. B... doit être regardé comme pouvant effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le préfet de la Sarthe, en prenant la décision litigieuse, n'a donc pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En troisième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de fixer le pays à destination duquel l'intéressé sera renvoyé. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison des risques encourus dans son pays d'origine, doit être écarté comme inopérant.

15. En quatrième lieu, il convient d'écarter, par adoption de motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, moyen que M. B... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

16. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 24 juillet 2018 et du 24 janvier 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2022.

Le rapporteur

A. E...La présidente

I. Perrot Le président,

F. Bataille

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT029522

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02952
Date de la décision : 23/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET PIGEAU MEMIN CONTE MURILLO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-23;21nt02952 ?
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