Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... F... et M. E... G... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 mai 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'ils avaient formé contre la décision du 29 novembre 2019 du consul général de France à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à Mme B... F... un visa de court séjour en France.
Par un jugement n° 2007644 du 8 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, Mme B... F... et M. D..., représentés par Me Louafi Ryndina, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 mars 2021 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au consul général de France à Douala de délivrer à Mme D... F... le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée en droit et en fait ;
- elle est entachée d'une inexactitude matérielle quant à la situation maritale de la demandeuse de visa ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 371-4 du code civil.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Le Brun,
- et les observations de Me Louafi Ryndin, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D... F..., ressortissante camerounaise née le 16 octobre 1951, a sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun) la délivrance d'un visa de court séjour en France pour visite touristique. Par une décision du 29 novembre 2019, le consul général de France a refusé de lui délivrer le visa sollicité. L'intéressée a alors saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par une décision du 27 mai 2020, la commission a rejeté ce recours. Mme D... F... et M. D..., son fils, relèvent appel du jugement du 8 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette seconde décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 21 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas : " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) / b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".
3. Pour rejeter le recours de Mme D... F..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... F..., qui était âgée de 68 ans à la date de la décision contestée, perçoit, dans son pays, une pension de retraite de 118 000 francs CFA, soit l'équivalent d'environ 181 euros, qu'elle y dispose d'une épargne de près de 8 millions de francs CFA, soit l'équivalent d'environ 12 000 euros, et que l'un de ses fils lui verse, tous les mois, une aide financière variant entre 600 et 800 euros. L'intéressée est également propriétaire, dans le quartier de Bonaberi à Douala, d'un terrain d'une contenance de 2 475 mètres carrés sur lequel est édifiée une habitation, récemment rénovée, où elle vit en compagnie de l'un de ses fils, lequel exploite avec son père une entreprise familiale dans le domaine agricole. Il ressort enfin de pièces produites pour la première fois en appel que Mme D... F... est particulièrement investie, depuis de très nombreuses années, dans la vie locale de sa communauté religieuse. Dans ces conditions, et alors même que plusieurs de ses enfants et ses onze petits-enfants, tous de nationalité française, résident en France, Mme D... F... doit être regardée comme justifiant d'attaches matérielles et morales suffisantes pour constituer des garanties de retour au Cameroun à l'issue de son séjour. S'il est vrai que l'intéressée n'a pas respecté de quelques jours la durée de validité de son visa lors de son dernier séjour en France, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle a été victime peu de temps avant son départ, de manière imprévue, de problèmes de santé ayant nécessité la réalisation d'examens médicaux approfondis. Il est également constant qu'elle en a informé dans les meilleurs délais le consul général de France à Douala et qu'elle s'est acquittée des frais médicaux restés à sa charge. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en confirmant le refus de visa opposé à Mme D... F... pour le motif tiré de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme D... F... et M. B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. Eu égard à ses motifs, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance du visa sollicité à Mme D... F.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme D... F... et M. D... et non compris dans les dépenses.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2021 et la décision du 27 mai 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D... F... le visa de court séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... F... et M. D... une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... F... et M. E... G... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Le Brun, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2022.
Le rapporteur,
Y. Le Brun
Le président,
A. PEREZ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01286