Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.
Par un jugement n° 1605660 du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 août 2019 M. et Mme C..., représentés par
Me Dagnon, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée.
Ils soutiennent que :
- l'imposition litigieuse aurait dû être établie par le centre des impôts de la Guadeloupe ;
- la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu devait, conformément à l'article L. 256 du livre des procédures fiscales et aux travaux préparatoires de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, faire l'objet d'un avis de mise en recouvrement signé et rendu exécutoire par l'autorité compétente et non être mises en recouvrement par voie de rôle ;
- ils se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions référencées BOI-REC-PREA-10-10-10 du 12 septembre 2012, BOI-CF-DG-20 du 12 septembre 2012 et BOI-CF-IOR-10-40 du 12 septembre 2012 ;
- l'administration a en réalité réalisé un contrôle sur place et non sur pièces, et n'a pourtant pas envoyé d'avis de vérification.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2020 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur l'imposition ayant donné lieu à un dégrèvement le 23 décembre 2016 à concurrence de la somme de 6 485 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... est associé à hauteur de 6,83% des parts de la société en participation (SEP) KJD Capital 59, située en Guadeloupe. Cette société, qui a pour activité l'acquisition et la fabrication de matériels neufs en vue de leur mise en location afin de faire bénéficier ses associés des réductions d'impôt régies par l'article 199 undecies B du code général des impôts, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'exercice clos en 2008, à l'issue de laquelle le vérificateur a estimé que la réalité des investissements neufs déclarés pour un montant de 237 508,70 euros n'était pas établie. L'administration a donc remis en cause la réduction d'impôt pratiquée sur ce fondement par M. et Mme C... à raison de ces investissements, à proportion des parts de M. C... dans la société. Conformément à cette rectification, ils ont été assujettis selon la procédure contradictoire à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu assortie des intérêts de retard et d'une majoration de 80% pour manœuvres frauduleuses. Par un jugement du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de M. et Mme C... tendant à la décharge de cette cotisation supplémentaire. M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 23 décembre 2016, postérieure à l'introduction de leur demande devant le tribunal administratif, l'administration a accordé à M. et Mme C... un dégrèvement de la majoration appliquée, soit une somme de 6 485 euros.
Le jugement attaqué n'a toutefois pas prononcé un non-lieu à statuer du fait de ce dégrèvement. Dès lors, il doit, dans cette mesure, être annulé. Il y a lieu, d'une part, d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer et, d'autre part, de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de M. et Mme C....
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 10 du code général des impôts : " Si le contribuable a une résidence unique en France, l'impôt est établi au lieu de cette résidence. / Si le contribuable possède plusieurs résidences en France, il est assujetti à l'impôt au lieu où il est réputé posséder son principal établissement. ".
4. M. C... ayant sa résidence à Brain-sur-L'Authion, dans le Maine-et-Loire, c'est à bon droit que l'imposition litigieuse a été établie dans ce département et non en Guadeloupe, alors même que cette imposition était consécutive à un contrôle effectué par le centre des impôts de la Guadeloupe et que c'est ce dernier qui a établi la proposition de rectification.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 61 du livre des procédures fiscales figurant en section IV " Procédures de rectification ", chapitre 1 " Procédure de redressement contradictoire " de ce livre : " Après l'établissement du rôle ou l'émission de l'avis de mise en recouvrement, le contribuable conserve le droit de présenter une réclamation conformément à l'article L. 190. ". Aux termes de l'article L. 253 du même livre : " Un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs ou, pour les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune relevant des dispositions du 2 du I de l'article 885 W du code général des impôts, au rôle de cet impôt, dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A du même code. / L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement (...) ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 256 du même livre : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ". Enfin aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture. ".
6. Si l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 portant loi de finances rectificative pour 2010 a complété l'article 1658 du code général des impôts en y ajoutant le membre de phrase " ou d'avis de mise en recouvrement ", il ne résulte pas de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires et qui doivent être combinées avec les dispositions précitées de l'article L. 61 du livre des procédures fiscales, que le législateur aurait ainsi entendu faire obligation à l'administration, à peine d'irrégularité, d'émettre un avis de mise en recouvrement lorsqu'elle souhaite établir et recouvrer des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu. La circonstance que l'imposition supplémentaire soit consécutive à la vérification de comptabilité de la SEP KJD 59 réalisée en Guadeloupe et le fait que la proposition de rectification adressée à M. C... provienne de la direction départementale des finances publiques de Guadeloupe n'implique pas davantage d'obligation pour l'administration de procéder par avis de mise en recouvrement et non par voie de rôle.
7. En troisième lieu, M. et Mme C... invoquent l'instruction publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-REC-PREA-10-10-10 du 12 septembre 2012. Cette instruction relative aux modalités de mise en recouvrement des impositions ne constitue pas une interprétation de la loi fiscale invocable en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Ce moyen est donc inopérant au regard du présent litige d'assiette.
8. Les requérants ne sont pas fondés, sur le même fondement, à invoquer l'instruction référencée BOI-CF-DG-20 du 12 septembre 2012 dès lors que son objet concerne l'organisation du contrôle fiscal et la détermination des services en charge de ce contrôle, et à se prévaloir de l'instruction référencée BOI-CF-IOR-10-40 du 12 septembre 2012, s'agissant d'une instruction administrative relative à la procédure d'imposition.
9. En quatrième lieu, si M. et Mme C... soutiennent que l'administration a en réalité procédé à un contrôle sur place pour lequel elle était tenue de leur envoyer un avis de vérification, il est constant que le seul contrôle sur place a été réalisé sous la forme d'une vérification de comptabilité à l'égard de de la SEP KJD Capital 59. Il en résulte, d'une part, que le contrôle sur pièces réalisé à l'encontre de M. et Mme C... n'exigeait pas que ces derniers fussent informés de ce contrôle au préalable et, d'autre part, que les moyens tirés de ce que la vérification de comptabilité de la SEP KJD Capital 59 aurait été irrégulière, en méconnaissance des dispositions des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales sont, en vertu du principe d'indépendance des procédures, inopérants dans le cadre de la contestation de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. C... a été assujetti.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1605660 du tribunal administratif de Nantes du 18 juillet 2019 est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de
6 485 euros.
Article 2 : A concurrence de la somme de 6 485 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2022.
La présidente-rapporteure
I. B...L'assesseur
A. PenhoatLa greffière
S. Pierodé
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03216