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20/09/2022 | FRANCE | N°21NT01835

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 septembre 2022, 21NT01835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme E... C... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 20 novembre 2019 de l'ambassade de France à Alger (Algérie) refusant de délivrer à M. A... D... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2010751 du 10 mai 2021, le tribunal

administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme E... C... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 20 novembre 2019 de l'ambassade de France à Alger (Algérie) refusant de délivrer à M. A... D... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2010751 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2021, et un mémoire en production de pièces enregistré le 10 janvier 2022 (non communiqué), M. A... D... et Mme E... C... épouse D..., représentés par Me Plateaux, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- il n'est pas établi que la commission ait été régulièrement composée à l'occasion de l'examen de leur recours préalable, ni même qu'elle se soit réunie ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, au regard de la réalité de l'intention matrimoniale ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention internationale des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par décision du 1er février 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes a admis Mme E... C... épouse D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... est un ressortissant algérien né le 14 février 1972. Il a épousé le 1er septembre 2018 Mme E... C..., ressortissante française, et a sollicité un visa d'entrée en France auprès de l'ambassadeur de France à Alger (Algérie) en qualité de conjoint de français. Par une décision du 20 novembre 2019, cette dernière autorité a rejeté sa demande. M. D... et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision consulaire. Par un jugement du 10 mai 2021, le tribunal administratif a rejeté leur demande. M. A... D... et Mme E... C... épouse D... relèvent appel de ce jugement.

2. En premier lieu, les moyens tirés de l'absence de réunion de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et de l'irrégularité de la composition de cette commission ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre d'une décision implicite et doivent, par suite, être écartés.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, désormais repris à l'article L. 312-3 du même code : " Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de français qu'en cas de fraude, d'annulation de mariage ou menace à l'ordre public (...) ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense présenté par le ministre en première instance, que pour refuser de délivrer le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré du caractère complaisant du mariage, conclu à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur.

5. Pour établir que le mariage est entaché de fraude, le ministre de l'intérieur relève que M. D... est entré en France en janvier 2018 sous couvert d'un visa d'une durée de 15 jours délivré par les autorités espagnoles, dont il a détourné l'objet pour se maintenir irrégulièrement en France, après le rejet de sa demande d'asile, jusqu'à son retour en Algérie en août 2019. Le ministre de l'intérieur fait également état de ce qu'il n'existe ni preuve de contacts avant le mariage, ni maintien d'échanges réguliers et constants entre les époux depuis leur union. Les requérants n'indiquent pas les circonstances précises de leur rencontre en avril 2018, quelques mois avant la date du mariage, et ne produisent aucun élément permettant de justifier de l'existence d'une vie commune, avant ou après celui-ci. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a signé un contrat de bail d'habitation le 20 novembre 2019, à son seul nom, et sans mentionner son mari. Les documents produits par les intéressés ne permettent pas davantage d'identifier de manière précise un projet de vie commune du couple. La seule circonstance que l'autorité judiciaire ne se soit pas opposée à la transcription de l'acte de mariage n'est pas à elle seule de nature à attester de la réalité de l'intention matrimoniale. Dans ces conditions, et en dépit de ce que Mme C... se serait rendue quelques jours en Algérie en 2019 et en 2020, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'une fraude de nature à justifier légalement le refus de visa sollicité. Dès lors, le moyen tiré de ce que la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 211- 2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, la décision contestée n'a pas porté atteinte au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... et de Mme C... épouse D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., Mme E... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT01835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01835
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : PLATEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-20;21nt01835 ?
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