Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B..., M. E... B... et Mme C... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires françaises à Oran du 18 février 2020 refusant un visa d'entrée et de long séjour à l'enfant Fehti Badr Iddine B....
Par un jugement n° 2009930 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juin 2021, et un mémoire enregistré le 4 février 2022 (non communiqué), Mme D... B..., M. E... B... et Mme C... F..., représentés par Me Schauten, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires françaises à Oran du 18 février 2020 refusant un visa d'entrée et de long séjour à l'enfant Fehti Badr Iddine B... ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, à défaut, de procéder au réexamen de la demande, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation s'agissant des conditions d'accueil de l'enfant ;
- la décision contestée méconnait les stipulations des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par une décision du 30 août 2021, le président de la section du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes chargée d'examiner les demandes relatives aux affaires portées devant la cour a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de Mme D... B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B..., ressortissante française née le 23 octobre 1988 à Oran (Algérie), s'est vu confier l'enfant Fehti Badr Iddine B..., ressortissant algérien né le 8 octobre 2005, dont elle est la sœur, par un acte de recueil légal (Kafala) du 9 septembre 2019 du président de la section des affaires familiales du tribunal d'Oran. Les autorités consulaires françaises à Oran ayant refusé de délivrer à l'enfant un visa de long séjour par une décision du 5 mars 2020, Mme B... a formé un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Ce recours a été implicitement rejeté par la commission. Mme D... B..., M. E... B... et Mme C... F... relèvent appel du jugement du 12 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation de cette décision de la commission de recours.
2. Il ressort des pièces du dossier et notamment du mémoire en défense du ministre présenté en première instance, que pour refuser le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que Mme B... ne justifiait pas de ressources financières suffisantes pour pouvoir garantir des conditions de vie satisfaisantes à son frère, âgé de 15 ans.
3. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, Mme D... B... percevait des revenus d'environ 890 euros par mois, dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel et à durée déterminée, en qualité d'agent d'entretien. Si Mme B... produit une promesse d'embauche du 21 décembre 2020 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, ce document, qui concerne en tout état de cause un travail à temps partiel, est postérieur à la décision contestée. Mme B..., dont le mari est sans emploi et percevait des allocations chômage d'environ 550 euros par mois, est mère d'un enfant âgé de 11 ans et louait à la date de la décision contestée un appartement d'une superficie de 53 m2 ne comprenant que deux chambres. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la synthèse des relevés bancaires de M. et Mme B..., produite en appel, ne fait pas état de ressources suffisantes et stables permettant d'accueillir l'enfant à la date de la décision contestée. Par ailleurs Mme B... n'établit pas ni même n'allègue rendre visite à son frère en Algérie, ou contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, qui vit avec ses parents et ses autres frères et sœurs en Algérie, pays où il est scolarisé. Elle ne justifie pas mieux avoir développé des liens personnels avec son frère, ni que les parents de l'enfant ne pourraient pas le prendre en charge dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de délivrer le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... B..., M. E... B... et Mme C... F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., M. E... B..., Mme C... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.
Le rapporteur,
A. A...Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT01595