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20/09/2022 | FRANCE | N°21NT01553

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 septembre 2022, 21NT01553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E..., et Mme F... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juin 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 13 février 2017 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à M. B... C..., M. G... et Mme F... C... un visa de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 1711355 du 9 avril 20

21, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E..., et Mme F... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juin 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 13 février 2017 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à M. B... C..., M. G... et Mme F... C... un visa de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 1711355 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B... C..., M. G... et à Mme F... C... les visas sollicités, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que les actes d'état-civil produits ne sont pas probants et ne permettent d'établir ni l'identité des demandeurs de visa, ni le lien familial avec M. C... ; le lien familial n'est pas mieux démontré par les éléments de possession d'état ; les visas ont été obtenus par fraude.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2021, M. E..., Mme F... C... et M. B... C..., représentés par Me Pollono, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

M. C... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25% par une décision du 4 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me Pollono, représentant M. E..., Mme F... C... et M. B... C....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant guinéen né le 18 janvier 1970, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par décision de l'OFPRA du 30 septembre 2010. Son épouse alléguée, Mme F... C..., et leurs enfants allégués B... C..., né le 25 juin 2002 et G..., né le 13 avril 2005, ainsi que M. D... C..., né le 21 juillet 1997, fils allégué du requérant issu d'une précédente union, ont sollicité le 17 août 2016 la délivrance de visas de long séjour en qualité de membres de famille d'un réfugié. Par une décision du 13 février 2017, l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) a refusé de leur délivrer les visas sollicités. Par une décision du 7 juin 2017, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision consulaire. Par un jugement du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse la délivrance d'un visa de long séjour à Mme F... C..., à Diouma C... et à G.... Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger (...) qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 (...) sont applicables. / (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code, alors en vigueur : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. " Aux termes de l'article L. 411-3 du même code, alors en vigueur : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ". La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation invoqués à l'appui des demandes de visa.

3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, prévoit par ailleurs, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les demandes de visa au motif que l'identité des intéressés et leur lien familial à l'égard de M. C... n'étaient pas établis.

5. D'une part, s'agissant de Mme F... C..., ont été produits pour établir son identité et le lien familial avec M. C..., le volet n° 1 d'un extrait de l'acte de mariage n° 657 dressé par le maire de la commune de Matoto (Conakry), faisant état d'un mariage célébré le 12 mai 2000 à 15h55 entre M. E... et Mme F... C..., une copie de livret de famille comportant l'extrait de l'acte de mariage n° 657, l'acte de naissance n°2275/1991 dressé par l'officier d'état civil de Mali le 16 juin 1975 ainsi que son passeport. Les circonstances que l'acte de naissance de Mme C... aurait été établi un dimanche, ce qui ne ressort au demeurant pas des pièces du dossier, et que M. C... aurait commis une erreur sur la date de naissance de l'intéressée lors de ses déclarations devant l'OFPRA, ne sont pas de nature à retirer aux actes produits par la requérante leur valeur probante en ce qui concerne le lien marital, notamment en l'absence de toute contradiction ou incohérence entre les documents.

6. D'autre part, s'agissant de MM. Diouma C... et G..., ont été produits, pour établir leur identité et le lien familial avec M. C..., les actes de naissance n°2002/521 et n°2005/043 établis les 11 juillet 2002 et 29 avril 2005, faisant état de la naissance des enfants les 25 juin 2002 et 13 avril 2005 de l'union de Mme H... et de M. E... et de Ramatoulaye C.... Pour remettre en cause le caractère probant de ces documents, le ministre de l'intérieur relève que M. D... C..., qui s'est présenté comme étant un autre enfant du couple, a reconnu devant les services de police, après son interpellation en France, que M. E... était en réalité un " passeur ". Toutefois, cette seule circonstance n'est pas de nature à retirer à ces actes leur valeur probante, notamment en l'absence de toute contradiction ou incohérence entre les documents comme en l'absence de toute information sur les suites qui auraient été données à ces déclarations. Par ailleurs les énonciations contenues dans les actes de naissance sont conformes aux différentes déclarations faites par M. E... devant l'OFPRA.

7. Il suit de ce qui précède qu'en estimant que l'identité des demandeurs de visa, et partant, leur lien familial à l'égard de M. E... n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. E... et de Mme F... C..., la décision du 7 juin 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 13 février 2017 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à M. B... C..., M. G... et Mme F... C... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.

Sur les frais liés au litige :

9. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25%. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 500 euros à Me Pollono dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Pollono, avocate des requérants, la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pollono renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E..., Mme F... C..., M. B... C..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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No 21NT01553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01553
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-20;21nt01553 ?
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