Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... Belhadi et Mme H... G... épouse Belhadi ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 2 octobre 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté leur recours formé contre les décisions du 19 juin 2019 des autorités consulaires françaises à Alger refusant de délivrer à I..., A... et K... Belhadi les visas qu'ils sollicitaient en qualité d'enfants étrangers d'un ressortissant français.
Par un jugement n° 1912590 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 octobre 2020 et 20 avril 2021, M. B... Belhadi et Mme H... G... épouse Belhadi, représentés par Me Routier-Soubeiga, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 2 octobre 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer les demandes de visa ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions consulaires sont illégales eu égard aux dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'ils en ont vainement demandé la communication des motifs par courrier du 30 juillet 2019 ;
- les décisions consulaires sont entachées d'erreur de droit dès lors qu'ils ont sollicité pour leurs enfants des visas de long séjour et non, comme mentionné dans ces décisions, de court séjour ;
- la décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ; M. Belhadi a divorcé de Mme E... le 3 mai 2017 ; l'action en contestation de la nationalité de M. Belhadi est pendante devant la cour d'appel de Douai et, comme il l'était à la date de la demande de visa, il est toujours ressortissant français ; aucune fraude avérée au sens de la circulaire interministérielle du 17 janvier 2006 relative au regroupement familial des étrangers n'est établie ; l'argument tenant à la bigamie de M. Belhadi et à sa nationalité ne peuvent fonder la décision ;
- la décision est intervenue en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les enfants du couple sont séparés de leurs parents et de leur frère né le 27 août 2019 ; la fraude alléguée à la nationalité n'est pas établie ; la fille de M. Belhadi, qui est établi en France depuis plus de dix ans, née de sa relation avec Mme E..., réside en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme Belhadi ne sont pas fondés.
Mme Belhadi a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2020 rectifiée le 20 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- et les conclusions de M. Mas, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. Belhadi, né le 10 mai 1980, et Mme H... G... épouse Belhadi, ressortissante algérienne qu'il a épousée en 2005, ont sollicité le 13 mars 2019 auprès des autorités consulaires françaises à Alger (Algérie) la délivrance de visas permettant à leurs enfants I... Belhadi, né le 24 mai 2007, A... Belhadi, né le 20 février 2010 et K... Belhadi, né le 6 mai 2014 de venir s'établir en France en qualité d'enfants étrangers d'un ressortissant français. Par une décision implicite née le 2 octobre 2019 la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, formé contre les décisions des autorités consulaires françaises à Alger du 19 juin 2019 refusant de délivrer les visas sollicités. Par un jugement du 2 juillet 2020, dont M. et Mme Belhadi relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision de la commission de recours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prise sur recours préalable obligatoire se substitue à la décision de refus prise par les autorités consulaires. Il suit de là que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions de l'autorité consulaire du 19 juin 2019, et de l'erreur de droit qu'auraient commise ces mêmes autorités en examinant les demandes de visas comme tendant à la délivrance de visas de courts séjours, sont inopérants au soutien des conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours qui, même implicite, s'est totalement substituée à celles des autorités consulaires. Ces moyens doivent, dès lors, être écartés.
3. En second lieu il ressort des pièces du dossier et notamment du mémoire en défense du ministre de l'intérieur que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France opposant un refus à la demande de visa présentée pour les trois enfants mineurs de M. Belhadi nés de sa première union contractée en 2005 avec une ressortissante algérienne, est fondée sur l'engagement par le ministère public en 2018 d'une procédure juridictionnelle tendant à l'annulation de la déclaration d'acquisition de la nationalité française de M. Belhadi devant la juridiction judiciaire, cette naturalisation ayant été acquise par fraude et les enfants ne pouvant par suite se prévaloir de la nationalité française de leur père qui avait dissimulé à cette occasion sa situation de bigamie.
4. Il est constant que M. Belhadi a acquis la nationalité française en 2015 par déclaration en conséquence de son second mariage, contracté en 2009 avec une ressortissante française, alors que le mariage contracté avec Mme H... G... n'avait pas été dissout.
5. Il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, alors même que les faits pris en compte n'auraient pas fait l'objet d'une décision définitive de l'autorité judiciaire.
6. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a eu connaissance en cours d'instruction des demandes de visas déposées pour ses enfants algériens par M. Belhadi qu'il existait une suspicion de fraude pesant sur les conditions d'acquisition de la nationalité française par ce dernier, dès lors qu'à la date d'enregistrement de sa déclaration d'acquisition de la nationalité française, le 10 février 2016, il avait dissimulé être en situation de bigamie, laquelle n'a pris fin que le 3 mai 2017, date du jugement de divorce avec son épouse française Une telle situation se serait alors opposée à son acquisition de la nationalité française eu égard à la législation française interdisant cette pratique. Dans ces conditions, c'est par une exacte application du principe rappelé au point 5, afin de faire échec à la fraude commise par M. Belhadi afin d'acquérir la nationalité française, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la déclaration d'acquisition de la nationalité française par M. Belhadi était devenue définitive, que le ministre de l'intérieur s'est opposé à la délivrance aux trois enfants algériens du requérant de visas demandés en qualité d'enfants d'un ressortissant français.
7. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation, soulevés par M. Belhadi aux motifs que la fraude ainsi reprochée n'était pas établie par la juridiction judiciaire à la date de la décision contestée et qu'il n'est plus en situation de bigamie depuis son divorce avec sa seconde épouse, ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. D'une part, ainsi qu'il a été exposé au point 6, il existait à la date de la décision contestée de la commission une suspicion de fraude, au demeurant sérieuse, commise par M. Belhadi à l'acquisition de la nationalité française alors que c'est en qualité d'enfants d'un ressortissant français qu'il avait déposé des demandes de visa pour ses enfants algériens. D'autre part, s'il est constant que Mme Belhadi, mère de ces derniers, bénéficie d'un certificat de résidence algérien valable dix ans délivré par les autorités françaises le 5 février 2019, il demeure que sa séparation d'avec ses enfants résulte de son choix de venir s'établir en France en janvier 2019. La nature des relations de ces trois enfants avec leur père n'est par ailleurs pas établie par les pièces produites par l'appelant, alors que ce dernier indique être établi en France depuis 2010. Enfin il ressort des pièces du dossier que la séparation de ces enfants d'avec leurs parents n'a pas empêché leur scolarisation. Dans ces conditions, c'est sans méconnaitre les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la décision contestée est intervenue.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Belhadi ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de la décision implicite, née le 2 octobre 2019, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé la délivrance des visas sollicités pour leurs enfants I..., A... et Aymène Belhadi en qualité d'enfants étrangers d'un ressortissant français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme Belhadi, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction qu'ils présentent ne peuvent être accueillies.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en l'espèce, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés non compris dans les dépens
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme Belhadi est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... Belhadi, à Mme H... G... épouse Belhadi et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.
Le rapporteur,
C. Rivas
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03311