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16/09/2022 | FRANCE | N°22NT00753

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 septembre 2022, 22NT00753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 30 juillet 2021 par laquelle le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour.

Par une ordonnance du 20 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a donné acte du désistement d'instance de Mme D... épouse A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2022, Mme D... épouse A..., représentée pa

r Me Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 janvier 2022 ;

2°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 30 juillet 2021 par laquelle le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour.

Par une ordonnance du 20 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a donné acte du désistement d'instance de Mme D... épouse A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2022, Mme D... épouse A..., représentée par Me Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 janvier 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 30 juillet 2021 par laquelle le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de renouveler son titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le magistrat délégué a méconnu les dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative et a commis une erreur de fait ;

- la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant de la menace à l'ordre public ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme D... épouse A... n'est fondé.

Mme D... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet, première conseillère,

- et les observations de Me Launay, représentant Mme C... épouse A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse A..., ressortissante mongole née le 1er janvier 1978, déclare être entrée irrégulièrement en France en février 2006 sous couvert d'une autre identité. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), tout comme son recours contre cette décision par la Commission de recours des réfugiés le 7 novembre 2007. Elle a été bénéficiaire d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, de février 2010 à février 2011, et n'a révélé sa véritable identité qu'en 2013 à l'occasion d'une demande de titre de séjour auprès du préfet d'Ille-et-Vilaine. Elle a été condamnée à trois mois d'emprisonnement avec sursis le 19 avril 2016 pour usage d'une fausse identité. Puis, elle s'est installée au Havre et le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa nouvelle demande de titre de séjour par un arrêté du 11 avril 2016, en lui enjoignant également de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Rouen a prononcé l'annulation de cet arrêté par un jugement du 27 avril 2017, dont il n'a pas été fait appel. Après avoir de nouveau déménagé pour s'installer à Caen, l'intéressée a obtenu du préfet du Calvados le bénéfice de cartes de séjour temporaires mention " vie privée et familiale " successivement délivrées du 2 février 2018 au 1er février 2021 sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décision du 30 juillet 2021, le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, ce qu'elle a contesté devant le tribunal administratif de Caen. Mme C... épouse A... relève appel de l'ordonnance du 20 janvier 2022 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a donné acte de son désistement d'instance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / (...) ". Aux termes de l'article R. 523-1 du même code : " Le pourvoi en cassation contre les ordonnances rendues par le juge des référés en application des articles L. 521-1(...) est présenté dans les quinze jours de la notification qui en est faite en application de l'article R. 522-12 ". En application de ces dispositions, il ne peut être donné acte d'un désistement d'office faute de confirmation de la demande au fond que lorsque le requérant n'a pas formé de pourvoi en cassation à l'encontre de l'ordonnance de référé.

3. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant le tribunal administratif de Caen que le juge des référés de ce tribunal, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de Mme C... épouse A... tendant à la suspension de l'exécution de la décision du préfet du Calvados du 30 juillet 2021 par une ordonnance du 12 novembre 2021, au motif qu'aucun des moyens soulevés n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. En l'absence de confirmation de la requête au fond par la requérante, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen a donné acte à Mme C... épouse A... de son désistement, par l'ordonnance attaquée du 20 janvier 2022, mettant fin aux instances engagées contre la décision litigieuse.

4. Toutefois, le pli envoyé par le tribunal administratif de Caen, en lettre recommandée avec accusé de réception, à la requérante pour lui notifier l'ordonnance de référé du 12 novembre 2021 ne lui est pas parvenu. Dès lors, le délai de recours ouvert par l'article R. 523-1 du code de justice administrative pour exercer un pourvoi en cassation ne lui était pas opposable. Ainsi que le soutient Mme C... épouse A..., elle a exercé un pourvoi en cassation contre l'ordonnance de référé du 12 novembre 2021 par requête enregistrée le 20 décembre 2021 au greffe du Conseil d'Etat. Dans ces conditions, Mme C... épouse A... est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée du 20 janvier 2022 est irrégulière. Il y a lieu, par suite, d'annuler cette ordonnance, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... épouse A... devant le tribunal administratif de Caen.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 juillet 2021 :

5. Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

6. Pour rejeter, sur les fondements des dispositions combinées des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par Mme C... épouse A..., le préfet du Calvados a estimé que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public dès lors qu'elle a été condamnée le 16 avril 2016 par le tribunal correctionnel du Havre à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis pour usage de faux documents administratifs et obtention frauduleuse de document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité.

7. Mme C... épouse A..., qui ne conteste pas les faits pour lesquels elle a été condamnée, soutient que ces faits, anciens et isolés, ne constituent pas une menace à l'ordre public et que le refus du préfet porte atteinte à sa vie privée et familiale. Toutefois, d'une part, la requérante est entrée de manière irrégulière en France pour y vivre sept ans sous une fausse identité et une nationalité inexacte, éléments qu'elle a utilisés pour solliciter l'asile en France mais aussi qui lui ont permis d'obtenir un titre de séjour en qualité d'étranger malade de février 2010 à février 2011. Elle s'est maintenue ensuite délibérément irrégulièrement sur le territoire pendant plusieurs années même après avoir révélé sa véritable identité à l'administration française. En outre, son époux, M. A... qui se trouve également en situation irrégulière sur le territoire, a été condamné par un arrêt de la Cour d'appel de Rennes en date du 25 septembre 2014 à une peine de trois ans d'emprisonnement pour avoir eu un rôle important dans une activité habituelle de recel dans le cadre d'un réseau organisé collectant des quantités importantes de marchandises volées pour en assurer le transport en Mongolie. Il ressort de cet arrêt que M. A... réceptionnait et stockait les colis de marchandises au domicile du couple où a notamment été découvert une liste récapitulant l'envoi ou la réception de 32 colis. Mme C... épouse A... ne pouvait, compte tenu des volumes concernés et de l'importance du trafic, ignorer l'activité de son époux.

8. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'intéressée, dont l'époux est en situation irrégulière en France, ne fait état d'aucun obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue avec ses enfants et son époux dans leur pays d'origine où ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. Si elle produit un contrat d'intégration républicaine du 28 janvier 2019, un certificat de suivi de formation linguistique du 16 janvier 2019 et des certificats de suivi de formation civique de 2018, elle ne justifie néanmoins d'une insertion professionnelle que depuis 2018 et ne fait pas état de liens sociaux ou amicaux en dépit d'une longue période de présence en France.

9. En estimant, dès lors, que la présence de Mme C... épouse A... en France constitue une menace à l'ordre public, compte-tenu de la nature et de la gravité des faits qui lui sont reprochés, alors même que la requérante n'a pas été personnellement pénalement poursuivie pour des faits de recels, et en refusant, en conséquence, de lui renouveler sa carte de séjour temporaire, le préfet du Calvados n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées et n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Enfin, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...). ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. La circonstance que la présence de l'étranger constituerait une menace à l'ordre public ne le dispense pas de son obligation de saisine de la commission.

11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la requérante ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contrairement à ce qu'elle soutient. Par suite, le préfet du Calvados n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande. Le moyen tiré du défaut de saisine de cette commission doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme C... épouse A... doit être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen du 20 janvier 2022 est annulée.

Article 2 : La demande de Mme C... épouse A... présentée devant le tribunal administratif de Caen et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A..., à Me Launay et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 30 août 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Brisson, présidente assesseure,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2022.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00753


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00753
Date de la décision : 16/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-16;22nt00753 ?
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