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16/09/2022 | FRANCE | N°21NT02775

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 septembre 2022, 21NT02775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, sous le n° 1811100, d'annuler la décision du 9 octobre 2018 par laquelle le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique lui a refusé l'extension de son agrément d'assistante maternelle pour l'accueil d'un troisième enfant, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, et, sous le n°2000279, d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique lui a ret

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, sous le n° 1811100, d'annuler la décision du 9 octobre 2018 par laquelle le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique lui a refusé l'extension de son agrément d'assistante maternelle pour l'accueil d'un troisième enfant, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, et, sous le n°2000279, d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique lui a retiré son agrément d'assistante maternelle ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°s 1811100, 2000279 du 13 août 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique a retiré à Mme C... son agrément d'assistante maternelle ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux (article 1er), a mis à la charge du département de la Loire-Atlantique une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2), a rejeté la requête n°1811100 (article 3) et a rejeté les conclusions présentées par le département de la Loire-Atlantique sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 2000279 (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 octobre 2021 et le 19 mai 2022, le département de la Loire-Atlantique, représenté par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 4 de ce jugement du 13 août 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique lui a retiré son agrément d'assistante maternelle ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas commis d'erreur d'appréciation en procédant au retrait de l'agrément de Mme C... pour deux motifs distincts à savoir, l'existence de blessures constatées sur le jeune enfant gardé par Mme C... qui lui sont imputables dans le cadre de son activité d'assistante maternelle, de manière directe ou indirecte, ainsi que le manque de collaboration réitéré de Mme C... vis-à-vis des services de la protection maternelle et infantile ;

- aucun des autres moyens soulevés n'est de nature à confirmer la décision d'annulation ; ainsi, il n'y a pas eu méconnaissance des droits de la défense ; Mme C... ne peut utilement se prévaloir de la présomption d'innocence ; il n'a commis aucune erreur de fait.

La requête a été communiquée à Mme C... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 25 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet, rapporteure,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Plateaux, représentant le département de la Loire-Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été titulaire d'un agrément délivré en qualité d'assistante maternelle à compter du 27 février 2018 et portant sur l'accueil de deux enfants de 0 à 10 ans, valable du 6 février 2018 au 5 février 2023. Son agrément a été ensuite modifié temporairement pour la période du 1er juillet 2018 au 1er octobre 2018 en l'habilitant à accueillir en plus un enfant de 18 mois à 10 ans, compte-tenu de la présence de son enfant à son domicile. A la suite d'un signalement auprès du service de la protection maternelle et infantile (PMI) par les parents de l'un des deux premiers enfants que A... C... accueillait, le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique a, par décision du 8 avril 2019, suspendu son agrément pour une durée maximale de quatre mois. Après réunion des membres de la commission consultative paritaire départementale le 2 juillet 2019, qui, par un avis unanime s'est prononcée pour le retrait d'agrément de Mme C..., cette même autorité a, par une décision du 9 juillet 2019, retiré l'agrément de Mme C... puis rejeté implicitement son recours gracieux présenté par lettre du 10 septembre 2019. Par un jugement du 13 août 2021, dont le département de la Loire-Atlantique relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du président du conseil départemental de la Loire-Atlantique du 9 juillet 2019, ainsi que la décision implicite portant rejet du recours gracieux, et a mis à la charge du département une somme de

1 500 euros au titre des frais d'instance.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. / (...) / L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne (...) / (...) ". Aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " (...) / Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. (...) / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être.

4. Pour annuler les décisions du président du conseil départemental de la Loire-Atlantique, le tribunal administratif a relevé que si la pédiatre de l'unité d'accueil des enfants en danger du centre hospitalier universitaire de Nantes a adressé une information préoccupante aux services du département, elle n'a elle-même, lors de la consultation réalisée le 14 mars 2019, constaté aucune lésion traumatique visible sur le cou de l'enfant, de nature à faire suspecter un choc subi par celui-ci lorsqu'il était sous la garde de Mme C..., son compte-rendu évoquant seulement les pétéchies constatées par son médecin traitant le 8 mars 2019. Le tribunal a en outre précisé que le département ne produit, par ailleurs, aucun élément permettant d'établir précisément la nature des constats effectués par ce médecin traitant, alors au demeurant que les pétéchies peuvent avoir des causes multiples, et ne justifiait pas, dès lors, de l'existence d'ecchymoses de localisation et de forme suspectes sur le cou de l'enfant, sur laquelle il s'est fondé pour prononcer le retrait de l'agrément de Mme C.... Les premiers juges ont également estimé qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait rompu le contrat d'accueil du deuxième enfant qu'elle accueillait en raison de ses pleurs importants, l'intéressée ayant toujours indiqué que les parents de l'enfant y ont eux-mêmes mis un terme et que son comportement face aux difficultés rencontrées lors de l'accueil de cet enfant ne permettait pas, par ailleurs, en lui-même, de la regarder comme ne garantissant pas des conditions d'accueil propres à assurer la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la pédiatre de l'unité d'accueil des enfants en danger du centre hospitalier universitaire de Nantes a, le 14 mars 2019, sur la base de clichés photographiques pris par le médecin traitant de l'enfant le 8 mars 2019 et de son compte-rendu, conclu à l'existence d'ecchymoses de localisation et de forme suspectes sur le cou de l'enfant. En outre, Mme C... a nié être à l'origine de ces ecchymoses, dont elle a contesté la réalité et dit ne pas les avoir " visualisées ". Elle a notamment invoqué trois jours après les faits, lors d'un entretien téléphonique le 11 mars 2019 avec la puéricultrice évaluatrice de la PMI de la Loire-Atlantique pour l'informer de la rupture de ce contrat de garde, puis de manière répétée lors de l'enquête administrative, la responsabilité des parents qui auraient trouvé ce faisant selon elle un prétexte pour mettre fin à son contrat de garde ainsi que la négligence et l'hygiène douteuse de ces derniers à l'égard de leur enfant, ce qui aurait justifié qu'elle n'aurait pas prêté attention à d'éventuels marques sur le cou. Elle n'a cependant fait état d'aucun signalement auprès de l'administration à ce sujet avant les faits qui lui sont reprochés. Par ailleurs, il ressort de l'ensemble de ses entretiens avec les professionnels du service de la PMI que Mme C... n'a fait preuve d'aucune empathie envers l'enfant quant à son état de santé et à l'importance des lésions, n'a pas su décrire une journée-type avec lui alors qu'elle le gardait depuis plusieurs mois à la date des faits, et s'est bornée à mettre en avant les conséquences financières qu'un retrait d'agrément aurait pour elle. Au surplus, le premier contrat de garde de Mme C... a également été rompu à l'initiative de parents au bout de trois semaines au motif de difficultés d'adaptations de leur enfant avec des pleurs qui duraient plusieurs heures par jour sans que l'intéressée ne prenne conseil auprès des professionnels du département. Dans ces conditions, en l'absence d'explications suffisantes compte tenu de la nature des faits en cause, alors même que les parents de l'enfant ont relativisé les faits par courriers des 8 mai et 9 septembre 2019 en mentionnant toutefois l'existence de " marques inexpliquées " et que Mme C... justifie d'évaluations positives pour des stages réalisés dans le cadre de sa formation au diplôme du CAP Petite Enfance, qu'elle n'a néanmoins pas terminée, le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique pouvait, sur ce seul motif, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer le retrait de l'agrément d'assistante maternelle de l'intéressée.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur l'erreur d'appréciation pour annuler la décision du président du conseil départemental de la Loire-Atlantique du 9 juillet 2019 portant retrait de l'agrément d'assistante maternelle de Mme C... et la décision implicite rejetant son recours gracieux. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... à l'appui de ses conclusions en annulation présentées devant le tribunal administratif de Nantes.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme C... :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable à la date des décisions en litige : " Lorsque le président du conseil départemental envisage de retirer un agrément, d'y apporter une restriction ou de ne pas le renouveler, il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l'article R. 421-7 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. / L'assistant maternel ou l'assistant familial concerné est informé, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre, de la possibilité de consulter son dossier administratif et de présenter devant la commission ses observations écrites ou orales. (...) / (...). ".

8. Mme C... invoque la violation des droits de la défense au motif qu'elle n'aurait pas reçu communication de l'intégralité de son dossier administratif avant la séance de la commission consultative paritaire départementale du 2 juillet 2019 malgré ses demandes, réitérées par courrier du 22 juillet 2019. Toutefois, d'une part, elle a été informée par courrier du 12 juin 2019 de la présentation de son dossier à la séance de la commission ainsi que de la possibilité de se faire assister ou représenter par un avocat et de prendre connaissance de son dossier à la direction générale solidarité, d'autre part elle n'établit pas avoir effectivement formulé une telle demande avant cette séance. Dans ces conditions, doit être écarté le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire aurait été méconnu.

9. En second lieu, Mme C... soutient que les décisions contestées sont entachées d'erreur de droit en l'absence de poursuites judiciaires à son encontre. Toutefois, l'absence de telles poursuites n'est pas de nature à remettre en cause les constatations telles que décrites au point 6 alors que le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique s'est fondé, pour prendre les décisions contestées, sur le fait que Mme C... ne présentait pas les qualités nécessaires pour assurer la sécurité et l'épanouissement des enfants accueillis conformément aux articles L. 421-3 et R. 421-3 du code de l'action sociale et des familles.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du président du conseil départemental de la Loire-Atlantique du 9 juillet 2019 portant retrait de l'agrément d'assistante maternelle de Mme C... et la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du département de la Loire-Atlantique tendant, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à la condamnation de Mme C... à lui verser la somme qu'il demande au titre des frais de l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n°s 1811100, 2000279 du 13 août 2021 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes, tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique lui a retiré son agrément d'assistante maternelle et de la décision implicite rejetant son recours gracieux, est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du département de la Loire-Atlantique tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié au département de la Loire-Atlantique et à Mme C....

Délibéré après l'audience du 30 août 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Brisson, présidente assesseure,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2022.

Le rapporteur,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉLa greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02775
Date de la décision : 16/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL PUBLI-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-16;21nt02775 ?
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