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16/09/2022 | FRANCE | N°21NT00349

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 septembre 2022, 21NT00349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 17 décembre 2018 portant création de la commune nouvelle de Pont-L'Évêque à compter du 1er janvier 2019, d'autre part, d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 17 juillet 2019 confirmant la création de cette commune nouvelle, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux.

Par un jugement nos 190

0114, 2000102 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 17 décembre 2018 portant création de la commune nouvelle de Pont-L'Évêque à compter du 1er janvier 2019, d'autre part, d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 17 juillet 2019 confirmant la création de cette commune nouvelle, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux.

Par un jugement nos 1900114, 2000102 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2021, et des mémoires enregistrés les 9 février 2022, 27 mai 2022 et 15 juillet 2022, l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut, représentée par Me Bréavoine, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1900114, 2000102 du 21 décembre 2020 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 17 décembre 2018 portant création de la commune nouvelle de Pont-L'Évêque à compter du 1er janvier 2019 ainsi que l'arrêté du 17 juillet 2019 confirmant la création de cette commune nouvelle et la décision rejetant implicitement son recours gracieux ;

3°) à titre subsidiaire, de différer la prise d'effet de l'annulation des arrêtés au 1er janvier 2023 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Pont-L'Évêque la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du préfet du Calvados du 17 décembre 2018 créant à compter du 1er janvier 2019 la commune nouvelle de Pont-l'Évêque et son arrêté du 17 juillet 2019 confirmant cette création sont illégaux du fait de l'illégalité des délibérations des 5 et 11 septembre 2018 des conseils municipaux des communes de Coudray-Rabut et de Pont-L'Évêque, aux motifs que :

* ces délibérations n'ont pas été précédées de la consultation du comité technique paritaire en méconnaissance de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984, vice de procédure qui n'a pas été régularisé par la consultation postérieure du comité technique de la commune nouvelle de Pont-L'Évêque ;

* les délibérations des 5 et 11 septembre 2018 des conseils municipaux de Coudray-Rabut et de Pont-L'Evêque sont irrégulières en raison du défaut d'information des élus en violation des dispositions des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, en l'absence d'envoi d'une note explicative de synthèse et du fait de leur insuffisante information sur le projet notamment en ce qui concerne les conséquences fiscales et budgétaires ;

* la délibération du conseil municipal de Pont-L'Évêque est entachée d'incompétence ;

- l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2018 ne comporte pas toutes les mentions prévues par l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2018 est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du code général des collectivités territoriales ;

- les habitants des communes historiques n'ont pas été informés en méconnaissance des exigences de l'article L. 2141-1 du code général des collectivités territoriales ;

- les arrêtés du préfet du Calvados du 17 décembre 2018 et du 17 juillet 2019 sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation car la commune de Coudray-Rabut va disparaître en l'absence de création d'une commune déléguée, son identité de village rural est méconnue par sa fusion avec la commune urbaine de Pont-l'Évêque dont la population est dix fois supérieure et l'habitat comme l'environnement très différent, les habitants de Coudray-Rabut n'y trouvent aucun bénéfice dans la mesure où leur imposition va subir une " hausse vertigineuse " alors que la qualité du service public ne se trouve en rien améliorée, la commune ancienne de Pont-l'Évêque a une dette de 557 € par habitant alors que la dette de Coudray-Rabut est nulle, enfin la répartition des zones urbaines, agricoles et naturelles y est très différente et la fusion est de nature à stopper le développement de la commune historique de Coudray-Rabut ;

- l'arrêté du préfet du Calvados du 17 juillet 2019 est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté du préfet du Calvados du 17 décembre 2018 qui constitue sa base légale ;

- l'arrêté du préfet du Calvados du 17 juillet 2019 est illégal dès lors qu'il se fonde sur la consultation du comité technique du 7 juin 2019 qui est irrégulière aux motifs qu'aucune information n'accompagnait la convocation à la séance, que s'y trouvait un invité, que le procès-verbal de séance indique de façon erronée que Mme A... était secrétaire et que ce procès-verbal n'a pas été signé par le président, le secrétaire et le secrétaire adjoint, en méconnaissance des dispositions des articles 22, 27 et 28 du décret n° 85-565 du 20 mai 1985 ;

- le vice de forme que constitue l'absence de consultation du comité technique préalablement à l'arrêté du 17 décembre 2018 n'est pas purgée par ce nouvel arrêté dès lors que celui-ci n'a pas différé la création de la commune nouvelle à une date postérieure à la consultation du comité technique ; ce vice de procédure ne peut jamais être régularisé s'agissant d'une garantie constitutionnelle et l'avis rendu par le comité technique de la commune nouvelle de Pont l'Evêque ne peut être regardé comme présentant des garanties équivalentes à celles découlant de la saisine pour avis de chaque comité technique des communes historiques, notamment pour les agents de Coudray-Rabut.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 juillet 2021, 18 février 2022 et 12 mai 2022 et un mémoire récapitulatif enregistré le 31 mai 2022, la commune de Pont-L'Évêque, représentée par Me Craye, dans le dernier état de ses écritures, conclut au rejet de la requête, subsidiairement que l'annulation des arrêtés prendra effet au 1er juin 2023 et à ce qu'en toute hypothèse, soit mise à la charge de l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juillet 2022 à 12 heures.

Un mémoire présenté pour la commune de Pont l'Évêque a été enregistré le 25 juillet à 16 H 33, après la clôture de l'instruction, et non communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-565 du 20 mai 1985 relatif aux comités techniques des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations Me Craye, représentant la commune de Pont-L'Évêque.

Considérant ce qui suit :

1. Par des délibérations concordantes des 5 et 11 septembre 2018, les conseils municipaux de Coudray-Rabut et de Pont-L'Évêque, communes distinctes comportant respectivement 322 et 4 662 habitants, ont demandé la création d'une commune nouvelle destinée à se substituer à elles. Par un arrêté du 17 décembre 2018, le préfet du Calvados a créé la commune nouvelle de Pont-L'Évêque, en lieu et place des communes de Coudray-Rabut et de Pont-L'Évêque, à compter du 1er janvier 2019, en application du 1° de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales. Par un arrêté du 17 juillet 2019, pris après avis du 7 juin 2019 du comité technique paritaire de la commune nouvelle de Pont-L'Évêque et à la suite de la délibération du conseil municipal de cette même commune en date du 11 juin 2019, le préfet du Calvados a confirmé la création de la commune nouvelle de Pont-L'Évêque. Par un recours gracieux exercé le 17 septembre 2019 et reçu le lendemain, l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut a sollicité le retrait ou l'abrogation de cet arrêté. En l'absence de réponse, une décision implicite de rejet est née le 18 novembre 2019. L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés des 17 décembre 2018 et 17 juillet 2019, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Elle relève appel du jugement n° 1900114, 2000102 du 21 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux des 17 décembre 2018 et 17 juillet 2019 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur le moyen tiré de l'illégalité des délibérations des 5 et 11 septembre 2018 des conseils municipaux des communes de Coudray-Rabut et de Pont-L'Evêque :

2. Aux termes de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Une commune nouvelle peut être créée en lieu et place de communes contiguës : 1° (...) à la demande de tous les conseils municipaux (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2113-6 du même code : " II. - L'arrêté du représentant de l'État dans le département prononçant la création de la commune nouvelle détermine le nom de la commune nouvelle, le cas échéant au vu des avis émis par les conseils municipaux, fixe la date de création et en complète, en tant que de besoin, les modalités. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la légalité de l'arrêté du préfet décidant, à la suite des demandes de tous les conseils municipaux de communes contiguës, de créer une commune nouvelle, est subordonnée, notamment, à la régularité de la délibération préalable de leur conseil municipal formulant une telle demande.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1° A l'organisation et au fonctionnement des services ; 2° Aux évolutions des administrations ayant un impact sur les personnels ; 3° Aux grandes orientations relatives aux effectifs, emplois et compétences ; 4° Aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire et de critères de répartition y afférents ; (...) ". Ainsi, la consultation du comité technique paritaire dans les conditions prévues à l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984, qui a pour objet en associant les personnels à l'organisation et au fonctionnement du service d'éclairer les organes compétents, doit obligatoirement intervenir avant que le conseil municipal d'une commune ne prenne parti sur les questions soumises à cette consultation et ainsi, s'agissant de la création de nouvelles communes, avant la délibération du conseil municipal favorable au principe de la fusion. La circonstance que l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales ne fasse pas référence aux dispositions de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 ne peut faire obstacle à l'exigence de cette consultation préalable.

4. Il ressort des pièces du dossier que les délibérations des 5 et 11 septembre 2018 par lesquelles les conseils municipaux de Coudray-Rabut et de Pont-L'Évêque ont respectivement demandé la création d'une commune nouvelle issue de leur fusion, alors même que la création de la commune nouvelle de Pont-L'Évêque soulevait nécessairement des questions sur l'organisation et le fonctionnement des nouveaux services, sur les évolutions des administrations ayant un impact sur les personnels et sur les grandes orientations relatives aux effectifs, emplois et compétences, n'ont pas été précédées de la consultation du comité technique de ces communes.

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. La consultation obligatoire du comité technique préalablement à l'adoption par le conseil municipal d'une délibération demandant la création d'une commune nouvelle, qui a pour objet d'éclairer ce conseil sur la position des représentants du personnel de la commune concernée, constitue pour ces derniers une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. La circonstance que le comité technique de l'ancienne commune de Pont-l'Évêque ait été saisi pour avis le 26 septembre 2018, postérieurement à la délibération du conseil municipal du 11 septembre précédent, ne permet pas de regarder la garantie comme respectée. Dans ces conditions, l'omission de consultation préalable des comités techniques préalablement à l'adoption des délibérations des 5 et 11 septembre 2018, qui a privé les représentants des personnels des communes de Coudray-Rabut et de Pont-L'Évêque d'une garantie, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'arrêté du préfet du Calvados du 17 décembre 2018.

7. Toutefois, l'illégalité procédurale entachant les délibérations des 5 et 11 septembre 2018 et par voie de conséquence affectant la légalité de l'arrêté du préfet du Calvados du 17 décembre 2018 n'implique pas nécessairement la reconstitution des anciennes communes mais seulement de régulariser le vice de procédure dont était entaché l'acte initial. Or, il ressort des pièces du dossier, comme le mentionne d'ailleurs l'arrêté préfectoral du 17 juillet 2019, que le comité technique de la commune nouvelle de Pont-l'Évêque a été consulté et a rendu un avis favorable à la création de la commune nouvelle le 7 juin 2019, avant que, par une délibération du 11 juin 2019, le conseil municipal de la commune nouvelle décide de poursuivre le fonctionnement de celle-ci et demande au préfet de confirmer sa création. Contrairement à ce que soutient l'association requérante dans son mémoire récapitulatif du 27 mai 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres du comité technique de la commune nouvelle ne se seraient pas prononcés en toute connaissance de cause. Par ailleurs, la circonstance que le directeur général des services de la commune ait assisté à la séance du 7 juin 2019 est sans influence sur la régularité de l'avis émis par le comité technique dès lors qu'il n'a pas participé au vote et qu'il n'est aucunement établi qu'il aurait eu une quelconque influence sur le sens de cet avis. De même, la circonstance que le compte-rendu de cette séance mentionnerait à tort comme secrétaire du comité une fonctionnaire qui a simplement aidé à des tâches matérielles ne rend pas davantage l'avis irrégulier. Enfin, la seule circonstance, d'ailleurs sérieusement contredite en défense, que le procès-verbal de la séance n'aurait pas été signé n'est pas de nature à en infirmer le contenu, en l'absence de tout élément en ce sens, et encore moins à établir que le comité technique n'aurait pas été effectivement et régulièrement consulté. Or, d'une part, en raison de la disparition des deux anciennes communes la consultation de leur comité technique respectif et les délibérations de leur conseil municipal respectif étaient impossibles. D'autre part, la consultation du comité technique de la commune nouvelle le 7 juin 2019, qui représentait l'ensemble des personnels puisque les deux agents de l'ancienne commune de Coudray-Rabut ont été intégrés au personnel de la commune nouvelle, peut être regardée comme une formalité équivalente à la double consultation qui aurait dû être accomplie avant les délibérations des conseils municipaux des anciennes communes des 5 et 11 septembre 2018. Dans ces conditions, la délibération du conseil municipal de la commune nouvelle, lequel était constitué à la date du 11 juin 2019 des membres des deux anciens conseils municipaux, peut être regardée comme équivalente à celles des 5 et 11 septembre 2018 dont elle a pu ainsi régulariser le vice de procédure dès lors qu'a été pris postérieurement l'arrêté préfectoral du 17 juillet 2019 confirmant la création de la commune nouvelle de Pont-l'Évêque.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, si les délibérations des conseils municipaux de Coudray-Rabut et de l'ancienne commune de Pont-l'Évêque étaient effectivement illégales en l'absence de consultation préalable des comités techniques de ces communes, le vice en résultant pour l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2018 créant la commune nouvelle a été régularisé par l'intervention de l'avis rendu par le comité technique de la commune nouvelle de Pont-l'Évêque le 7 juin 2019 et la délibération du conseil municipal de la commune nouvelle prise le 11 juin 2019 préalablement à l'intervention de l'arrêté du préfet du Calvados du 17 juillet 2019 réitérant la décision de création de la commune nouvelle. Ainsi, le moyen tiré du défaut de consultation des comités techniques doit être écarté.

9. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour et que le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions mais elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises. D'autre part, l'article L. 2121-13 du même code dispose que " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ". En vertu de cette dernière disposition, le maire doit répondre aux demandes de communication de documents formulées par un membre du conseil municipal si les documents se rattachent à une affaire de la commune et si aucun motif d'intérêt général ne fait obstacle à leur communication, et il est tenu de communiquer aux membres du conseil municipal les documents nécessaires à leur participation à la délibération sur les affaires de la commune.

10. L'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales exigeant que soit adressée une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération avec la convocation aux membres du conseil municipal ne concerne que " les communes de 3 500 habitants et plus " et ne s'appliquait donc pas à l'ancienne commune de Coudray-Rabut. Par ailleurs, il ressort des attestations des membres du conseil municipal de l'ancienne commune de Coudray-Rabut que ces élus ont reçu préalablement à la délibération du 5 septembre 2018 la dernière version du projet de " charte de la commune nouvelle " avec un tableau portant sur l'évolution de la fiscalité. La transmission du projet de charte de la commune nouvelle assortie de ce tableau peut être regardée comme la communication des documents utiles qu'exige le respect du droit à l'information des membres du conseil municipal prévu par l'article L. 2121-13 précité dès lors que ce document mentionne le contexte géographique et administratif du projet de commune nouvelle, les modalités de sa gestion, ses différentes catégories de ressources budgétaires (fiscalité, dotations, ...), le personnel et les services dont elle disposera. En l'absence de tout commencement de preuve contraire, ces attestations ne sont pas sérieusement contredites par l'association requérante.

11. En ce qui concerne l'information des membres du conseil municipal de l'ancienne commune de Pont-L'Evêque, il ressort des pièces du dossier qu'ils ont également reçu le projet de charte de la commune nouvelle ainsi qu'une note explicative de synthèse. Celle-ci mentionne, sous forme de tableaux de type powerpoint, la situation et le nombre d'habitants des deux communes devant se regrouper, l'état de leur patrimoine, les conséquences de la fusion sur les charges de la commune (personnel, emprunts, contrats), l'impact sur la fiscalité et les dotations, et l'évolution envisageable des impôts locaux avec les taux des différentes taxes. Le contenu d'un tel document apparaît conforme aux exigences rappelées ci-dessus de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales.

12. Il résulte ainsi de ce qui a été dit aux points 10 et 11 que le moyen tiré du défaut d'information des élus doit être écarté.

13. En troisième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 2113-2 et L. 2113-6 du code général des collectivités territoriales, en particulier des termes du II de l'article L. 2113-6, que c'est " l'arrêté du représentant de l'Etat dans le département " qui prononce la création de la commune nouvelle. Si la délibération du 11 septembre 2018 du conseil municipal de l'ancienne commune de Pont-l'Évêque mentionne qu'elle " décide la création de la commune nouvelle à compter du 1er janvier 2019, constituée des communes historiques de Coudray-Rabut et de Pont-l'Évêque ", il ne peut s'agir que d'une maladresse rédactionnelle dès lors qu'il est également précisé que le conseil municipal mandate le maire pour saisir le sous-préfet " en vue de prendre l'arrêté de création de la commune nouvelle après le 1er octobre 2018 ". Cette délibération signifie ainsi clairement que seule l'autorité préfectorale est compétente pour décider la création de la commune nouvelle et n'est aucunement entachée de l'incompétence alléguée.

Sur les autres moyens de la requête :

14. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2018 portant création de la commune nouvelle de Pont-l'Évêque méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration faute de comporter la signature de son auteur ainsi que les nom, prénom et qualité de celui-ci manque en fait puisque l'arrêté en cause comporte à la fin la signature, le prénom et le nom de son auteur, M. C... B..., et en tête la qualité de ce dernier " Le préfet du Calvados ".

15. En deuxième lieu, l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2018 dispose que " A compter de sa création et jusqu'au prochain renouvellement suivant sa création, la commune nouvelle est administrée par un conseil municipal constitué de l'ensemble des membres en exercice des conseils municipaux de Coudray-Rabut et de Pont-l'Évêque. Ce conseil municipal élira lors de sa première séance le maire et les adjoints de la commune nouvelle. ". L'arrêté contesté est ainsi parfaitement conforme au I-1° de l'article L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel " Jusqu'au prochain renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal est composé : 1° De l'ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des anciennes communes, si les conseils municipaux des communes concernées le décident par délibérations concordantes prises avant la création de la commune nouvelle ; (...) ", et il ne méconnaît en rien l'article L. 2113-8 du même code qui concerne uniquement l'hypothèse du renouvellement du conseil municipal lors des premières élections générales suivant la création de la commune nouvelle. L'erreur de droit invoquée au regard de ces dispositions doit donc être écartée.

16. En troisième lieu, l'association requérante invoque la violation de l'article L. 2141-1 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel " Le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci et à être consultés sur les décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration des collectivités territoriales, est un principe essentiel de la démocratie locale. Il s'exerce sans préjudice des dispositions en vigueur relatives notamment à la publicité des actes des autorités territoriales ainsi qu'à la liberté d'accès aux documents administratifs. ", au motif que les habitants des anciennes communes de Coudray-Rabut et de Pont-l'Évêque n'ont pas été informés du projet de commune nouvelle, notamment par le biais de réunions publiques d'information. Toutefois, il ressort de sa lettre même que cet article constitue une déclaration de principe qui n'implique pas nécessairement que la population d'une commune soit systématiquement consultée préalablement à une délibération du conseil municipal ayant un objet donné, tel que la création d'une commune nouvelle, dès lors qu'aucune autre disposition ne le prévoit précisément lorsqu'est en cause cet objet. Le moyen apparaît ainsi inopérant.

17. En quatrième et dernier lieu, les deux anciennes communes de Coudray-Rabut et Pont-l'Évêque, outre que leurs territoires sont contigüs, faisaient déjà partie depuis près de vingt ans du même syndicat intercommunal d'assainissement. Par ailleurs, les membres de leurs conseils municipaux ont demandé à l'unanimité la création de la commune nouvelle, tant dans leurs délibérations séparées des 5 et 11 septembre 2018 que dans leur délibération commune du 11 juin 2019. Contrairement à ce que prétend l'association requérante, ni l'identité rurale de Coudray-Rabut ni son développement ne peuvent être considérés comme menacés par la circonstance, non établie, qu'elle deviendrait une simple zone d'extension urbaine de Pont-l'Évêque dès lors qu'avant même la création de la nouvelle collectivité les anciennes communes faisaient l'objet d'un unique plan local d'urbanisme intercommunal permettant une régulation et une cohérence globales de l'aménagement du périmètre correspondant à leurs territoires réunis. De même, il ne ressort pas du dossier que la fiscalité subirait " une hausse vertigineuse ", dès lors qu'est prévu un lissage très progressif, sur une période de treize ans, afin de faire converger les taux respectifs des différentes taxes locales vers un " taux moyen pondéré ", et l'endettement invoqué de la commune de Pont-l'Évêque n'a rien d'anormal puisqu'il est deux fois moindre que la moyenne des communes françaises de sa catégorie. Enfin, il ne ressort aucunement des pièces du dossier que l'ancienne commune de Coudray-Rabut serait défavorisée par la création de la nouvelle collectivité pour la gestion de sa voirie, les travaux ou les services offerts à ses habitants, alors qu'au contraire la commune nouvelle permettra que les moyens plus importants de Pont-l'Évêque soient mis également à la disposition du territoire de Coudray-Rabut et utilisés au bénéfice de ses habitants. Les arrêtés du préfet du Calvados du 17 décembre 2018 et du 17 juillet 2019 portant création de la commune nouvelle de Pont-l'Évêque ne sont donc pas entachés de l'erreur manifeste d'appréciation invoquée.

18. Il résulte de tout ce qui précède que l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Calvados des 17 décembre 2018 et 17 juillet 2019.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut doivent dès lors être rejetées.

20. D'autre part, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Pont-l'Évêque et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut est rejetée.

Article 2 : L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut versera à la commune de Pont-l'Évêque une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la commune de Pont-L'Evêque.

Une copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 30 août 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Brisson, présidente assesseure,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2022.

Le président de chambre, rapporteur,

L. LAINÉ

L'assesseure la plus ancienne dans le grade le plus élevé,

C. BRISSON

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT003492

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00349
Date de la décision : 16/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL BAUGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-16;21nt00349 ?
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