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22/07/2022 | FRANCE | N°21NT03549

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 22 juillet 2022, 21NT03549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme A... E... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Tunis opposant un refus à la demande de visa de long séjour introduite par M. C... en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2104907 du 18 octobre 2021, le

tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme A... E... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Tunis opposant un refus à la demande de visa de long séjour introduite par M. C... en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2104907 du 18 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2021, M. C... et Mme E..., représentés par Me Cavelier, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2021 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre compétent de délivrer le visa sollicité par M. C... ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont méconnu l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Nantes dans le jugement n° 1704552 du 1er juillet 2020 ;

- le motif de refus de visa tiré du défaut de sincérité de l'union matrimoniale méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Nantes dans le jugement n° 1704552 du 1er juillet 2020 ;

- les condamnations prononcées à l'encontre de M. C... en 2012 et 2015 sont trop anciennes pour caractériser une menace à l'ordre public ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont méconnues ;

- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait légalement fonder son refus de visa sur le signalement aux fins de non-admission dont il ferait l'objet, l'article 5 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 n'étant pas applicable aux demandes de visa de long séjour ;

- le refus de visa est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il indique s'en rapporter à ses écritures de première instance.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 août 2016, M. C..., ressortissant tunisien, a épousé, à Zarzis en Tunisie, Mme E..., de nationalité française. Ce mariage a été transcrit sur les registres français le 21 octobre 2016. Le 3 décembre 2020, les autorités consulaires françaises en poste à Tunis ont refusé de délivrer à M. C... le visa de long séjour qu'il sollicitait en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, par une décision du 24 mars 2021, rejeté le recours formé contre la décision consulaire et maintenu le refus de visa. M. C... et Mme E... relèvent appel du jugement du 18 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 24 mars 2021.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 211-2-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / (...) ".

3. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire afin que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir, par des éléments précis et concordants, que le mariage est entaché d'une telle fraude de nature à légalement justifier le refus de visa. D'autre part, des circonstances particulières tenant à des motifs tirés de la nécessité de préserver l'ordre public peuvent être de nature à justifier légalement un refus de visa.

4. Pour confirmer le refus opposé à la demande de visa de long séjour de M. C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que le mariage de l'intéressé revêtait un caractère de complaisance et que celui-ci avait fait l'objet d'une condamnation pénale en 2012 et d'une " expulsion d'Italie ".

5. En se prévalant des mesures d'éloignement dont a fait l'objet M. C... et de l'absence d'établissement en Tunisie de Mme E... alors que cette dernière ne dispose ni de logement propre ni de revenus, le ministre de l'intérieur n'établit pas, sur le fondement d'éléments précis et concordants, que le mariage célébré en 2016 aurait été contracté dans le but exclusif d'obtenir un visa pour M. C.... La preuve du caractère frauduleux du mariage qui incombe au ministre ne saurait résulter, en l'absence de tels éléments, de la circonstance que les justifications produites devant le juge par les requérants seraient insuffisantes et peu probantes.

6. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que postérieurement au mariage et avant le refus de visa en litige, Mme E... s'est rendue à plusieurs reprises en Tunisie. Un de ces séjours a duré plusieurs mois. Les requérants justifient des échanges entretenus et versent plusieurs photographies qui, bien que non datées, sont de nature à établir la réalité de la communauté de vie.

7. Dès lors, en se fondant, pour confirmer le refus de visa, sur le défaut de sincérité de l'union matrimoniale, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

8. Toutefois, la décision est également fondée sur la menace que présente M. C... pour l'ordre public. Il est constant que M. C... a été condamné en 2012 pour des faits de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours et de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt. Le ministre soutient, par ailleurs, sans être contredit que le requérant a été interpellé en 2015 pour des dégradations volontaires de bien et violation de domicile, faits dont le requérant ne conteste pas être l'auteur. Au regard de la gravité de ces faits, de leur caractère non isolé et de leur ancienneté seulement relative, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu légalement, pour confirmer le refus de visa, se fonder sur ce second motif tiré de ce que la présence de M. C... sur le territoire français est de nature à faire peser une menace pour l'ordre public.

9. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision de refus de visa si elle s'était seulement fondée sur le motif tiré de la menace à l'ordre public.

10. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Si Mme E..., ressortissante française, réside en France, il ressort des pièces du dossier que le couple n'a pas d'enfant et que Mme E..., qui, à la date de la décision contestée, n'était pas liée par un contrat de travail, était en mesure de lui rendre régulièrement visite en Tunisie. Dans ces conditions, eu égard à la menace que la présence de l'intéressé sur le territoire français ferait peser sur l'ordre public, la décision contestée n'a pas porté au droit des requérants au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation des requérants.

13. En quatrième et dernier lieu, les requérants réitèrent en appel le moyen tiré de ce que la commission de recours ne pouvait légalement fonder son refus de visa sur le signalement aux fins de non-admission dont M. C... ferait l'objet, l'article 5 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 n'étant pas applicable aux demandes de visa de long séjour. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur le surplus des conclusions :

15. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme A... E... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

Mme Douet, présidente-assesseure,

Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juillet 2022.

La rapporteure,

K. D...

Le président,

A. PEREZLa greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03549
Date de la décision : 22/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-22;21nt03549 ?
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