La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/07/2022 | FRANCE | N°21NT01768

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 22 juillet 2022, 21NT01768


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 juin 2021, 16 novembre 2021, 16 février 2022 et 29 avril 2022, la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend, représentée par Me Elfassi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2021 par lequel la préfète de l'Orne a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Chaumont ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Orne de reprendre l'instruc

tion de la demande d'autorisation dans un délai d'un mois à compter de la notification d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 juin 2021, 16 novembre 2021, 16 février 2022 et 29 avril 2022, la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend, représentée par Me Elfassi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2021 par lequel la préfète de l'Orne a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Chaumont ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Orne de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'étude d'impact n'est pas entachée d'insuffisance quant à la justification de la localisation du site d'implantation ni quant aux zones humides ;

- le projet ne portera pas atteinte à l'environnement ;

- il n'était pas nécessaire de déposer une demande de dérogation au titre des espèces protégées ;

- le dossier de demande d'autorisation n'était pas incomplet.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 décembre 2021 et 18 mars 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 8 janvier 2021 fixant la liste des amphibiens et des reptiles représentés sur le territoire métropolitain protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Durand, substituant Me Elfassi, représentant la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend.

Une note en délibéré présentée par la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend a été enregistrée le 8 juillet 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 juin 2019, la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend a déposé auprès des services de la préfecture de l'Orne une demande d'autorisation environnementale en vue d'exploiter un parc éolien constitué de trois aérogénérateurs, d'une hauteur de 199 mètres en bout de pâle et d'une puissance unitaire de 4,2 MW, et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Chaumont. Par un arrêté du 4 mars 2021, dont la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend demande l'annulation, la préfète de l'Orne a rejeté cette demande d'autorisation environnementale.

Sur la légalité du refus d'autorisation :

2. Aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; / (...) / La décision de rejet est motivée. "

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.

4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / (...) / 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1. / (...). " Aux termes du I de l'article L. 181-2 du même code, " l'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : / (...) / 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° de l'article L. 411-2 ; / (...) ". Selon l'article L. 181-3 du même code : " (...) / II. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) 4° Le respect des conditions, fixées au 4° de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; / (...) ". Aux termes de l'article D. 181-15-5 du même code : " Lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2, le dossier de demande est complété par la description : / 1° Des espèces concernées, avec leur nom scientifique et nom commun ; / 2° Des spécimens de chacune des espèces faisant l'objet de la demande avec une estimation de leur nombre et de leur sexe ; / 3° De la période ou des dates d'intervention ; / 4° Des lieux d'intervention ; / 5° S'il y a lieu, des mesures de réduction ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ; / 6° De la qualification des personnes amenées à intervenir ; / 7° Du protocole des interventions : modalités techniques, modalités d'enregistrement des données obtenues ; / 8° Des modalités de compte rendu des interventions. "

5. D'autre part, l'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / (...). " Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...). "

6. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection : " Pour les espèces d'oiseaux dont la liste est fixée ci-après : / I. ' Sont interdits sur tout le territoire métropolitain et en tout temps : / ' la destruction intentionnelle ou l'enlèvement des œufs et des nids ; / ' la destruction, la mutilation intentionnelles, la capture ou l'enlèvement des oiseaux dans le milieu naturel ; / ' la perturbation intentionnelle des oiseaux, notamment pendant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation remette en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de l'espèce considérée. / II. ' Sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où l'espèce est présente ainsi que dans l'aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants la destruction, l'altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s'appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l'espèce considérée, aussi longtemps qu'ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l'altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques. / (...) ". La liste d'espèces d'oiseaux de cet article vise notamment le Bouvreuil pivoine, le Bruant jaune, le Pouillot fitis, la Linotte mélodieuse, la Bondrée apivore et la Buse variable.

7. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection : " Pour les espèces de mammifères dont la liste est fixée ci-après : / I. - Sont interdits sur tout le territoire métropolitain et en tout temps la destruction, la mutilation, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle des animaux dans le milieu naturel. / II. - Sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où l'espèce est présente, ainsi que dans l'aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants, la destruction, l'altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s'appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l'espèce considérée, aussi longtemps qu'ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l'altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques. / (...) ". La liste d'espèces de mammifère de cet article vise notamment la Noctule de Leisler, la Pipistrelle commune, la Pipistrelle de Nathusius, la Sérotine commune, la Barbastelle d'Europe, le Murin de Bechstein, le Grand rhinolophe et le Petit rhinolophe.

8. Les articles 2 et 3 de l'arrêté du 8 janvier 2021 fixant la liste des amphibiens et des reptiles représentés sur le territoire métropolitain protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection interdisent notamment, sur tout le territoire métropolitain et en tout temps, la destruction et la capture de spécimens de Rainette verte, Grenouille agile, Triton alpestre, Salamandre tachetée et Triton palmé.

9. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact et de l'étude faune-flore réalisée pour le pétitionnaire par un cabinet spécialisé, que si le projet n'aura pas d'impact sur des habitats d'intérêt communautaire, il aura en revanche des impacts, notamment, sur l'avifaune, les chiroptères et les amphibiens.

10. Ainsi, en ce qui concerne les oiseaux, il résulte de l'inventaire de terrain réalisé pour le pétitionnaire, que 53 espèces d'oiseaux, dont 8 présentant un intérêt patrimonial fort et 17 un intérêt patrimonial modéré, ont été observées comme fréquentant le site d'implantation du projet. Selon les études précitées, le projet est susceptible d'avoir un impact brut modéré sur certaines espèces patrimoniales d'oiseaux nicheurs (Bouvreuil pivoine, Bruant jaune, Pouillot fitis, Linotte mélodieuse) en raison du dérangement causé par l'éolienne E1, implantée en forêt. Ces études n'indiquent cependant pas que cette perturbation pourrait remettre en cause le bon accomplissement des cycles biologiques des espèces considérées. Le projet aura par ailleurs un impact brut faible lié au risque de mortalité par collision pour la plupart des oiseaux nicheurs (notamment le Bruant jaune, espèce classée respectivement " vulnérable " et " en danger " sur la liste rouge des oiseaux nicheurs France et la liste rouge des oiseaux nicheurs de Basse-Normandie, et le Roitelet huppé, classé " quasi-menacé " sur la liste rouge des oiseaux nicheurs France), ainsi qu'un impact brut " modéré à fort " pour certaines espèces de grande taille telles que la Buse variable et la Bondrée apivore, qui ne sont pas nicheuses certaines sur le site d'implantation du projet mais l'utilisent au minimum en tant que territoire de chasse, et dont la hauteur de vol et le comportement de " planeurs " les rends sensibles aux collisions. Il ressort également de l'étude comparative réalisée pour le pétitionnaire avec deux autres parcs éoliens exploités en forêt par la société Enercon dans le Jura et en Bretagne que les résultats corrigés du suivi de la mortalité sur ces deux parcs est de respectivement 7 et 4,5 oiseaux par éolienne et par an. Si l'étude d'impact et l'étude faune-flore réalisées pour le pétitionnaire indiquent que les impacts résiduels sur l'avifaune seront " faibles " après application des mesures d'évitement et de réduction, cette étude ne décrit pas suffisamment les raisons pour lesquelles les impacts bruts modérés ou forts rappelés précédemment seront ramenés à un niveau faible après application de ces mesures. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que les mesures d'évitement et de réduction proposées par le pétitionnaire permettront de prévenir, notamment, le risque " modéré à fort " de mortalité par collision d'individus de Buse variable ou de Bondrée apivore, ce dernier étant classé dans l'annexe 1 de la directive " Oiseaux " 2009/147 et ayant le statut d'espèce " vulnérable " sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de Basse-Normandie.

11. En ce qui concerne les chiroptères, 17 espèces sur les 21 connues en Normandie ont été recensées lors des inventaires de terrain comme fréquentant le site d'implantation du projet, dont 8 présentent un enjeu de conservation fort au regard de leur statut " vulnérable " ou " quasi-menacé " sur les listes rouges France ou Basse-Normandie des chiroptères (Pipistrelle commune, Pipistrelle de Nathusius, Sérotine commune, Noctule de Leisler, Barbastelle d'Europe, Murin de Bechstein, Grand rhinolophe et Petit rhinolophe). Des impacts bruts faibles, modérés ou forts sont attendus par le projet en raison notamment du risque de mortalité par collision, du risque de destruction de gîtes et du risque de dérangement, liés à l'implantation de l'éolienne E1 au sein d'une forêt et des éoliennes E2 et E3 au sein d'une prairie et d'une culture à proximité de la lisière de la forêt. Eu égard au choix d'un modèle d'éolienne de grande hauteur avec une garde au sol de 61 mètres au point le plus bas de ses pales, la distance entre le bout de pale et la lisière sera de 68 mètres pour l'éolienne E2 et 65 mètres pour l'éolienne E3. Toutes les éoliennes vont affecter plusieurs couloirs de vol et des zones de chasse des chiroptères. S'il est vrai que le plan de bridage relativement strict envisagé par le pétitionnaire est de nature à réduire significativement le risque de mortalité par collision des espèces migratrices et de haut vol (notamment pour la Pipistrelle de Nathusius, la Noctule de Leisler et la Sérotine commune), tandis que les caractéristiques de la parcelle où prendra place l'éolienne E1, à savoir une jeune plantation de chêne et de pins, devraient prévenir le risque de destruction de gîtes de chiroptère, il résulte de l'instruction que subsisteront, même après prise en compte des mesures d'évitement et de réduction, des impacts au moins faibles sur de nombreuses espèces de chiroptères en raison du dérangement induit par les travaux et l'exploitation des éoliennes, notamment du fait de la modification du paysage lié au déboisement et à leurs conséquences sur les couloirs de vol et les zones de chasse de certaines espèces, en particulier pour les jeunes en période de parturition.

12. Dès lors, les risques de destruction par collision avec les éoliennes de certaines espèces d'oiseaux protégés, ainsi que de perturbation de certaines espèces de chiroptères protégés, imposent à la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend de solliciter la dérogation prévue par les dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. A cet égard, si l'étude faune-flore conclut en page 342 que " les impacts attendus sur les espèces protégées seront faibles à modérés, et surtout, pas de nature à remettre en cause l'état des populations locales des espèces d'oiseaux et de chauves-souris ", ce dont on pourrait déduire que le projet litigieux ne serait pas susceptible de nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, une telle appréciation serait seulement de nature à permettre la délivrance de la dérogation prévue par les dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, sous réserve que les autres conditions fixées par ce texte soient remplies, sans exempter le pétitionnaire de l'obligation de solliciter une telle dérogation.

13. Enfin, en ce qui concerne les amphibiens, les inventaires de terrain ont révélé la présence sur le site d'implantation du projet de sept espèces, dont deux (la Rainette verte et la Grenouille agile) sont inscrites à l'annexe IV de la directive " Habitats " et quatre inscrites comme " vulnérables " ou " quasi-menacées " sur la liste rouge régionale (Grenouille rousse et Triton alpestre) ou la liste rouge nationale des amphibiens (Rainette verte et Grenouille verte). Les cinq espèces citées au point 8 font par ailleurs l'objet d'une protection contre la destruction et la capture. Il résulte de l'instruction que l'éolienne E1 devrait prendre place à un endroit du site particulièrement fréquenté par ces amphibiens. L'étude d'impact qualifie de faible à modéré le risque d'impact brut en raison notamment du risque de destruction ou dégradation des milieux terrestres et du risque de destruction d'individus lors du chantier. Le niveau d'impact résiduel est qualifié de faible après prise en compte des mesures d'évitement et de réduction. Il est ainsi prévu, au titre des mesures de réduction, le " suivi par un écologue en phase chantier " (R09) et la " protection des amphibiens et reptiles " (R13), cette dernière mesure consistant en la pose de barrières de protection afin d'éviter aux amphibiens de pénétrer sur les zones de chantier pour " limiter les risques de mortalité ", ainsi qu'une capture temporaire et le déplacement en dehors des emprises du chantier des éventuels individus observés sur la zone de chantier " sous couvert d'une autorisation de capture temporaire à solliciter auprès de la DREAL avant le démarrage du chantier ". Dès lors, compte tenu du risque de mortalité et, en tout état de cause, du risque important de capture de spécimens de Rainette verte, Grenouille agile, Triton alpestre, Salamandre tachetée et Triton palmé lors des travaux, la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend est tenue de solliciter la dérogation prévue par les dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

14. Or, malgré les demandes de compléments d'informations qui lui ont été adressées par des courriers du préfet de l'Orne des 22 août 2019 et 24 novembre 2020, tenant notamment au dépôt d'une demande de dérogation prévue par les dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend n'a pas complété son dossier conformément à l'article D. 181-15-5 du code de l'environnement. Dès lors, la préfète de l'Orne était tenue de rejeter la demande d'autorisation environnementale présentée par la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend.

15. Il résulte de l'instruction que la préfète de l'Orne aurait pris la même décision si elle s'était fondée uniquement sur ce motif.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2021 de la préfète de l'Orne.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation du parc éolien Le Deffend et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juillet 2022.

Le rapporteur,

F.-X. A...Le président,

A. Pérez

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT01768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01768
Date de la décision : 22/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : ELFASSI PAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-22;21nt01768 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award