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19/07/2022 | FRANCE | N°21NT01757

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 19 juillet 2022, 21NT01757


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Pluvigner a rejeté sa demande tendant à l'inscription à l'ordre du jour du conseil municipal de la question de l'abrogation de la délibération du 10 mars 2016 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle classe en zone agricole Aa la parcelle cadastrée à la section AP sous le n°146, d'autre part, d'enjoindre à la même autorité de convoquer le conseil municipal en ins

crivant à l'ordre du jour une modification du plan afin de classer cette pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Pluvigner a rejeté sa demande tendant à l'inscription à l'ordre du jour du conseil municipal de la question de l'abrogation de la délibération du 10 mars 2016 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle classe en zone agricole Aa la parcelle cadastrée à la section AP sous le n°146, d'autre part, d'enjoindre à la même autorité de convoquer le conseil municipal en inscrivant à l'ordre du jour une modification du plan afin de classer cette parcelle en zone urbaine Ub.

Par un jugement n°1803090 du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juin et 29 décembre 2021, Mme B... C..., représentée par Me Quentel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 avril 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Pluvigner a rejeté sa demande tendant à l'inscription à l'ordre du jour du conseil municipal de la question de l'abrogation de la délibération du 10 mars 2016 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle classe en zone agricole Aa la parcelle cadastrée AP 146 ;

3°) d'enjoindre au maire de Pluvigner de convoquer le conseil municipal en inscrivant à l'ordre du jour une modification du plan local d'urbanisme afin de classer cette parcelle en zone urbaine Ub, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Pluvigner la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée méconnaît l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme ; le classement de la parcelle AP 146 en zone agricole est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables ainsi qu'avec le rapport de présentation concernant la densification du tissu urbain existant ;

- la décision contestée méconnaît l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme en ce qu'elle ne tient pas compte d'une construction située sur la parcelle voisine cadastrée section AP n° 190 ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- en application de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet ; le maire était donc tenu d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal la question de l'abrogation du classement litigieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2021, la commune de Pluvigner, représentée par Me Lahalle, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Quentel, représentant Mme C..., et de Me Boisset substituant Me Rouhaud, représentant la commune de Pluvigner.

Une note en délibéré, enregistrée le 6 juillet 2022, a été présentée pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Pluvigner a rejeté sa demande tendant à l'inscription à l'ordre du jour du conseil municipal de la question de l'abrogation de la délibération du 10 mars 2016 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle classe en zone agricole Aa la parcelle cadastrée à la section AP sous le n°146. Mme C... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur : " Le plan local d'urbanisme comprend : 1° Un rapport de présentation ; / 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; / 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; / 4° Un règlement ; / 5° Des annexes. / Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. Ces documents graphiques peuvent contenir des indications relatives au relief des espaces auxquels il s'applique. ". Aux termes de l'article L. 151-4 du même code : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. ". Aux termes de l'article L. 151-4 du même code : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; (...) / Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. ". Aux termes du I de l'article L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ".

3. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou à un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

4. En l'espèce, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de Pluvigner fixe notamment comme orientation générale le développement raisonnable de l'urbanisation et la limitation de la consommation foncière, avec pour objectifs de densifier prioritairement " le tissu urbain existant afin de préserver les espaces naturels et agricoles " et de " conforter les centralités existantes en densifiant le centre-bourg de Pluvigner, le village de Bieuzy-Lanvaux ainsi que les hameaux de Malachappe et Trélécan, sans étendre les écarts et autres espaces bâtis en secteur agricole qui essaiment la commune ". A ce titre, l'orientation mentionne notamment la " construction en dents creuses ". Le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme mentionne, par ailleurs, comme autre orientation générale, le souhait de " garantir la pérennité d'une activité agricole dynamique ", en vue notamment de préserver le foncier agricole actuellement cultivé. A cet égard, il mentionne la volonté d'identifier les zones agricoles, de les protéger au moyen de zonages stricts et d'ouvrir l'urbanisation à l'écart des espaces agricoles. Pour préciser les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, le rapport de présentation indique que le " potentiel foncier mobilisable " susceptible d'accueillir des constructions complémentaires au sein de l'espace bâti, dont les " dents creuses ", concerne le bourg de Pluvigner et sa périphérie immédiate, le village de Bieuzy-Lanvaux ainsi que les hameaux de Malachappe et Trélécan mais que " tous les autres lieux de vie de la commune constituent des écarts d'urbanisation " dans lesquels " aucune construction nouvelle n'y est souhaitable ".

5. Mme C... soutient que le classement en zone Aa de la parcelle AP 146 n'est pas cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables ainsi qu'avec le rapport de présentation du plan local d'urbanisme, notamment en ce que son terrain constituerait une " dent creuse " au sens de ces documents. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la parcelle en cause est située au lieu-dit " Lesmadien ", qui n'a pas été identifié par le rapport de présentation comme étant susceptible d'accueillir des constructions supplémentaires au sein de l'espace bâti du sud de la rue Lesmadien, laquelle présente le caractère d'une coupure d'urbanisation, et fait partie des secteurs de la commune constituant un " écart d'urbanisation " dont le développement n'est pas souhaité. Dans ces conditions, le classement litigieux n'apparaît pas de nature à contrarier les objectifs fixés par le plan d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme, en dépit de ce que le rapport de présentation prévoit l'appréciation du " potentiel foncier mobilisable " en fonction de " ce qui existe sur le terrain ", en faisant " abstraction du zonage " et de ce que la parcelle voisine cadastrée à la section AP 190 supporte une construction non mentionnée lors de l'établissement de la carte communale. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inadéquation du classement en zone agricole de la parcelle AP 146 avec la seule orientation visant à éviter les constructions en " dent creuse " suffirait, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein du projet d'aménagement et de développement durables et au degré de précision de cette orientation, à caractériser une incohérence entre le classement litigieux et ce projet.

6. Il résulte des développements qui précèdent que le moyen tiré de ce que le classement en zone agricole Aa de la parcelle cadastrée à la section AP 146 par le plan local d'urbanisme communal ne serait pas cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables ou avec le rapport de présentation du plan local d'urbanisme ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". L'article R. 151-23 du même code précise que " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ".

8. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Par ailleurs, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou reposerait sur des faits matériellement inexacts.

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et ainsi qu'il a été dit au point 4, que les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu, d'une part, encadrer le développement urbain sur son territoire, notamment en le " priorisant " dans le bourg et sa périphérie immédiate, dans le village de Bieuzy-Lanvaux ainsi que dans les hameaux de Malachappe et de Trélécan, d'autre part, préserver les espaces naturels, agricoles et paysagers en assurant une transition entre les espaces bâtis et les espaces naturels et agricoles, notamment au lieu-dit " Lesmadien ". La parcelle AP 146 n'est pas bâtie et présente une superficie de 835 m2. Elle s'ouvre au sud sur de vastes secteurs agricoles auxquels elle se rattache. La circonstance qu'elle ne fasse pas l'objet d'une exploitation agricole, à la supposer établie, n'est pas de nature à lui ôter son potentiel agronomique, biologique ou économique. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette parcelle ne peut être regardée, fût-ce pour partie, comme constituant, au sein de la zone urbaine adjacente, une " dent creuse ", dont le projet d'aménagement et de développement durables prévoit l'urbanisation prioritaire pour lutter contre l'étalement urbain, en visant au demeurant un autre secteur de la commune. Par ailleurs, les circonstances que la commune aurait légalement pu retenir un autre classement, que les parcelles voisines auraient été classées en zone Ub et qu'une partie du terrain aurait fait l'objet en 1973, d'un permis de construire, ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre du classement contesté. Dans ces conditions, et en dépit de ce qu'elle serait desservie par les réseaux d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et par une voie publique, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en classant en zone agricole la parcelle cadastrée AP 146, conformément à leur souhait d'assurer la préservation du secteur agricole sur le territoire de la commune et d'encadrer le développement urbain de la commune.

10. Eu égard à ce qui a été dit aux points 6 et 9 ci-dessus, en l'absence d'illégalité, le moyen tiré de ce que le maire était tenu, en application de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal la question de l'abrogation des dispositions du plan d'occupation des sols relatives au classement litigieux ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, au maire de la commune de Pluvigner de convoquer le conseil municipal en inscrivant à l'ordre du jour une modification du classement de la parcelle AP 146, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pluvigner, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans dépens.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Pluvigner au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera une somme de 1 500 euros à la commune de Pluvigner au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la commune de Pluvigner.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de la formation de jugement,

- M. Frank, premier conseiller,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juillet 2022.

Le rapporteur,

A. A...La présidente de la formation

de jugement,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01757
Date de la décision : 19/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : QUENTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-19;21nt01757 ?
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