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13/07/2022 | FRANCE | N°22NT00231

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 13 juillet 2022, 22NT00231


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association Aqualeha a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 7 juin 2021 par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande d'aide présentée, au titre du mois de décembre 2020, sur le fondement de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 et d'enjoindre à la direction générale des finances publiques de lui verser une somme de 62 401 euros à titre d'aides financières pour la période du mois de décembre 2020 sur le fondement de l'article 3-15 du décret n° 2020-

371 du 30 mars 2020 ou de procéder à un nouvel examen de sa demande.

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association Aqualeha a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 7 juin 2021 par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande d'aide présentée, au titre du mois de décembre 2020, sur le fondement de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 et d'enjoindre à la direction générale des finances publiques de lui verser une somme de 62 401 euros à titre d'aides financières pour la période du mois de décembre 2020 sur le fondement de l'article 3-15 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ou de procéder à un nouvel examen de sa demande.

Par un jugement n° 2103893 du 1er décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 janvier 2022, le 29 avril 2022 et le 16 juin 2022, l'Association Aqualeha, représentée par Me Bonnat et Me Costard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103893 du tribunal administratif de Rennes du 1er décembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 7 juin 2021 par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa demande d'aide présentée, au titre du mois de décembre 2020, sur le fondement de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;

3°) d'enjoindre à la direction générale des finances publiques à titre principal, sur le fondement de l'article 3-15 du décret n°2020-371 du 30 mars 2020, de lui verser la somme de 62 401 euros à titre d'aides financières pour la période du mois de décembre 2020 ou, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle analyse de la demande d'aide du 16 février 2021 au titre des pertes du mois de décembre 2020 et, au regard du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 dans sa version en vigueur au 22 février 2021, dans un délai d'un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour défaut de motivation puisque le tribunal administratif n'a pas pris compte son courriel du 31 mars 2021 expliquant les raisons pour lesquelles elle avait été contrainte de déposer une nouvelle demande ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a considéré que la demande du 30 mars 2021 était une nouvelle demande présentée tardivement après le 28 février ; la demande du 30 mars 2021 est identique à celle du 16 février 2021 ; elle a été provoquée par une erreur de l'administration qui n'a pas adressé de courriel demandant des précisions sur l'interdiction d'accueil ; l'administration a toujours considéré qu'il n'y avait qu'une seule et même demande et a appliqué les textes à la date de la demande de février 2021 ;

- en ce qui concerne l'illégalité de la décision du 7 juin 2021 :

o il n'est pas justifié que l'agent qui a rendu la décision de rejet litigieuse était compétent alors que le directeur général des finances publiques est chargé de la gestion du fonds de solidarité en application de l'article 5 du décret du 30 mars 2020 ;

o la décision rendue par un téléservice ne permet pas de connaitre le nom, prénom et qualité de son auteur et méconnait l'article L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

o la décision est entachée d'une erreur de droit et méconnait l'article 3-15 du décret du 30 mars 2020 dans sa version en vigueur au 24 février 2021 qui fixe les règles applicables concernant l'attribution des aides pour le mois de décembre 2020 en exigeant à tort une perte du chiffre d'affaires d'au moins 50 % alors qu'il s'agit d'une condition alternative à celle de la fermeture administrative ; un établissement justifiant d'une interdiction d'accueil du public pour la période du 1er au 31 décembre 2020 n'a donc pas à justifier d'une perte de chiffre d'affaires ;

o la notion d'activité principale n'est pas prise en compte dans le décret du 30 mars 2020 dans sa rédaction au 22 février 2021 ; le décret n'exige pas que la fermeture administrative concerne l'activité principale de l'entreprise ; la décision est donc entachée d'une erreur de droit ; au demeurant le répertoire SIREN mentionne bien comme activité principale l'activité d'analyses sensorielles qui a été concernée par l'interdiction d'accueil du public ;

o elle remplit toutes les autres conditions d'éligibilité visées par l'article 3-15 I a) du décret du 30 mars 2020.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 mars 2022, le 17 mai 2022 et le 14 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande déposée le 30 mars 2021 pour le mois de décembre 2020 était tardive ;

- la requête de l'Association Aqualeha relevant du plein contentieux, le juge n'a pas à se prononcer sur la légalité de la décision qui a refusé l'aide ; les vices propres dont serait éventuellement entachée la décision sont donc sans incidence sur la solution du litige ;

- les moyens soulevés par l'Association Aqualeha ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Costard, représentant l'Association Aqualeha.

Considérant ce qui suit :

1. L'Association Aqualeha, qui a son siège à Vitré (Ille-et-Vilaine), déclare comme activité principale la réalisation d'analyses, essais et inspections techniques et est spécialisée dans l'analyse sensorielle de produits alimentaires, cosmétiques, produits d'hygiène et droguerie. Elle accueille et indemnise du public dans des salles de dégustation situées à Vitré et à Rennes. Elle a été contrainte de fermer ses salles de dégustation en raison de l'épidémie de covid-19, notamment entre octobre 2020 et mai 2021.

2. Par une demande déposée sur le site internet dédié le 16 février 2021, l'Association Aqualeha a sollicité le bénéfice du fonds de solidarité institué par l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. Le même jour, il lui a été indiqué que l'entreprise ne figurant pas sur la liste du système d'identification au répertoire des entreprises (SIREN) ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public, sa demande ferait l'objet d'une vérification par le service. Par une décision du 22 février 2021, notifiée par courriel, la direction des grandes entreprises de la direction générale des finances publiques a rejeté la demande de l'Association Aqualeha tendant au bénéfice du fonds de solidarité. L'Association Aqualeha a de nouveau déposé, le 30 mars 2021, sur le site internet dédié une demande tendant au bénéfice du fonds de solidarité pour le mois de décembre 2020. Celle-ci a été rejetée le 14 avril 2021 par la direction des grandes entreprises. L'Association Aqualeha a contesté cette seconde décision sur le site internet dédié le 20 avril 2021. Cette demande a été rejetée par l'administration fiscale le 7 juin 2021. L'Association Aqualeha a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2021. L'Association Aqualeha relève appel du jugement du 1er décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à l'ensemble de l'argumentation des parties, ont suffisamment justifié au point 3 de leur jugement, les raisons du caractère tardif de la demande d'aide financière de l'Association Aqualeha par rapport à la date butoir du 28 février 2021. Dès lors la circonstance que le tribunal administratif de Rennes n'a pas évoqué les raisons pour lesquelles l'Association Aqualeha avait déposé une seconde demande tendant au bénéfice du fonds de solidarité au titre du mois de décembre 2020 n'est pas de nature à entacher d'une insuffisance de motivation le jugement attaqué, qui n'est dès lors pas irrégulier pour ce motif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. L'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Il est institué, jusqu'au 16 février 2021, un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation (...) ". L'article 3 de cette même ordonnance dispose que : " Un décret fixe le champ d'application du dispositif, les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds (...) ". Par ailleurs, l'article 3-15 du décret du 30 mars 2020 dispose que : " I.-a) Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de décembre 2020, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / 1° Elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er décembre 2020 et le 31 décembre 2020 ; / 2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er décembre 2020 et le 31 décembre 2020 ; / 3° Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er décembre 2020, d'un contrat de travail à temps complet. Cette condition n'est pas applicable si l'effectif salarié annuel de l'entreprise calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale est supérieur ou égal à un ; / 4° Elles ont débuté leur activité avant le 30 septembre 2020. / b) Les entreprises mentionnées au I qui ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public perçoivent une subvention égale au montant de la perte de chiffre d'affaires dans la limite soit de 10 000 euros soit de 20 % du chiffre d'affaires de référence, tel que mentionné au IV du présent article. (...) / c) Les entreprises mentionnées au présent I qui exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 dans sa rédaction en vigueur au 30 janvier 2021 perçoivent une subvention dans les conditions suivantes : / 1° Si elles ont subi une perte de chiffre d'affaires supérieure ou égale à 70 %, le montant de la subvention est égale au montant de la perte de chiffre d'affaires dans la limite soit de 10 000 euros soit de 20 % du chiffre d'affaires de référence mentionné au IV du présent article. Les entreprises bénéficient de l'option qui est la plus favorable ; / 2° Si elles ont subi une perte de chiffre d'affaires inférieure à 70 %, le montant de la subvention est égal au montant de la perte de chiffre d'affaires dans la limite soit de 10 000 euros soit de 15 % du chiffre d'affaires de référence mentionné au IV du présent article. Les entreprises bénéficient de l'option qui est la plus favorable. (...) / (...) / IV. - La perte de chiffre d'affaires au sens du présent article est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de décembre 2020 et, d'autre part, le chiffre d'affaires de référence défini comme : / -le chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente, ou le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019, si cette option est plus favorable à l'entreprise ; / (...) Pour les entreprises ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public, le chiffre d'affaires du mois de décembre 2020 n'intègre pas le chiffre d'affaires réalisé sur les activités de vente à distance, avec retrait en magasin ou livraison, ou sur les activités de vente à emporter. / V.- La demande d'aide au titre du présent article est réalisée par voie dématérialisée au plus tard le 28 février 2021. Ce délai est prolongé jusqu'au 31 mars 2021 pour les associés des groupements agricoles d'exploitation en commun. (...) ".

6. Si, ainsi que le souligne l'Association Aqualeha, le a du I de l'article 3-15 du décret du 30 mars 2020 prévoit, pour le bénéfice du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19, des conditions alternatives tirées notamment, l'une, de ce que l'entreprise a fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public entre le 1er et le 31 décembre 2020 et, l'autre, d'une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la même période de référence, il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles du b) du I de ce même article que dans le cas des entreprises ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public pendant la période de référence, le bénéfice du fonds de solidarité est conditionné au fait que l'entreprise ait subi une perte de son chiffre d'affaires par rapport au chiffre d'affaires de référence tel que mentionné au IV de ce même article. Or, s'il n'est pas contesté que la part de l'activité de l'Association Aqualeha relative à l'exploitation des salles de dégustation a connu une perte de chiffre d'affaires au mois de décembre 2020, le chiffre d'affaires global de l'entreprise, qui doit seul être pris en compte, n'a connu aucune diminution entre le mois de décembre 2019 et celui de décembre 2020 ainsi que l'a relevé la décision du 7 juin 2021, non contestée sur ce point par la société appelante. Dans ces conditions, pour ce seul motif, l'Association Aqualeha ne pouvait prétendre, au titre du mois de décembre 2020, au bénéfice du fonds de solidarité prévu par l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020. Dès lors, l'administration étant tenue de lui refuser une aide à laquelle elle n'avait pas droit, elle ne peut utilement invoquer ni l'incompétence de l'agent ayant pris la décision contestée du 7 juin 2021, ni la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'Association Aqualeha n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la direction des grandes entreprises de la direction générale des finances publiques du 7 juin 2021.

Sur les frais du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Association Aqualeha demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'Association Aqualeha est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association Aqualeha et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

La rapporteure,

M. BÉRIA-GUILLAUMIELe président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00231


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00231
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL AVOXA RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-13;22nt00231 ?
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