Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... J... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 10 novembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 22 juin 2017 par laquelle les autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) ont refusé de délivrer des visas de long séjour à ses deux enfants allégués, E... F... et A..., au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 1800273 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2021, M. B... J... D..., représenté par Me Kouahou, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 10 novembre 2017 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation ; l'identité et le lien de filiation des demandeurs sont établis par les actes d'état civil produits ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... J... D... tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 22 juin 2017 par laquelle les autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) ont refusé de délivrer des visas de long séjour à ses deux enfants allégués, E... F... et A..., au titre du regroupement familial. M. D... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation manque en fait.
3. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code, alors en vigueur : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 411-1 du même code, alors en vigueur : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " En vertu de l'article L. 411-2 du même code, alors en vigueur : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Si la venue en France de ressortissants étrangers a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire use du pouvoir qui lui appartient de refuser leur entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.
4. D'autre part, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.
6. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité des demandeurs de visa, et partant leur lien familial à l'égard de M. D..., n'étaient pas établis.
7. A l'appui des demandes de visa présentées pour les enfants E... F... et A..., ont initialement été produits les actes de naissance n° 2153/2003 et n° 853/2005, dressés les 30 août 2003 et 30 octobre 2005 par l'officier d'état civil de Douala. La levée d'acte effectuée auprès des autorités locales de la commune de Douala a toutefois révélé que le premier acte correspondait à un acte vierge et que le second correspondait à une tierce personne. Ont ensuite été produits, à l'appui du recours préalable formé devant la commission de recours, deux nouveaux actes de naissance n°s 2017LT1701/N/2442 et 2017LT1701/N/2443, dressés le 11 septembre 2017 en transcription de deux jugements supplétif n°s 1596/DL/2017 et 1597/DL/2017 du tribunal de première instance de Douala Ndokoti du 23 août 2017. Pour remettre en cause le caractère probant de ces documents, le ministre de l'intérieur relève que ceux-ci comportent des contradictions et des incohérences, les actes de naissance mentionnant que les enfants sont nés de la relation entre M. D... et Mme I... H..., alors que le jugement supplétif relatif à E... F... fait notamment état d'une filiation maternelle avec Mme G... K... G.... Pour la première fois en appel, M. D... produit deux nouveaux jugements rectificatifs du tribunal de première instance de Douala Ndokoti n°84/DL/2021 et n°293/DL/2021 des 20 janvier et 17 février 2021. Toutefois, et ainsi que le relève le ministre, ces jugements mentionnent la rectification des actes n°2017/LT1701/N/015 concernant E... F... et n°2017/LT1701/N/016 concernant A..., alors que les actes produits par le requérant et faisant l'objet de ces jugements comportent des numéros différents. Par ailleurs, les quelques transferts de fond réalisés au profit de tiers et des enfants à compter de 2015, et dont certains sont postérieurs à la demande de visa, ne suffisent pas à établir l'existence du lien de filiation par la possession d'état. Dans ces conditions, et eu égard aux nombreuses anomalies démontrant le caractère frauduleux des jugements produits, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans faire une inexacte application des dispositions précitées, rejeter la demande de visa litigieuse au motif que l'identité et le lien de filiation des enfants E... F... et A... D... à l'égard de M. D... n'étaient pas établis.
8. En troisième lieu, le lien de filiation n'étant pas établi, ainsi qu'il vient d'être dit, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... J... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.
Le rapporteur,
A. C...Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
No 21NT01343