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24/06/2022 | FRANCE | N°21NT00979

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 juin 2022, 21NT00979


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Carpentier, représentant la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc Eolien de la Vallée du Moulin a dé

posé, le 5 décembre 2018, auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique, une demande d'autorisation environnementale portant sur...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Carpentier, représentant la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc Eolien de la Vallée du Moulin a déposé, le 5 décembre 2018, auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique, une demande d'autorisation environnementale portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs, d'une hauteur en bout de pale de 180 mètres et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Vay. Par un arrêté du 4 février 2021, le préfet a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée. Par la requête visée ci-dessus, la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin demande à la cour d'annuler cet arrêté du 4 février 2021.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 dans sa version issue de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, l'autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

3. Pour refuser l'autorisation environnementale sollicitée le préfet de la Loire-Atlantique a estimé que le projet entraînait un impact fort sur le monument historique du menhir dit de " la Pierre qui Tourne ", que l'étude d'impact était insuffisante au regard des impacts potentiels depuis le château de la Touche et ne permettait pas à l'administration d'apprécier ces impacts sur ce monument, et qu'enfin, l'impact du projet sur l'entrée du bourg de Vay modifiait sensiblement la perception de l'entrée du centre-bourg et fragilisait la revitalisation de celui-ci.

En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact quant aux effets du parc projeté sur le château de la Touche :

4. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.- L'étude d'impact présente : (...) 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ".

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3 le préfet de la Loire-Atlantique a notamment rejeté la demande au motif tiré de ce que " le dossier d'étude d'impact ne permet pas d'apprécier les impacts potentiels depuis le château de la Touche (mais uniquement depuis son portail qui est situé en contre-bas) ". Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact comporte un photomontage pris depuis le portail menant au château de la Touche. L'étude indique, dans ses conclusions, " qu'il n'y a pas de perception possible du parc projeté depuis l'entrée du château de la Touche à Nozay. Les éoliennes sont toutes dissimulées par la hauteur de la végétation et du bâti " et que " Les cartes d'intervisibilité montrent que depuis les abords directs du château les vues sont masquées par le boisement du parc. Une zone de visibilité est possible depuis l'entrée de l'allée de l'édifice ". Selon la même étude, " aucune zone fréquentée présentant un phénomène de covisibilité significatif (vue simultanée du monument et du parc éolien) n'est identifiée ". Par ailleurs, l'avis de l'architecte des bâtiments de France signale que l'unique photomontage inclus dans l'étude d'impact n'est pas pertinent pour apprécier l'impact du parc éolien et que, en raison de la position dominante du château par rapport au bourg et aux percées visuelles largement ouvertes sur le grand paysage aux abords immédiats de ce château, il est " fort probable que les éoliennes soient perceptibles depuis le monument historique ".

6. D'une part, compte tenu du caractère limité de l'insuffisance de l'étude d'impact retenue par le préfet, relative à la seule situation d'un monument, au regard de l'ensemble de cette étude dont la partie XXXII intitulée " les impacts sur le paysage et le patrimoine " comporte 37 pages, la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin est fondée à soutenir qu'en application des dispositions de l'article R. 181-16, qui prévoient que lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe, le préfet de la Loire-Atlantique ne pouvait fonder sa décision sur ce motif sans lui avoir préalablement indiqué les compléments nécessaires et demandé leur production. D'autre part, il résulte de l'instruction que le dossier de demande comprenait, en sus du photomontage évoqué ci-dessus, une photographie aérienne de l'ensemble du site du château de la Touche précisant les cônes de vue depuis les abords du château et le portail et indiquant que le parc se trouvait à une distance de 4.9 km. Ces éléments étaient suffisants pour permettre à l'administration d'apprécier l'impact du projet sur ce monument. Par suite, la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin est également fondée à soutenir que le préfet a inexactement apprécié les faits de l'espèce en estimant que l'étude d'impact était insuffisante sur ce point.

En ce qui concerne l'atteinte portée au caractère ou à l'intérêt des lieux :

7. L'article L. 181-3 du code de l'environnement dispose que " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

8. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que pour statuer sur une demande d'autorisation environnementale, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le menhir de la Pierre qui Tourne, classé monument historique, haut de trois mètres, est situé à 800 mètres de l'éolienne la plus proche. Il est toutefois implanté au cœur d'une zone de taillis dense, et séparé d'environ 45 mètres de l'extrémité nord du taillis. Cette végétation masque partiellement et atténue la covisibilité avec le parc éolien en litige. Par ailleurs, la perception vers le menhir est rendue presque impossible pour un observateur situé à l'extérieur de la zone de taillis et susceptible d'avoir une vue dégagée vers le parc. Par suite, l'atteinte portée à ce monument n'est pas de nature à justifier le refus d'autorisation environnementale qui a été opposé à la société Parc éolien de la Vallée du Moulin.

10. En deuxième lieu, si le parc projeté sera nettement perceptible depuis les entrées est et ouest du bourg de Vay, et si la proximité des aérogénérateurs leur confère une taille apparente imposante, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des photomontages produits au dossier de demande, que ces entrées de bourg constitueraient un paysage urbain de qualité.

11. Par ailleurs, s'agissant des effets sur la commodité du voisinage, le préfet de la Loire-Atlantique soutient que l'entrée du bourg de Vay subira un " effet d'écrasement ". Il résulte cependant de l'instruction que si les maisons d'entrée de bourg auront pour la plupart des vues sur le parc projeté, celles-ci seront atténuées par la présence de végétation et par la distance d'un kilomètre les séparant des éoliennes.

12. En troisième lieu, à supposer que le préfet ait également entendu refuser l'autorisation sollicitée au motif que le projet porterait atteinte à l'intérêt du château de la Touche dont les communs, le mur de clôture et le portail sont inscrits à l'inventaire des monuments historiques, il résulte des derniers éléments produits par la société requérante, à savoir un photomontage réalisé depuis le cône de vue mentionné au point 6, que l'impact des éoliennes, qui apparaîtront en filigrane dans le paysage à une distance de près de 5 kilomètres, sera limité et ne portera pas à ce lieu une atteinte significative.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que l'arrêté du 4 février 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de délivrer à la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin une autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison doit être annulé.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Il y a lieu d'enjoindre, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit et alors que le préfet n'a fait valoir aucun autre motif que ceux évoqués dans le présent arrêt, au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin l'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation du parc éolien projeté composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Vay, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'édiction de mesures de publicité :

15. En application des dispositions de l'article R. 181-50 du code de l'environnement relatives aux conditions de publicité, il appartiendra au préfet de la Loire-Atlantique de prendre les mesures nécessaires à la publicité de l'autorisation environnementale. En l'état du dossier, il n'y a pas lieu d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de prendre de telles mesures.

Sur les frais liés au litige :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 4 février 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de délivrer à la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin une autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Parc Eolien de la Vallée du Moulin est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc Eolien de la Vallée du moulin et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.

La rapporteure,

H. A...

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00979
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET FIDAL BALAY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-24;21nt00979 ?
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