Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... G..., M. L... A..., Mme K... O..., M. J... E..., Mme I... E... et M. M... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2015 par lequel le préfet de la Sarthe a autorisé la société Ferme éolienne de Chenu à exploiter cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Chenu.
Par un jugement n° 1600393 du 14 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur requête.
Par un arrêt n° 18NT02639 du 4 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé contre ce jugement par M. B... G..., Mme F... G... et Mme N... G..., venant aux droits de Mme C... G..., M. J... E..., Mme I... E... et M. M... H....
Par une décision n° 436361 du 7 juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et a renvoyé à celle-ci l'affaire, qui porte désormais le n° 21NT01977.
Procédure devant la cour :
Avant cassation :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2018 et 3 juillet 2019, M. B... G... et autres, représentés par Me Echezar, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 10 juillet 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- l'avis d'enquête publique devait être publié dans le département d'Indre-et-Loire en application de l'article R. 123-11 du code de l'environnement ;
- l'avis de l'autorité environnementale a été émis au terme d'une procédure irrégulière au regard des exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ;
- l'absence de certains avis dans le dossier d'enquête publique, en violation des dispositions de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, a vicié le bon déroulement de cette enquête et méconnu le principe de participation et d'information du public ; le commissaire enquêteur aurait dû inviter le pétitionnaire ou le préfet à les produire et les mettre à disposition du public ;
- l'étude d'impact est insuffisante au regard des exigences de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, s'agissant de la présentation des impacts visuels du projet sur les sites, les monuments d'intérêt et sur les lieux de vie proches, des conditions de raccordement, de l'étude chiroptérologique, des mesures de suivi, des variantes envisagées et des mesures compensatoires ;
- les capacités financières du pétitionnaire sont insuffisamment présentées en méconnaissance des articles L. 512-1 et R. 512-3 du code de l'environnement ; l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article R. 512-13 du code de l'environnement, en ce que la demande ne fait pas suffisamment état des capacités financières de la société pétitionnaire ;
- le projet porte atteinte aux paysages, à la protection des monuments, à la commodité du voisinage et à la nature et l'environnement, aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; l'emplacement des éoliennes envisagées est situé, pour toutes les éoliennes, dans des clairières, en lisière d'un bois (à moins de 50 m).
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 février et 12 juillet 2019, la société Ferme éolienne de Chenu, représentée par Me Gelas, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, afin de permettre la régularisation de l'avis de l'autorité environnementale et de la présentation des capacités financières de la société, et à ce que soit mis à la charge de chacun des requérants le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 9 juillet 2019, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, afin de permettre la régularisation de l'avis de l'autorité environnementale et de la présentation des capacités financières de la société.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. G... et autres ne sont pas fondés.
Après cassation :
Par des mémoires enregistrés les 8 octobre, 10, 18 et 30 novembre 2021 (ce dernier non communiqué), M. G... et autres, représentés par Me Echezar, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 10 juillet 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, dans leurs écritures résultant du mémoire récapitulatif produit le 8 octobre 2021, sur demande de la cour, en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, que :
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne la réponse apportée à leur moyen tiré de ce que l'étude paysagère doit, notamment, présenter l'impact visuel sur les lieux de vie proches ;
- l'avis de l'autorité environnementale a été émis au terme d'une procédure irrégulière au regard des exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ;
- l'étude d'impact est insuffisante et méconnaît les articles L. 122-1 et R. 122-4 du code de l'environnement s'agissant de la présentation des impacts visuels du projet sur les sites, les monuments d'intérêt et sur les lieux de vie proches, des conditions de raccordement, de l'étude chiroptérologique, des mesures de suivi, des variantes envisagées et des mesures compensatoires ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article R. 512-13 du code de l'environnement, en ce que la demande ne fait pas suffisamment état des capacités financières de la société pétitionnaire ;
- le pétitionnaire ne dispose pas des capacités financières pour mener ce projet ;
- le projet porte atteinte aux paysages, à la protection des monuments, à la commodité du voisinage et à la nature et l'environnement, aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; l'emplacement des éoliennes envisagées est situé, pour toutes les éoliennes, dans des clairières, en lisière d'un bois (à moins de 50 m) ; l'autorisation aurait dû faire l'objet d'une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées.
Par lettre enregistrée le 30 août 2021, Mme I... E... a été désignée par son mandataire, Me Echezar, représentant unique, destinataire de la notification de l'arrêt à venir.
Par des mémoires enregistrés les 6 octobre, 12 novembre et 2 décembre 2021 (ce dernier non communiqué), la société Ferme éolienne de Chenu, représentée par Me Gélas, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la cour sursoit à statuer, en application de l'article L. 181- 18 du code de l'environnement, le temps nécessaire à la régularisation des vices entachant l'arrêté préfectoral tirés de l'insuffisance de ses capacités financières et de ce que l'avis de l'autorité environnementale a été rendu dans des conditions qui ne répondent pas aux exigences de la directive du 13 décembre 2011, et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. G... et autres ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la cour sursoit à statuer, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, dans l'attente de la régularisation des vices tirés de l'insuffisance de ses capacités financières et de ce que l'avis de l'autorité environnementale a été rendu dans des conditions qui ne répondent pas aux exigences de la directive du 13 décembre 2011.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. G... et autres ne sont pas fondés.
Par un courrier du 12 mai 2022, les parties ont été informées que la cour était susceptible, de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, pendant un délai d'un an pour permettre la régularisation des vices entachant l'arrêté du 10 juillet 2015, tirés d'une part, de ce que l'autorisation contestée du 10 juillet 2015 n'a pas été précédée d'un avis régulièrement émis par l'autorité environnementale et, d'autre part, de ce que le public n'a pas été suffisamment informé des capacités financières de la société pétitionnaire, enfin, de ce que l'autorisation contestée n'incorpore pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l'article L 411-2 du code
l'environnement.
Par un mémoire enregistré le 16 mai 2022, la société Ferme éolienne de Chenu, représentée par Me Gélas, a présenté des observations en réponse au courrier du 12 mai 2022 de la cour.
Elle soutient que :
- l'avis de l'autorité environnementale n'est pas entaché d'irrégularité ;
- le dossier de demande présentait de façon parfaitement suffisante les capacités financières ;
- en tout état de cause, ces vices sont susceptibles d'être régularisés ;
- le moyen tiré de ce que l'autorisation contestée n'incorpore pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l'article L 411-2 du code
l'environnement n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Echezar, pour M. G... et autres, et de Me Boudrot, pour la société Ferme éolienne de Chenu.
Une note en délibéré, enregistrée le 25 mai 2022, a été présentée pour la société Ferme éolienne de Chenu.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 juillet 2015, modifié le 23 juillet suivant, le préfet de la Sarthe a autorisé la société Ferme éolienne de Chenu à exploiter cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Chenu. Par un jugement du 14 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. G... et autres tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 4 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. G... et autres contre ce jugement. Par une décision du 7 juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué précise que l'étude paysagère jointe au dossier comporte notamment de nombreuses simulations paysagères permettant d'apprécier l'impact visuel du projet sur chacun des sites les plus importants, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle procéderait " d'une présentation trompeuse des enjeux en présence, notamment en ce qui concerne les lieux spécifiquement visés par les requérants " et répond par ailleurs, précisément, au moyen relatif à l'impact visuel du projet sur le château de Montigny et le village de Brèches. Dans ces conditions, le tribunal, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments des demandeurs, a suffisamment motivé son jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la société Ferme éolienne de Chenu :
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'arrêté préfectoral du 10 juillet 2015 précise, dans son article 14, que le délai de recours des tiers est d'un an à compter de sa publication ou de son affichage, et que, par un arrêté préfectoral du 23 juillet 2015, cet article 14 a été modifié qui précise que ce délai est, en application de l'article L. 553-4 du code de l'environnement applicable, par dérogation aux dispositions de l'article L. 514-6, aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, de six mois à compter de sa publication ou de son affichage. Dans ces conditions, la demande de M. G... et autres, enregistrée le 18 janvier 2016 au greffe du tribunal, soit avant l'expiration du délai de six mois prévu par ce dernier arrêté, n'était pas tardive.
4. En second lieu, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.
5. Il résulte de l'instruction que les cinq éoliennes projetées du parc éolien ici en cause, dont la hauteur totale est comprise entre 126,5 et 135,8 mètres, se situent à une distance proche des habitations de certains d'entre eux, notamment de celles des consorts G... et E..., ou bien présenteront des co-visibilités avec certaines propriétés, notamment, le château de Montigny où réside M. H.... Les requérants justifient, ainsi, compte tenu de leur situation et de la configuration des lieux, d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2015 modifié du préfet de la Sarthe.
6. Il résulte des développements qui précèdent que les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par la société Ferme éolienne de Chenu et le préfet de la Sarthe ne peuvent qu'être écartées.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du l'arrêté du 10 juillet 2015 modifié le 23 juillet suivant du préfet de la Sarthe :
7. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 susvisé : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes:/1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre 1er du livre II ou du chapitre II du titre 1er du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, (...), avant le 1er mars 2017,(...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre 1er de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le 1 de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état. (...) ".
8. En application de ces dispositions, l'autorisation en litige du 10 juillet 2015, modifiée le 23 juillet suivant, est considérée comme une autorisation environnementale.
9. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de la même ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction.
10. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
S'agissant de l'étude d'impact :
11. L'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable, dispose que le contenu de l'étude d'impact " est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine " et précise les éléments que cette étude doit comporter.
12. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative.
Quant à la présentation des variantes :
13. Il ressort des termes de l'étude d'impact que celle-ci présente les quatre options d'implantation qui ont été examinées au regard de la hauteur des engins, de leur nombre, de leur implantation et de leurs effets sur leur environnement. Il a notamment été précisé que l'option 4 comportant 5 éoliennes dont l'une est moins élevée que les quatre autres, présente un moindre impact sur l'environnement que les 3 autres options, compte tenu de l'espacement entre les machines et de l'implantation en ligne courbe retenue. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'étude d'impact serait entachée d'insuffisance sur ce point.
Quant à l'étude paysagère :
14. L'étude d'impact décrit le contexte paysager du projet. Elle indique qu'il s'inscrit dans l'entité paysagère la plus sensible de la vallée du Loir, de grande valeur, se caractérisant, dans l'aire d'étude rapprochée (3,5 km), par des vergers, des étendues boisées et de grandes parcelles agricoles, la présence de plusieurs sites naturels classés ou inscrits, à une distance comprise entre 3,5 km et 10 km, ainsi que, pour l'essentiel, dans les aires d'étude intermédiaire et éloignée, au-delà de 10 km, de nombreux monuments historiques protégés. Elle décrit également les lieux d'habitation les plus proches du projet et identifie les hameaux le plus exposés aux vues sur le projet. S'agissant des impacts, elle analyse la zone visuelle d'influence établie à partir des éléments de relief, zone qui fait apparaitre un fort impact théorique concernant l'aire d'étude rapprochée, à l'exception du village de Chenu lui-même, situé dans une dépression à une distance d'environ 4 km du parc éolien, et dans l'aire d'étude intermédiaire. L'étude, qui comprend de nombreux photomontages, précise également que si la visibilité du projet est " bien réelle ", la densité de la trame végétale atténue les vues sur le parc éolien qui sont réduites à la vision d'un mât ou de l'extrémité des pales. Il ne résulte pas de l'instruction que l'étude serait entachée d'inexactitudes sur ces différents points, ni que les effets du projet auraient été " minorés ", les observations du commissaire-enquêteur confirmant que, compte tenu à la fois du relief, de la distance à laquelle les engins seront implantés et des boisements constituant des filtres visuels entre les aérogénérateurs et les lieux d'intérêt ou d'habitation de la population, les incidences visuelles du projet seront limitées. Par suite et alors même que des photomontages auraient pu être réalisés depuis d'autres points de vue, l'étude d'impact, n'est pas entachée, s'agissant des impacts visuels sur les sites, les monuments d'intérêt et sur les lieux de vie proches du projet, d'insuffisances susceptibles de nuire à l'information complète de la population ou de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative.
Quant aux effets du projet sur les chiroptères :
15. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude " faune/ flore/ milieux naturels " annexée à l'étude d'impact, que les auteurs de l'étude d'impact ont confié à un cabinet d'étude spécialisé le soin de procéder à un recensement chiroptérologique. L'étude précise que ce dernier a procédé à des écoutes passives et actives, en trois phases, entre avril et septembre 2012, couvrant les périodes les plus significatives du cycle biologique des chiroptères au regard des effets des éoliennes, à savoir les périodes de transit printanier, de reproduction et de transit automnal, dans des conditions favorables ou moyennement favorables à l'activité des chauve-souris, que deux méthodes d'enregistrement distinctes ont été mises en œuvre et que les appareils de mesure ont été placés, notamment, en lisère de boisements où l'étude précise ces milieux sont propices au transit des chiroptères et représentent des habitats de chasse favorables à certaines espèces. Il a également été procédé à la recherche de gites dans les boisements, le bâti et les ouvrages d'art de la zone étudiée. L'étude consacre également des développements à la situation des sites d'hivernage et des colonies de mise-bas de chiroptères plus au nord et à l'est de la zone d'implantation du projet, dans le secteur de Saint Paterne-Racan. Les données recueillies ont été ventilées selon les espèces et les points d'écoute et que leur niveau d'activité a ensuite été apprécié. L'étude décrit l'état initial et relève " une richesse spécifique ", 20 espèces différentes ayant été observées, et un intérêt fort des chiroptères lié à la situation du parc en lisière de boisements, laquelle constitue une zone de chasse et de déplacement, sans toutefois comporter " d'arbres susceptibles de jouer un rôle de gite ". Elle analyse précisément les enjeux qu'elle qualifie de fort pour six espèces, et les impacts selon les périodes et les espèces considérées. Elle conclut, page 151, à ce que " les enjeux (...) sont marqués du fait de l'implantation des machines à moins de cent mètres des lisières forestières et de la présence cumulée d'espèces à fort enjeu patrimonial et d'espèces sensibles à la présence des éoliennes ", pour la Pipistrelle commune et la Pipistrelle de Khul dont les risques de collision sont élevés, les autres espèces ayant été " très peu contactées dans et aux abords de la zone d'étude ", ou présentant une faible sensibilité aux éoliennes " compte tenu des vols effectués en faible hauteur ", ou de " leur très faible activité " dans le secteur. Elle comporte également des recommandations quant au suivi de ces espèces. L'ensemble de ces éléments est repris et synthétisé dans l'étude d'impact elle-même, qui relève des " enjeux majeurs liés aux habitats concernant exclusivement les boisements et leurs lisières " et énonce, avec précision, plusieurs mesures de suivi. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, qui ne sauraient se prévaloir du non-respect des préconisations de la société française pour l'étude et la protection des mammifères, lesquelles sont dépourvues de toute portée normative, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact, s'agissant des chiroptères, serait entachée d'insuffisances ayant eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou susceptibles d'exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative.
Quant aux conditions de raccordement électrique :
16. L'étude d'impact précise, page 125, que le raccordement des éoliennes entre elles et au poste de livraison ainsi que la jonction au réseau extérieur " seront réalisés en souterrain " et présente le tracé prévisionnel de la ligne interne au parc reliant les éoliennes au poste de livraison. Elle précise également les capacités de raccordement aux postes sources existants. Dans ces conditions, l'étude d'impact comporte un énoncé suffisamment précis des modalités de raccordement du parc éolien au réseau électrique.
Quant aux mesures de réduction et de compensation :
17. L'étude d'impact présente un tableau récapitulatif de l'ensemble des mesures préventives, réductrices et compensatoires du projet. S'agissant des plantations, contrairement à ce qui est soutenu, elle précise leur nature, leur coût prévisionnel, leur localisation et le type de plantations envisagées. Elle prévoit la possibilité de procéder, à la demande des habitants dont les maisons sont situées dans un rayon de 1 000 mètres des éoliennes, à la plantation de haies bocagères, à la charge de la société, à hauteur de 21 000 euros. S'agissant des chiroptères et des oiseaux, l'étude comporte, pages 149 et suivantes, des mesures de réduction et de compensation. Elle précise également les engagements pris par l'exploitant en vue de limiter les impacts paysagers. L'étude d'impact n'est donc pas entachée d'insuffisance sur ces différents points.
S'agissant de l'avis de l'autorité environnementale :
18. L'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement a pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.
19. Lorsqu'un projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l'avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu'autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle répondant aux exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, sauf dans le cas où c'est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d'autorisation et préparé l'avis de l'autorité environnementale. En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l'entité administrative appelée à rendre l'avis environnemental sur le projet dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et que l'avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l'avis n'ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.
20. Il résulte de l'instruction que la même direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Pays de la Loire a, à la fois, instruit la demande d'autorisation (Unité territoriale de la Sarthe), pour le compte du préfet de la Sarthe, et préparé l'avis du 23 septembre 2014 de l'autorité environnementale. Par suite, l'avis de l'autorité environnementale a été émis dans des conditions qui ne répondent pas aux exigences de la directive déjà mentionnée du 13 décembre 2011. Ce vice a été de nature à priver le public de la garantie tendant à ce qu'un avis objectif soit émis sur les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement par une autorité disposant d'une autonomie réelle. Par suite, M. G... et autres sont fondés à soutenir que l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale entache d'illégalité l'arrêté contesté.
S'agissant des capacités techniques et financières de la société pétitionnaire :
21. Les articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies à l'article L. 512-1 de ce code. Il en résulte qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'ils posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code. En revanche, le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation est apprécié au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation.
Quant au respect des règles de procédure tenant à la composition du dossier de demande d'autorisation :
22. En vertu du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, alors en vigueur, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir, à l'appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières. Si cette règle a été ultérieurement modifiée par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, qui a créé l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement en vertu duquel le dossier comprend une description des capacités techniques et financières dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour en justifier, l'exploitant devant, dans ce dernier cas, adresser au préfet les éléments justifiant de ses capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation, cette évolution de la règle de droit ne dispense pas le pétitionnaire de l'obligation de régulariser une irrégularité dans la composition du dossier au vu des règles applicables à la date de délivrance de l'autorisation dès lors que l'irrégularité en cause a eu pour effet de nuire à l'information complète du public.
23. S'agissant de la présentation des capacités financières, le dossier de demande fait apparaître que la société Ferme éolienne de Chenu, dont le capital est de 100 euros, est une filiale d'ABO Wind France, elle-même filiale d'ABO Wind Allemagne, et présente la structure du groupe " Abo Wind ", les bilans et comptes de résultat du groupe pour les exercices 2010 à 2012, ainsi que ceux d'ABO Wind France et d'ABO Wind Allemagne. Il mentionne que le montant de l'investissement est estimé à 13 610 000 euros et que le projet sera financé par des fonds propres à hauteur de 28 %. Il indique encore que les capacités financières pour la construction " se décomposent entre capital et financement bancaire ", le premier étant apporté par le groupe ABO Wind, le second par une " banque de premier rang sous la forme de financement de projet ". Toutefois le dossier ne comporte pas d'engagement financier des sociétés citées ci-dessus, ni d'engagement bancaire quant au financement du projet. Si, par une lettre d'engagement du 19 juillet 2017, les sociétés ABO Wind France et ABO Wind Allemagne s'engagent " à fournir à la SNC Ferme éolienne de Chenu l'ensemble des fonds nécessaires (...) afin de garantir à celle-ci qu'elle disposera des capacités techniques et financières suffisantes pour construire et honorer ses engagements dans le cadre de l'exploitation et du démantèlement de son parc éolien " et " à tout mettre en œuvre, notamment par un apport des fonds propres nécessaires, pour que cette société soit en mesure de conclure un contrat de financement avec une banque de premier rang, à défaut s'engagent à financer la totalité des coûts du projet sur leurs fonds propres ", cette lettre d'engagement n'a pas été jointe au dossier soumis à l'enquête publique, laquelle s'est déroulée du 17 octobre au 17 novembre 2014. Par suite, le dossier de demande d'autorisation ne peut être regardé comme suffisamment précis et étayé quant aux capacités financières dont la société pétitionnaire serait effectivement en mesure de disposer. Compte tenu des indications particulièrement imprécises figurant dans le dossier, cette insuffisance a eu pour effet de nuire à l'information complète du public et donc d'entacher la décision contestée d'un vice de procédure de nature à entacher d'illégalité l'arrêté litigieux, ainsi que le soutiennent M. G... et autres.
Quant à l'appréciation des conditions de fond relatives aux capacités financières :
24. Il résulte de ce qui a été dit au point 21 ci-dessus qu'il convient de faire application des dispositions de l'article L. 181-27 du code de l'environnement issues de l'ordonnance du 26 janvier 2017 pour apprécier les conditions de fond relatives aux capacités financières de l'exploitant.
25. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité. ". Selon l'article D. 181-15-2 du même code : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants: / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ".
26. Ainsi qu'il a été dit au point 23, la société Ferme éolienne de Chenu est une filiale d'ABO Wind France, elle-même filiale d'ABO Wind Allemagne et appartient au groupe " Abo Wind ". Il résulte de l'instruction que le résultat des comptes consolidés du groupe s'établissait à 5,2 millions d'euros en 2012 et à 16,5 millions d'euros en 2016 et ceux d'ABO Wind Allemagne à 2,1 puis 19,1 millions d'euros sur la même période, son résultat net, au 31 décembre 2017, s'établissant à 2,1millions d'euros. En outre, par une lettre d'engagement du 19 juillet 2017, ces deux dernières sociétés se sont engagées " à tout mettre en œuvre, notamment par un apport des fonds propres nécessaires, pour que cette société soit en mesure de conclure un contrat de financement avec une banque de premier rang ", à défaut " à financer la totalité des coûts du projet sur leurs fonds propres ". Par suite, la société pétitionnaire doit être regardée comme justifiant de capacités financières suffisantes. Dès lors, le moyen tiré de méconnaissance des règles de fond issues de l'article L. 181-27 du code de l'environnement doit être écarté.
S'agissant de la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
27. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". L'article L. 511-1 du même code énonce que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Selon l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ".
28. D'une part, si le projet est susceptible d'apporter des modifications à l'environnement proche dans lequel il s'insère, il ne résulte pas de l'instruction qu'il existerait des effets de surplomb ou d'écrasement de hameaux ou de maisons d'habitation qui seraient de nature à porter des atteintes à la commodité du voisinage. Compte tenu du relief, de la densité des boisements et de la distance, comprise entre 1,5 et 5 kilomètres environ, les séparant du parc éolien, il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'il porterait atteinte à l'Abbaye de La Clarté Dieu, à l'Eglise Saint-Martin-de-Tours-de-Chenu, aux châteaux de La Fougeraie, de Paty, de La Motte Sonzay, à l'Eglise Saint-Martin-de-Tours-de-Chenu, à la Grange dimère de La Merrie ou au Manoir de La Fosse.
29. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 15, l'étude d'impact fait état, s'agissant des chiroptères, d'une richesse spécifique et d'un intérêt fort pour les espèces observées, liés à la situation du projet en lisière de boisements constituant une zone de chasse et de déplacement. Elle a notamment relevé un risque élevé de collisions avec les pales des éoliennes, s'agissant de la pipistrelle commune et de la pipistrelle de Kuhl. Toutefois, l'arrêté est assorti de prescriptions prévoyant l'arrêt total des éoliennes, entre le 15 avril et 15 octobre, du coucher jusqu'au lever du soleil, lorsque la vitesse du vent est inférieure à 6 m/s, ainsi que, sous réserve du respect de la réglementation sur le balisage des aérogénérateurs, l'interdiction de toute source lumineuse susceptible d'attirer les chiroptères en période de chasse. Par ailleurs, les travaux sur site " dans la phase chantier " sont interdits entre mi-mars et mi-juillet, y compris les travaux de raccordement jusqu'au poste de livraison. Enfin, l'arrêté litigieux impose à l'exploitant, dès le début de l'exploitation du site, la mise en place d'un suivi, pendant deux ans, de l'activité des chiroptères. Il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures de limitation ne seraient pas suffisantes pour assurer la protection des chiroptères et de l'environnement naturel. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet méconnaitrait les dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
30. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...). " Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens. / (...) "
31. Eu égard à ce qui a été dit au point 29, le moyen tiré de ce que la société pétitionnaire aurait dû présenter une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées ne peut être accueilli.
Sur l'application des dispositions du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :
32. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ".
33. Le I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement prévoit que le juge peut, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d'instruction. Le 2° du I de l'article L. 181-18 permet au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de la décision mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant-dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Cette faculté relève d'un pouvoir propre du juge qui n'est pas subordonné à la présentation de conclusion en ce sens. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation. Ces dispositions peuvent trouver à s'appliquer lorsque le vice constaté entache d'illégalité l'ensemble de l'autorisation environnementale ou une partie divisible de celle-ci. Rien ne fait par ailleurs obstacle à un sursis à statuer dans le cas où le vice n'affecte qu'une phase de l'instruction, dès lors que ce vice est régularisable. Dans tous les cas, le sursis à statuer a pour objet de permettre la régularisation de l'autorisation attaquée. Cette régularisation implique l'intervention d'une décision complémentaire qui corrige le vice dont est entachée la décision attaquée. S'il constate que la régularisation a été effectuée, le juge rejette le recours dont il est saisi.
34. Lorsqu'un vice de procédure entache un avis qui a été soumis au public, notamment dans le cadre d'une enquête publique, préalablement à l'adoption de la décision attaquée, la régularisation implique non seulement que la procédure de consultation soit reprise, mais aussi que le nouvel avis soit porté à la connaissance du public. Il revient au juge, lorsqu'il sursoit à statuer en vue de la régularisation, de rappeler ces règles et de fournir toute précision utile sur les modalités selon lesquelles le public devra être informé et, le cas échéant, mis à même de présenter des observations et des propositions, une fois le nouvel avis émis et en fonction de son contenu.
35. Ainsi qu'il a été dit aux points 20 et 23 ci-dessus, l'autorisation délivrée à la société Ferme éolienne de Chenu par l'arrêté contesté du 10 juillet 2015, modifié le 23 juillet suivant, du préfet de la Sarthe, est entachée d'illégalité en ce qu'elle n'a pas été précédée d'un avis régulièrement émis par l'autorité environnementale et en ce que le public n'a pas été suffisamment informé quant aux capacités financières de la société pétitionnaire.
En ce qui concerne l'avis de l'autorité environnementale :
36. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.
37. L'irrégularité de l'avis émis le 23 septembre 2014 par l'autorité environnementale peut être régularisée par la consultation d'une autorité environnementale présentant les garanties d'impartialité requises. Pour que cette régularisation puisse être effectuée, ce nouvel avis devra être rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement, applicables à la date de l'émission de cet avis ou de la constatation de l'expiration du délai requis pour qu'il soit rendu, par la mission régionale de l'autorité environnementale du conseil général de l'environnement et du développement durable compétente pour la région des Pays-de-la-Loire.
38. Lorsque ce nouvel avis aura été rendu, ou lorsqu'il sera constaté que la mission régionale de l'autorité environnementale du conseil général de l'environnement et du développement durable compétente pour la région des Pays de la Loire n'a pas émis d'observations dans le délai qui lui est imparti par les dispositions du code de l'environnement mentionnées au point précédent, ce nouvel avis ou l'information relative à l'absence d'observations émises par la mission régionale sera mis en ligne sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tels que le site de la préfecture de la région ou celui de la préfecture de la Sarthe, de manière à ce qu'une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité, par des cadres définis et pouvant accepter un nombre suffisant de caractères, de présenter ses observations et propositions. L'accessibilité de cet avis implique également qu'il soit renvoyé à son contenu intégral par un lien hypertexte figurant sur la page d'accueil du site en cause.
39. Dans l'hypothèse où ce nouvel avis indiquerait, après avoir tenu compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait, que, tout comme l'avis irrégulier émis le 23 septembre 2014, le dossier de création du parc éolien envisagé par la société est assorti d'une étude d'impact de bonne qualité permettant la prise en compte des enjeux environnementaux et paysagers du projet, le préfet de la Sarthe pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice initial lié à l'irrégularité de l'avis du 23 septembre 2014. Le préfet pourra procéder de manière identique en cas d'absence d'observations de l'autorité environnementale émises dans le délai requis par les dispositions du code de l'environnement mentionnées ci-dessus.
40. Dans l'hypothèse où, à l'inverse, le nouvel avis émis par la mission régionale de l'autorité environnementale diffèrerait substantiellement de celui qui avait été émis le 23 septembre 2014, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact. Au vu des résultats de cette enquête complémentaire organisée comme indiqué précédemment, le préfet de la Sarthe pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice entachant la procédure initiale d'enquête publique.
En ce qui concerne l'information du public quant aux capacités financières de la société pétitionnaire :
41. Les éléments relatifs aux capacités financières de la société, qui n'ont pas été portés à la connaissance du public, seront portés à sa connaissance selon les modalités prévues au point 38 ou, si une enquête publique complémentaire est organisée, dans le cadre de celle-ci selon les modalités prévues au point 40 du présent arrêt.
42. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point précédent, le préfet devrait organiser une simple procédure de consultation publique des éléments relatifs aux capacités financières de la société pétitionnaire et du nouvel avis émis par la mission régionale de l'autorité environnementale avant de décider de prendre un arrêté de régularisation, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet de la Sarthe ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure.
43. Dans l'hypothèse où le préfet devrait organiser une enquête publique complémentaire, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet de la Sarthe ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure d'enquête publique.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par M. G... et autres jusqu'à ce que le préfet de la Sarthe ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation édicté conformément aux modalités définies aux points 36 à 43 du présent arrêt, jusqu'à l'expiration, soit d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt lorsqu'il n'aura été fait usage que de la simple procédure de consultation publique définie au point 38, soit d'un délai de dix mois lorsque l'organisation d'une enquête publique complémentaire sera nécessaire comme indiqué au point 40.
Article 2 : Le préfet de la Sarthe fournira à la cour, au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l'article précédent.
Article 3 : Tous droits et conclusions des parties, sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... E..., représentant unique désigné par Me Echezar, mandataire, à la société Ferme éolienne de Chenu, au préfet de la Sarthe et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.
La rapporteure,
C. D...Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01977