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21/06/2022 | FRANCE | N°21NT01474

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 21 juin 2022, 21NT01474


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 février 2019 par lequel le maire de Guignen (Ille-et-Vilaine) a délivré à la société Liveoptim Invest un permis de construire pour un bâtiment comprenant 21 logements collectifs sur un terrain situé rue Gimbert, ainsi que la décision du 22 mai 2019 portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n°1903740 du 29 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejet

leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 février 2019 par lequel le maire de Guignen (Ille-et-Vilaine) a délivré à la société Liveoptim Invest un permis de construire pour un bâtiment comprenant 21 logements collectifs sur un terrain situé rue Gimbert, ainsi que la décision du 22 mai 2019 portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n°1903740 du 29 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 mai, 8 novembre et 21 décembre 2021 (ce dernier non communiqué), M. B... D... et Mme C... D..., représentés par Me Collet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 février 2019 du maire de Guignen ainsi que la décision du 22 mai 2019 portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Guignen la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'est pas établi qu'il comporterait l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la société pétitionnaire n'avait pas qualité pour solliciter le permis de construire en méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ; la demande est entachée de fraude en ce que la société Liveoptim Invest n'a jamais mentionné le caractère mitoyen du mur séparatif de propriété ;

- la décision contestée méconnaît l'article 11 du règlement applicable à la zone Ud du plan local d'urbanisme ; par ses dimensions et son volume, le projet ne s'intègre pas dans son environnement ; le mur séparatif de propriété présente le caractère d'un muret traditionnel qui ne peut être détruit ;

- la décision contestée méconnaît l'article 15 du règlement applicable à la zone Ud du plan local d'urbanisme ; les performances énergétiques et environnementales du projet sont insuffisantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2021, la commune de Guignen, représentée par Me Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2021, la société Liveoptim invest, représentée par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Leduc, représentant M. et Mme D..., E..., représentant la commune de Guignen et de Me Vautier représentant la société Liveoptim Invest.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 février 2019 par lequel le maire de Guignen a délivré à la société Liveoptim Invest un permis de construire pour un bâtiment comprenant 21 logements collectifs sur un terrain situé rue Gimbert, ainsi que la décision du 22 mai 2019 portant rejet de leur recours gracieux formé contre cet arrêté. Par un jugement du 29 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés: / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; (...) ". Le dernier alinéa de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige, dispose : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ". En vertu de l'article R. 431-4 du même code, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33. L'article R. 423-38 du même code dispose que l'autorité compétente réclame à l'auteur de la demande les seules pièces exigées en application du livre IV de ce code que le dossier ne comprend pas. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées à l'article R. 423-1 du même code pour déposer une demande de permis de construire doit être regardé, dans tous les cas, comme ayant qualité pour présenter cette demande.

4. D'autre part, les dispositions de l'article 653 du code civil établissent une présomption légale de copropriété des murs séparatifs de propriété. Aux termes de l'article 662 du code civil : " L'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre. ".

5. Il résulte des dispositions rappelées au point 3, notamment du b) de l'article R. 423- 1 du code de l'urbanisme, qu'une demande de permis de construire concernant un mur séparatif de propriété peut, alors même que les travaux en cause pourraient être contestés par les autres propriétaires devant le juge judiciaire sur le fondement des articles 653 et suivants du code civil, être présentée par un seul co-indivisaire. Par suite, la seule circonstance que la société Liveoptim Invest n'aurait pas indiqué à l'administration être propriétaire en co-indivision d'un mur séparatif de propriété concerné par les travaux ne suffit pas à établir que le permis de construire contesté, délivré sous réserve du droit des tiers, aurait été obtenu par fraude. Par ailleurs, il résulte de ce qui précède qu'il n'appartenait pas à l'autorité administrative compétente, saisie de la demande de permis de construire prévoyant des travaux portant sur ce mur séparatif de propriété, d'exiger de la société pétitionnaire la production, en plus de l'attestation prévue par le dernier alinéa de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, d'un document établissant soit que cette société était seule propriétaire de ce mur, soit qu'elle avait l'accord de l'autre copropriétaire de ce mur.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " (...) Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti, des quartiers, des monuments et des sites.". Si M. et Mme D... soutiennent que les constructions projetées sont de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, ils n'établissent ni même n'allèguent que la démolition des constructions existantes, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles auraient un intérêt particulier, serait par elle-même de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti, des quartiers, des monuments et des sites. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 du règlement applicable à la zone Ud du plan local d'urbanisme de la commune de Guignen relatif à l'aspect des constructions et à l'aménagement de leurs abords : " Tout projet de construction devra présenter un volume, une implantation et un aspect satisfaisants, permettant une bonne intégration dans l'environnement, tout en tenant compte du site général dans lequel il s'inscrit et notamment la végétation existante, et les constructions voisines qui y sont implantées. / (...) Les talus boisés existants, les haies bocagères et murets traditionnels constituent des clôtures qu'il convient de maintenir et entretenir. ".

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux se situe au sein d'une zone périphérique du centre-bourg de Guignen, composée d'anciens hameaux, de maisons d'habitation neuves ou récentes, de quelques équipements et d'immeubles de logements collectifs. Le secteur où se situe le terrain d'assiette ne présente pas d'unité architecturale ou d'intérêt significatif. Le projet contesté consiste en l'édification d'un bâtiment d'une hauteur de 12 mètres au faîtage, présentant un volume R+2+combles. Les façades de l'immeuble projeté comportent des maçonneries enduites dans les tons de blanc et de gris foncé, des élévations bardées en zinc, ainsi qu'une toiture courbe favorisant l'insertion de la construction au sein de l'environnement bâti. Le terrain d'assiette de la construction projetée est situé en face d'un immeuble à usage d'habitation collective présentant une volumétrie en R+1+combles sur une longueur de plusieurs dizaines de mètres. Dans ces conditions, et alors que le règlement de la zone autorise les opérations architecturales contemporaines, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet contesté ne permettrait pas une bonne intégration au sein du site d'implantation.

9. D'autre part, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que le mur séparatif situé au nord est de leur propriété caractériserait un muret traditionnel au sens des dispositions précitées de l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone Ud, en dépit de ce que son soubassement aurait été réalisé avec des pierres du pays. En tout état de cause, ces mêmes dispositions ne posent pas une règle stricte d'interdiction de démolition d'un tel type de muret.

10. Il résulte des développements qui précèdent que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est par une inexacte application des dispositions de l'article 11 du règlement applicable à la zone Ud du plan local d'urbanisme de la commune, que le maire de Guignen a délivré le permis de construire litigieux.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 15 du règlement applicable à la zone Ud du plan local d'urbanisme de la commune de Guignen, relatif à la performance énergétique : " Les constructions, travaux, installations et aménagements devront être conçus et réalisés de manière à viser la meilleure performance énergétique et environnementale, notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d'eau ainsi que de la production de déchets liées à leur édification, leur entretien, leur réhabilitation et leur démolition. Ainsi les constructions présenteront des volumes et gabarits simples et compacts de manière à garantir une meilleure performance énergétique. / (...) La mise en œuvre des constructions, travaux, installations et aménagements devront privilégier l'emploi de matériaux renouvelables, recyclables, recyclés, peu énergivores et d'origine locale, chaque fois que possible. ".

12. En l'espèce, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions citées au point 11 n'interdisent pas l'utilisation de zinc ou d'acier pour la construction d'immeubles au sein de la zone concernée, alors même qu'il n'est pas établi que ces matériaux utilisés par le pétitionnaire ne seraient pas, en l'espèce, renouvelables, recyclables, recyclés, peu énergivores ou d'origine locale. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment projeté présente un volume et un gabarit simples et compacts permettant de garantir une bonne performance énergétique. La seule circonstance que le projet ne prévoirait pas l'utilisation d'énergie renouvelable ne suffit pas à démontrer que le permis de construire contesté méconnaîtrait l'objectif de performance énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixé par les auteurs du plan local d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 15 du règlement applicable à la zone Ud du plan local d'urbanisme de la commune de Guignen doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2019 par lequel le maire de Guignen a délivré à la société Liveoptim Invest un permis de construire un bâtiment comprenant 21 logements collectifs sur un terrain situé rue Gimbert, ainsi que la décision du 22 mai 2019 portant rejet de leur recours gracieux formé contre cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Guignen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. et Mme D..., d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

15. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... le versement à la commune de Guignen d'une somme de 750 euros, et à la société Liveoptim Invest d'une somme de 750 euros, au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme D... verseront la somme de 750 euros à la commune de Guignen et la somme de 750 euros à la société Liveoptim Invest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et C... D..., à la commune de Guignen et à la société Liveoptim Invest.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01474
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : AARPI VIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-21;21nt01474 ?
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