La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2022 | FRANCE | N°21NT01467

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 21 juin 2022, 21NT01467


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E..., agissant en qualité de représentante légale de Sydney Bilonda Sangana, et Maggy Kanoni Wa Kanoni ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à Sydney Bilonda Sangana et

à Maggy Kanoni Wa Kanoni, en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E..., agissant en qualité de représentante légale de Sydney Bilonda Sangana, et Maggy Kanoni Wa Kanoni ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à Sydney Bilonda Sangana et à Maggy Kanoni Wa Kanoni, en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2011906 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite intervenue le 28 juillet 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à Sydney Bilonda Sangana et à Maggy Kanoni Wa Kanoni dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... E... devant le tribunal administratif de Nantes.

Le ministre de l'intérieur soutient que les liens de filiation ne sont établis ni par les jugements supplétifs et les actes de naissance de 2017, qui sont frauduleux, ni par la possession d'état.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a, annulé, à la demande de Mme A... E..., la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant la délivrance de visas d'entrée et de long séjour à Sydney Bilonda Sangana et à Maggy Kanoni Wa Kanoni, en qualité de membres de famille de réfugié et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...). ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. Pour rejeter les demandes de visas de long séjour présentées en faveur des deux enfants, la commission de recours s'est fondée sur ce que leur identité et leur lien de filiation avec Mme A... E... n'étaient pas établis.

7. Mme A... E... s'est vu reconnaître en France la qualité de réfugiée en 2012. Pour justifier du lien de filiation en litige, elle a produit deux jugements supplétifs rendus le 14 mai 2019 par le tribunal pour enfants de D.../C..., le certificat de non appel de ces jugements, la photocopie de deux actes de naissance dressés le 2 juillet 2019 par l'officier d'état civil de la commune de Lemba, ville de Kinshasa, en transcription de ces jugements, ainsi que la photocopie de deux copies intégrales d'acte de naissance délivrées le 4 juillet 2019 par l'officier d'état civil de la commune de Lemba, ville de Kinshasa, l'ensemble de ces actes précisant qu'elle est la mère de Sydney Bilonda Sangana et de Maggy Kanoni Wa Kanoni. Si le ministre fait valoir que l'intéressée a également produit des jugements supplétifs du 23 mai 2016 rendus par le tribunal de grande instance de Kinshasa/C..., ces jugements ont été annulés par un jugement du 13 mai 2019 du tribunal pour enfants de D.../C... au motif qu'ils émanaient d'un tribunal incompétent. Enfin, la seule circonstance que les jugements supplétifs rendus le 14 mai 2019 comportent, par endroits, une erreur quant à la date de l'audience publique n'est pas de nature à en établir le caractère frauduleux. Dans ces conditions, les liens de filiation de Sydney Bilonda Sangana et de Maggy Kanoni Wa Kanoni à l'égard de Mme A... E... doivent être tenus pour établis par les jugements supplétifs du 14 mai 2019 et les anomalies dont le ministre de l'intérieur soutient qu'elles entacheraient les actes de naissance transcrivant ce jugement supplétif s'avèrent sans incidence.

8. Dès lors, en estimant que les liens de filiation entre Mme A... E... et les enfants n'étaient pas établis, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a, annulé, à la demande de Mme A... E..., la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à Sydney Bilonda Sangana et Maggy Kanoni Wa Kanoni.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... E....

Délibéré après l'audience du 20 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

La rapporteure,

C. B...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01467
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : LE PALLABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-21;21nt01467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award