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21/06/2022 | FRANCE | N°21NT01192

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 21 juin 2022, 21NT01192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision des autorités consulaires françaises à Oran du 29 décembre 2019 refusant de délivrer à Mme A... E... un visa d'entrée et de court séjour en France, ainsi que la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre cette décision consulaire.

Par un jugement n° 2008443 du 8 mars 2021, le tribunal

administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision des autorités consulaires françaises à Oran du 29 décembre 2019 refusant de délivrer à Mme A... E... un visa d'entrée et de court séjour en France, ainsi que la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre cette décision consulaire.

Par un jugement n° 2008443 du 8 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de court séjour à Mme E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 mars 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... et Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que le risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires est avéré et démontré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2021, Mme C... D... et Mme A... E..., représentée par Me Ah-Fah, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à Mme D... de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que le moyen soulevé par le ministre de l'intérieur n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... E... est une ressortissante algérienne née le 25 juillet 1992. Par une décision du 29 décembre 2019, les autorités consulaires françaises à Oran (Algérie) ont refusé de lui délivrer un visa de court séjour, notamment sollicité afin de rendre visite à sa mère, Mme C... D..., entre le 4 décembre 2019 et le 3 janvier 2020. Mme C... D... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre cette décision. Par un jugement du 8 mars 2021, le tribunal administratif a annulé cette décision de la commission de recours et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". Aux termes de l'article 21 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas : " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) / b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ". Aux termes de l'article 32 du même règlement " 1. (...) le visa est refusé : / a) si le demandeur : / (...) ii) ne fournit pas de justification quant à l'objet et aux conditions du séjour envisagé, (...) ".

3. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer le visa sollicité pour Mme E..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.

5. A l'appui de sa demande de visa, Mme E... a indiqué qu'elle souhaitait rendre visite à sa mère, Mme D..., de nationalité française et résidant à Lorient (Morbihan), en raison de ce que Mme D... souffrait de problèmes de santé et de difficultés familiales. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... dispose dans son pays d'une situation professionnelle stable lui procurant des revenus supérieurs au salaire moyen en Algérie, et qu'elle était en congé annuel de son entreprise pour la période du séjour envisagé. Si le ministre fait valoir que Mme E... a également sollicité un visa de visa de court séjour auprès des autorités espagnoles afin d'entrer ensuite en France, cette seule circonstance, ne suffit pas, compte tenu de ce qui précède, à caractériser l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires. En outre Mme E... soutient, sans être contestée, qu'elle est fiancée dans son pays. Dans ces conditions, et en dépit de ce qu'elle était âgée de 27 ans à la date de la décision contestée, Mme E... justifie de la réalité d'attaches personnelles, matérielles ou familiales en Algérie, pays où elle a toujours vécu, de nature à garantir son retour dans son pays d'origine à l'expiration de son visa. Par suite, en retenant l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 29 décembre 2019 des autorités consulaires françaises à Oran, refusant de lui délivrer un visa de court séjour pour visite familiale.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme à Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme E... et Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., Mme A... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juin 2022.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT01192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01192
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : AH-FAH

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-21;21nt01192 ?
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